Pour la 6ème édition de Monumenta, l’impressionnante nef du Grand Palais, un espace de 13 500 m2 dont la hauteur sous la verrière atteint jusqu’à 45 mètres, a été confiée à Ilya et Emilia Kabokov artistes conceptuels russes exilés aux Etats-Unis depuis 1992. Entre architecture et installations, leur Etrange Cité est une ville forteresse d’un blanc immaculé, aux bâtiments ramassés qui rappellent la méditerranée, la Grèce en particulier. Le couple illustre son espace mental entre souvenir, réalité et fantasmagorie donnant naissance à un monde onirique imaginaire où références métaphysiques, cosmiques, bibliques se mêlent à celles historiques et artistiques de la Renaissance à l’ère soviétique. Un symbolisme fort, un questionnement profond au sujet de la condition humaine, la notion de temps et de bonheur.
Cité utopique abandonnée, mystérieux dédale hors du temps, le parcours se déploie en neuf étapes qui débutent par la pièce la plus réussie à mon sens la coupole renversée, spectaculaire rosace de son et lumière. Devant elle, se dresse la porte de l’Etrange Cité comme un vestige antique, une ruine inquiétante qui confirme une certaine dimension apocalyptique pressentie par la coupole tombée au sol. En pénétrant dans la ville, le visiteur découvre sept bâtiments organisés dans un labyrinthe dont les circonvolutions sont reliées par des arches graciles.
Je regrette qu’au lieu d’investir l’espace, Ilya et Emilia Kamarov aient préféré limiter leur choix en réduisant cet espace à un labyrinthe de bâtisses aveugles, une ville fantôme tout en horizontalité. La dimension in sitù de l’événement, le jeu entre l’architecture d’acier et de lumière de la nef du Grand Palais et l’œuvre, a été mise de côté au profit d’une forme d’exposition plus traditionnelle, réduite aux dimensions des petites constructions. Il n’y a pas de synergie réelle.
Dans un cadre ultra-classique artificiel et vaguement claustro, est présentée une multitude d’œuvres de dimensions réduites tels que maquettes, tableaux, dessins. Le résultat est inégal et les créations ordonnées de façon énigmatique donnent l’impression d’un manque de liens entre les installations de chaque édifice. En prenant le contrepied des éditions précédentes, le couple livre une œuvre hermétique, mettant en sourdine l’émotion instantanée au profit du concept.
Enregistrer un commentaire