A 14 ans, Malony est déjà un délinquant récidiviste. Fils incontrôlable d’une mère célibataire dépassée et immature, adolescent déscolarisé, il crache sa haine de la société qui le rejette en s’enfermant dans le cercle de la violence. Depuis ses six ans, il va de familles d’accueil en foyer de réinsertion en centres d’éducation repassant sans cesse devant le bureau de la juge qui le suit depuis son plus jeune âge et désespère de pouvoir l’aider. A la dérive, stigmatisé par une certaine fatalité sociale, Malony refuse obstinément les mains tendues malgré l’opiniâtreté de la juge et de l’éducateur.
Parcours d’un exclu du système, trajectoire chaotique, La tête haute raconte l’enfance traumatisée avec force et réalisme, sans sombrer dans le misérabilisme, ni la complaisance. Alors qu’Emmanuelle Bercot, la réalisatrice, dresse le constat d’une société qui semble à cours de solution pour aider ces jeunes en déshérence, il s’agit également d’un bel hommage aux travailleurs sociaux et à la justice des mineurs qui œuvrent chaque jour pour tenter de les sauver d’eux-mêmes, les éduquer pour leur donner une chance d’avenir malgré le désenchantement qui guette, le manque de considération.
Rod Paradot petite frappe aux allures juvéniles, tout en tension, noué, contracté prêt à exploser incarne avec sensibilité la furie blessée de haine et de violence derrière lesquelles se dissimulent un profond mal-être et le manque d’amour. Sara Forestier, mère indigne toxique affublée d’une prothèse dentaire façon chicots un peu gênante, tend à en faire trop dans son rôle de bimbo cradingue hystéro. Catherine Deneuve, la juge des enfants, seul repère fixe dans la vie de ce gamin, et Benoît Magimel l’éducateur au passé mouvementé, seule figure paternelle, sont quant à eux impeccables de justesse et de retenue.
Film coup de poing, efficace et poignant, œuvre lourde de sens, dure mais nécessaire, Emmanuelle Bercot choisit de garder une leur d’espoir dans toute cette noirceur. Apre, fébrile, la réalisation oscille entre le documentaire et la fiction poussant le réalisme dans des scènes éprouvantes et récurrentes de confrontation avec les institutions, images lancinantes à bout de souffle. A l’instar de son personnage principal, la tête haute est un long-métrage tendu et dérangeant dans les vérités qu’il expose. Seul bémol à mon sens, une fin un peu plus faible qui donne dans la longueur, flottante vaguement banale, elle sombre dans le mélo sur le mode rédemption et passation.
La tête haute d’Emmanuelle Bercot
Sortie le 13 mai 2015
Avec : Rod Paradot, Catherine Deneuve, Benoît Magimel, Sara Forestier
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