Cinéma : Big Eyes de Tim Burton - Avec Amy Adams, Chistoph Waltz - Par Didier Flori



Fin des années 50 aux Etats-Unis, Margaret quitte courageusement son foyer avec sa fille pour s'installer à San Francisco. Sans le sou, elle vend dans la rue des portraits d'enfants aux grands yeux qui attirent bientôt l'attention d'un autre exposant vendeur, Walter Keane. Margaret est vite séduite par ce beau parleur qui semble à même de lui apporter la stabilité. Lorsque son ex-mari menace de lui retirer la garde de sa fille, Margaret accepte sans trop d'hésitation la demande en mariage improvisée de Walter. De retour de leur lune de miel idyllique, Walter cherche en vain à vendre ses œuvres, tandis que celles de Margaret suscitent l'intérêt. Il ne tarde pas à se faire passer pour leur auteur...







Vingt ans après Ed Wood, Tim Burton revient au genre du biopic en s'intéressant à l'histoire vraie du couple Keane dont les œuvres ont fait sensation dans l'Amérique des années 50-60. Ce choix de sujet n'est pas totalement surprenant pour le cinéaste qui avait fait peindre par Margaret Keane le portrait de Lisa Marie, sa compagne des années 90. Cependant certains fans de Burton pourront être décontenancés par l'apparente absence de l’imaginaire qui lui est associé. Pas de fantastique ni de gothique ici, mais une chronique réaliste sous le soleil de la Californie. Tim Burton aurait-il renié une part de son excentricité artistique pour signer une biographie à la forme plus classique ?

C’est oublier l’éclectisme des débuts de l’œuvre de Burton. On évoque souvent ses expressionnistes Batman et Edward aux mains d’argent, en oubliant les univers colorés de Pee Wee Big Adventure ou Mars Attacks. Avec Big Eyes, on assiste à un renouvellement de son inspiration. Le cinéaste se dégage de façon salutaire de la routine dans laquelle il s’était enfermé ces dernières années en compagnie de Johnny Depp et Helena Bonham Carter. Nouveaux venus chez Burton, Amy Adams et Christoph Waltz forment un couple à la dynamique efficace. Waltz poursuit dans le registre du baratineur dans lequel il est passé maître, mais c’est surtout Adams qui impressionne en artiste à la fois naïve et indépendante, élégante et fragile.





Où reconnaît-on la patte de Tim Burton dans Big Eyes ? Il conserve son sens de la mise en scène baroque et utilise à merveille décors et costumes aux couleurs vives pour reconstituer l’atmosphère de l’Amérique des années 50-60. Et on peut surtout voir dans le couple Keane un double autoportrait de Burton. D’un côté, le cinéaste est évidemment semblable à Margaret, obsédé par des images qu’il ne cesse de reproduire de film en film. Mais il y aussi une part de Walter en lui, son côté artiste rock star qui a su séduire les foules et les médias. Habilement construit, le récit montre bien comment le succès phénoménal des « Big Eyes » tient d’un mélange de création artistique et de brio commercial en répartissant assez équitablement le temps de présence de ses deux personnages centraux.




On pardonnera une fin un peu vite expédiée et conventionnelle tant on aura suivi avec plaisir ce film qui mêle avec bonheur divertissement et ambition artistique, un mélange dont on pensait que Burton avait perdu la recette. Reste à déterminer la place de Big Eyes dans la filmographie de son auteur. S’agit-il d’une parenthèse ou d’un nouveau départ ? Si son prochain projet, Miss Peregrine et les Enfants particuliers, l’emmène encore une fois vers des terres fantastiques, l’absence de Johnny Depp au casting est un présage encourageant.  

Big Eyes de Tim Burton 
Sortie le 18 mars 
Avec Amy Adams, Chistoph Waltz, Danny Huston, Terence Stamp et Krysten Ritter



Cinéphile averti, Didier Flori est l’auteur de l’excellent blog consacré au cinéma Caméra Critique que je ne saurais trop vous conseiller. Egalement réalisateur et scénariste, c’est avec ferveur qu’il œuvre dans le cadre de l’association Arte Diem Millenium qui soutient les projets artistiques de diverses manières, réalisation, promotion, distribution… Style ciselé, plume inspirée et regard attentif, goûts éclectiques et pointus, ses chroniques cinéma révèlent toute la passion qui l'anime pour le 7ème art. Il nous rejoint aujourd’hui, dans la Dream Team Ciné. Faisons-lui bon accueil pour ce tout premier billet !