Un bonheur parfait - James Salter : Viri et Nedra sont jeunes, beaux, ne manquent de rien. Ils habitent une jolie maison à Long Island. Lui est architecte, père modèle. Il passe quatre jours par semaine à New York pour son travail qui le passionne. Elle est gracieuse, inventive, parfaite maîtresse de maison et femme au foyer enchanteresse. Leurs deux petites filles Franca et Danny sont charmantes. Il y a un chien, un poney, des poules, un lapin. Leurs amis sont élégants, cultivés. Ils reçoivent beaucoup, fréquentent les vernissages raffinés et les concerts classiques. Image d’Epinal, image d’un couple modèle, d’un bonheur idyllique qui n’est au final qu’une façade. Alors qu’ils semblent très unis, Viri s’éprend d’une jeune femme qui devient son assistante et sa maîtresse tandis que l’on apprend que Nedra est engagée depuis longtemps dans une liaison adultère. Une manière pour eux de tromper l’ennui de la routine avant même qu’il ne se fasse sentir.
A travers une série d’images vivaces, de scènes délicates, James Salter retrace la mémoire des instants précieux, éternels et simples. Ces saynètes composées avec maestria, divines esquisses, révèlent les bribes de joie, les petits moments qui font le bonheur, ceux dont le souvenir est chéri jusque dans le grand âge. Styliste virtuose, l’auteur retranscrit d’une plume vive, gracieuse et poétique l’atmosphère de plénitude qui imprègne la vie de ce couple. Mais peu à peu, ce tableau idéal se mue en autre chose dans une lente déliquescence, révélant à quel point cette harmonie d’un quotidien sans aspérité peut être trompeuse. Le verbe voluptueux, sensuel se fait alors nostalgique, doux-amer.
La réalité corrode les êtres et les sentiments. Les espoirs de jeunesse s’évaporent lentement avec le temps et l’usure. Les souvenirs se parent de couleurs que les moments présents n’ont plus. James Salter explore les facettes de la félicité conjugale qui se craquelle sans bruit. Il se souvient des émotions fugaces, insaisissables et de la déréliction insidieuse. Le bonheur porte en lui le germe de son propre délitement. La passion s’effiloche. Ressentiment et jalousie abîment l’amour qui demeure malgré tout. L’éloignement progressif et la disparition des désirs marquent la fin de l’insouciance, celle de la jeunesse. A travers ce roman admirable, l’auteur nous parle du couple et du bonheur, analysant avec une finesse merveilleuse les arcanes de l’existence. Un texte flamboyant et paisible, émouvant et cruel, envoûtant, si proche et si lointain.
Un bonheur parfait de James Salter - Traduit de l’anglais par Philippe Garnier - Edition de L’Olivier - Collection de poche Points
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