Au pied de la butte Montmartre, jouxtant le cimetière se trouve un lieu singulier d’histoire et de culture. Au 15 de la rue Hégésippe-Moreau, une grille en fer forgé annonce en arrondi l’accès limité de la Villa des Arts. Caractéristique de l’ambiance des cités artistiques du XIXème et début du XXème siècle, cet ensemble dédié aux muses est l’un des plus vastes de cette période. Il comporte une cinquantaine d’ateliers où se sont croisés à travers les époques de grands noms tels que Paul Signac, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Francis Picabia, Raoul Dufy ou encore Nicolas Schöffer dont l’ancien lieu de travail est aujourd’hui devenu un musée privé. Si peintres et sculpteurs ont été largement inspirés par cet espace réalisé pour eux, l’architecture particulière et cette atmosphère insolite ont attiré les cinéastes. La Villa des Arts est un décor de cinéma tout trouvé. Federico Fellini y a tourné des scènes du film sorti en 1971, Les Clowns, tandis que mademoiselle Adjani sous la direction de James Ivory en 1981 y jouait dans Quartet. En 1985, l’intrigue d’Escalier C de Jean-Charles Tacchella s’y déroule en grande partie. Pourtant cet ensemble a failli tomber dans les mains de promoteurs peu scrupuleux en 2005 avant d’être racheté et réhabilité par la Ville de Paris.
Sous Louis XV, une parcelle est détachée du cimetière de Montmartre et le terrain dévolu aux artistes qui s’y installent sous la protection du roi. Vers 1850, au début de l’urbanisation du quartier des Grandes Carrières, des bâtiments formant « la villa des artistes » voient le jour. Bientôt, les propriétaires Desmichel et Guéret envisagent de restructurer l’îlot en transformant l’ensemble préexistant. En 1888, l’architecte Henri Cambon est chargé du projet. Les travaux durent jusqu’en 1890. Parvenus intacts jusqu’à nous, il fait édifier trois corps de bâtiments principaux qui s’articulent autour d’une cour. Dans un souci d’économie, il utilise des matériaux de récupération provenant de l’Exposition Universelle de 1899.
En pénétrant la Villa des Arts, à droite, se trouve de pittoresques petites maisons aux fenêtres baroques, dotées l’une de trompe-l’œil et de frises, l’autre d’un chapiteau triangulaire et de faux colombages sur la rue. Le bâtiment G situé au fond de la cour est doté d’un escalier à double révolution exceptionnel. Les arcboutants qui assurent la stabilité de la construction également remarquables font comme l’escalier partie des pièces rapportées empruntées aux reliquats de l’Exposition Universelle.
A gauche en entrant dans la Villa, sur deux niveaux de beaux ateliers d’artistes aux vastes baies vitrées se divisent en mezzanines. La façade est, donnant sur la rue Ganneron et le cimetière de Montmartre, présente une formation singulière. Les larges verrières disposées en escalier permettent d’obtenir une meilleure lumière dans les ateliers. L’ensemble de la villa, cours, jardins, ateliers, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 2 mai 1994.
De nombreux artistes ont habité la Villa des Arts. Eugène Carrière qui y a peint le célèbre portrait de Paul Verlaine conservé au Musée d’Orsay, s’y installe en 1889. En 1890, Edmond de Goncourt lui rendant visite n’est guère séduit par les lieux. Il décrit « une triste villa aux murs d’un gris demi-deuil et aux petites portes d’un rouge pompéien ». Entre 1889 et 1892, Paul Signac séjourne à la villa où il réalise le portrait de son ami Félix Fénéon. L’atelier de Paul Cézanne jusqu’en 1901 est alors décoré de reproductions de Forain découpées dans des journaux. Viendront ensuite, Louis Marcoussis, Francis Picabia, Jean et Raoul Dufy, Marcel Jean, Nicolas Schöffer qui signe ses premières œuvres cinétiques et une création spatio-dynamique chrono-lumineuse qui se trouve toujours dans l’atelier-musée.
Demeurée propriété de la famille Guéret jusqu’en 2005, la Villa des Arts n’a guère été entretenue. Devant l’ampleur des travaux, les héritiers préfèrent vendre. Des promoteurs immobiliers attirés par cet ensemble superbe fomentent des projets de combo de luxe et font fuir les artistes. A ce moment, les ateliers sont pratiquement abandonnés. La Ville de Paris vient au secours de ce lieu de création en 2007. Elle rachète la villa et s’implique dans une réhabilitation prévoyant 33 logements sociaux, 19 ateliers-logements, 28 ateliers d’artistes et un hôtel particulier à vocation artistique. Grégoire Oudin APGO, Bertrand Nacet ABN mènent le projet pour le compte de la RIVP et de la Ville de Paris avec pour objectif la préservation et la restitution du patrimoine, le respect du style d’origine et la modernisation des infrastructures. Aujourd’hui, la Villa des Arts a retrouvé sa vocation première. Peintres, sculpteurs, photographes, graphistes, comédiens, écrivains, musiciens font revivre la grande époque montmartroise tandis que l’association la Villa des Arts développe de nombreux projets visant à faire découvrir leurs réalisations.
Villa des Arts
15 rue Hégésippe-Moreau - Paris 18Métro La Fourche ligne 13
Bibliographie
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du promeneur 18è arrondissement - Parigramme
Sites référents
Association La Villa des Arts
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