Cinéma : Le Grand Jour, un documentaire de Pascal Plisson - Par Didier Flori



Sur les toits de la Havane, un jeune garçon s’entraîne seul à boxer. En Inde, sur les rives du Gange, une adolescente travaille sur ses exercices de mathématiques. Dans la savane ougandaise, un jeune homme étudie un livre sur les oiseaux. En Mongolie, une petite fille se lève aux aurores pour se rendre à son entrainement de contorsions. Déterminés et volontaires, Albert, Nihdi, Tom et Deegii ont tous un rêve auquel ils consacrent chaque instant de leur vie quotidienne. Le grand jour nous offre la chance d’être les témoins privilégiés de la quête de ces enfants hors du commun.







Après "Sur le chemin de l’école", César 2014 du meilleur documentaire, Pascal Plisson reprend dans ce nouveau long métrage le même dispositif. On est d’abord un peu déroutés par l’esthétique très travaillée et l’absence de témoignages face caméra, procédés qui donnent au film une forme plus proche de la fiction. Plisson met ostensiblement en scène les situations, son geste de réalisateur est visible. Mais paradoxalement cette méthode lui permet de s’effacer progressivement et de hisser les enfants qu’il filme au rang de véritables héros de cinéma, modèles à admirer et à suivre. Le duo formé par le réservé Albert et Roberto, son ami volubile et coach auto-proclamé, crève particulièrement l’écran. 

On tombe vite sous le charme des héros du "Grand Jour", suivis aux quatre coins du monde. Les presque adultes Nihdi et Tom nous conquièrent par leur sérieux et leur optimisme. On est amusés par le naturel des jeunes Roberto ou Deegii impitoyable lorsqu’il s’agit de juger les tenues que lui propose une couturière pour une audition. Mais derrière le charme attendrissant du grand jour se trouve aussi une gravité. Issus de milieux très modestes, les protagonistes jouent leur avenir dans les examens, concours ou match de boxe qu’ils préparent. C’est par là que le film nous touche droit au cœur, lorsqu’Albert est en proie aux doutes ou que la sérieuse Deegii semble avoir dû renoncer aux joies innocentes de l’enfance pour perfectionner sans cesse ses contorsions.




Ces enjeux posés tout au long du film culminent lors de la séquence en montage parallèle des "grands jours". Cependant ces climax se révèlent plus ou moins cinégéniques. Le match de boxe d’Albert ou l’audition de Deegii l’emportent largement par leur caractère physique et visuel tandis que les examens écrits de Tom et Nihdi se prêtent moins à la captation filmée, d’autant que Pascal Plisson prend garde de ne pas perturber ces épreuves. Mais le réalisateur compense ce relatif défaut en proposant un épilogue émouvant qui revient à la forme documentaire classique des entretiens pour recueillir les impressions des héros et de leurs familles sur l’issue de leur épreuve décisive. Les témoignages pudiques des parents, leur fierté de voir leurs enfants réussir ce qu’ils n’ont jamais pu accomplir, ajoutent à la beauté des défis relevés.  On ressort du Grand jour le cœur léger et rempli d’espoir, inspiré par la combativité d’Albert, Nihdi, Tom et Deegii, et reconnaissant à Pascal Plisson de nous les avoir fait rencontrer et de leur avoir si bien rendu hommage.  

Le Grand Jour, de Pascal Plisson 
Sortie le 23 septembre 2015
Avec Nihdi Jha, Albert Ensasi Gonzalez Monteagudo, Deegi Batjargal et Tom Ssekabira 


Cinéphile averti, Didier Flori est l’auteur de l’excellent blog consacré au cinéma Caméra Critique que je ne saurais trop vous conseiller. Egalement réalisateur et scénariste, c’est avec ferveur qu’il œuvre dans le cadre de l’association Arte Diem Millenium qui soutient les projets artistiques de diverses manières, réalisation, promotion, distribution… Style ciselé, plume inspirée et regard attentif, goûts éclectiques et pointus, ses chroniques cinéma révèlent avec énergie toute la passion qui l'anime au sujet du 7ème art.