Cinéma : Youth de Paolo Sorrentino - Avec Michael Caine, Harvey Keitel, Paul Dano



Dans un établissement thermale des Alpes suisses, cossu sanatorium où s’épanouit le troisième âge des exilés fiscaux, deux artistes, un chef d’orchestre et un cinéaste, deux octogénaires, amis depuis toujours philosophent sur la vie et la mort, leur carrière, leurs souvenirs communs, les amours défuntes et la prostate, sujet grave s’il en est. Mick Boyle - Harvey Keitel - le réalisateur, vétéran hollywoodien entouré d’une troupe de jeunes scénaristes un peu largués s’échine sur la trame de son film-testament en espérant bien convaincre Brenda Morel son actrice fétiche de toujours de participer au projet.  Fred Ballinger - Michael Caine - le compositeur, a abandonné sa carrière, tournant le dos à la musique lorsque sa femme, une soprano d’exception a cessé de pouvoir interpréter ses œuvres. Entêté dans son renoncement, il refuse avec humeur l’offre de Buckingham Palace lorsque l’émissaire de la Reine d’Angleterre lui propose de diriger un concert pour l’anniversaire du prince consort.







Réflexions sur le désir, la vieillesse et les illusions perdues, Youth exprime avec une drôlerie désabusée, une certaine méchanceté, la difficulté d’être au monde. Paolo Sorrentino, trublion irrévérencieux, dandy blasé, traduit la fantasmagorie de l’intime et ses excès à travers un cinéma stylisé à l’extrême dont la flamboyance, la beauté contemplative un peu kitsch souligne une ostentation assumée et des partis pris esthétiques forts. Sens du baroque néo-fellinien et lyrisme, le réalisateur parvient à nous faire dépasser les apparences du maniérisme en invoquant la grâce.

Composé de saynètes drôles et sombres, aux dialogues déroutants, Youth traduit le goût du verbe et de la littérature de Sorrentino. A travers un univers au luxe froid et une nature hygiéniste, établissement helvète perdu dans les cimes qui m’a singulièrement fait penser au livre La Montagne magique de Thomas Mann, une galerie de personnages interprète une dernière ronde. Un timide acteur américain venu se ressourcer pour trouver l’inspiration afin d’interpréter un rôle qui changerait sa carrière croise sa mélancolie à celle de Michael Caine. Un moine bouddhiste pratique la lévitation. Une callipyge Miss Univers se baigne nue. Des corps usés en cure subissent des soins dans les volutes vaporeuses d’un sauna. Un joueur de football, retraité bedonnant, dos tatoué d’un portrait de Karl Marx, qui ne se déplace qu’avec une canne et sa bouteille d’oxygène retrouve sa jeunesse en jonglant avec une balle de tennis.




La démesure de Paolo Sorrentino n’exclut pas une tendresse sincère envers ses comédiens qui développent sous son objectif des rôles attachants et profonds. Le charismatique Michael Caine, splendide, d’une justesse rare,  offre une nouvelle idée de l’apathie dont tout le monde voudrait affubler son personnage. Harvey Keitel, en retraité pêchu adulé par des petits jeunes, donne la réplique à une excellente Jane Fonda, caricature de vieille actrice sur le retour.

Fable onirique, optimiste, Youth pourrait bien nous donner la recette pour surmonter le deuil et résister au temps malgré la vulgarité de l’époque.

Youth de Paolo Sorrentino
Avec Michael Caine, Harvey Keitel, Rachel Weisz, Paul Dano, Jane Fonda
Sortie le 9 septembre 2015