Fleur de Tonnerre - Jean Teulé : Dans la lignée de ses romans historiques sanglants, Jean Teulé s’intéresse dans son dernier opus à la légende de l’empoisonneuse Hélène Jégado, issue d’une famille de nolbiaux désargentés, devenue cuisinière qui sème la mort sur son passage à travers la Bretagne du XIXème siècle. Hantée par les contes celtes, la jeune Hélène, se croit, dès l’âge de huit ans investi d’une mission. Elle se prend pour la réincarnation de l’Ankou, l’Ouvrier de la Mort et débute sa sordide carrière de tueuse en série en assassinant sa propre mère, puis ses tantes et sa sœur. Placée dans différentes maisons comme apprentie en cuisine, elle trucide à tour de bras hommes, femmes, enfants avec ses soupes et ses gâteaux à l’arsenic. De presbytères en couvents, de bordels en maisons bourgeoises, Hélène originaire de Plouhinec, sillonne une Terre de légendes auxquelles elle donne vie en apportant la mort. Arrêtée en 1851, jugée et condamnée, elle est guillotinée le 26 février 1852 à Rennes.
Fleur de Tonnerre retrace le destin hors du commun de cette première tueuse en série à travers une épopée romanesque ponctuée de mysticisme entre réalisme grinçant et humour noir non dépourvu d’une certaine trivialité. Tour à tour Sirène, Ange de la Mort, diablesse, Ankou, Hélène Jégado interprète à sa façon les personnages du folklore celtique. Jean Teulé nous entraîne dans une ronde bretonne fatidique. Son récit circulaire reprend comme motif la répétition du passage à l’acte mettant en lumière la dualité de la tueuse méthodique, sans pitié mais capable pourtant de tomber amoureuse, cuisinière aimante appréciée de ses patrons jusqu’à l’issue fatale. En contrepoint, le parcours de deux perruquiers normands happés par la folie de cette contrée reculée, vient éclairer le livre d’une touche comique presque grandguignolesque.
Mise à distance et dérision, l’auteur d’un style épuré, largement agrémenté de dialogues retrace ce terrible fait divers comme une légende où s’entremêlent la mort, le folklore, le sexe, l’aliénation. Poétique souvent, presque joyeux parfois, baroque et truculent, ce roman à l’univers sombre manque cependant un peu de densité probablement à cause de la rengaine de la tueuse qui jusqu’au bout sans pitié achève ses victimes de la même façon, obsédée par un rituel de mort. Court récit, Fleur de Tonnerre se lit d’une traite. De la même veine que Mangez-le si vous voulez, Jean Teulé ne parvient pourtant pas à donner d’épaisseur à ses personnages dont la psychologie ébauchée peine à nous donner des explications sur les crimes qu’il décrit. Petite déception donc car j’attends beaucoup de ce romancier au verbe haut que j’apprécie particulièrement, mais pas désagréable à lire.
Enregistrer un commentaire