L’exposition dont je vais vous parler aujourd’hui est la plus belle déclaration que fît Brassaï durant plus de 50 ans à l’élue de son cœur, celle qui ravit son âme de petit transylvanien déraciné et qu’il photographia avec la même ardeur jusqu’à la fin de sa vie. L’histoire d’amour démesurée d’un artiste aux talents multiples - écrivain, cinéaste, photographe - pour une ville, une cité aux visages infiniment changeants, aux beautés vénéneuses, aux joies pleines de candeur. A travers l’œil unique de Brassaï, Paris telle une femme somptueuse, troublante, inquiétante, fatale, à la fois alanguie et ardente se découvre sans fausse pudeur à l’exposition Brassaï, pour l’amour de Paris qui se déroule à l’Hôtel de Ville.
De jour comme de nuit cet infatigable flâneur, sans relâche parcours la cité, longues pérégrinations auxquelles se joignent souvent Henry Miller, Robert Desnos, Jacques Prévert, Blaise Cendrars. Les clichés de nuit, les grands bourgeois aux courses, ses amis les artistes et les intellectuels du Paris des années folles de Montparnasse, les voyous, les filles de mauvaise vie, les artistes de cabaret complètent les tableaux charmants des clichés de jour, la candeur des joies d’enfants aux Jardins du Luxembourg, la légèreté apparente d’un quotidien très simple. Des ombres de la nuit aux journées ponctuées des petits bonheurs des gens modestes heureux malgré leur indigence.
Reçu par les plus grandes familles, Brassaï demeure l’indéfectible ami des hirondelles et des Apaches, sous le charme des demies-mondaines, des loulous, des putes et des voyous, il les photographie tous avec cette même empathie, cet humanisme profond. Des clichés où il n’est question que de cœur et d’intelligence, de polissonnerie heureuse ou de crapulerie miséreuse. Des clichés qui osent défier la bien-pensante société en exposant la luxure des maisons closes, la nudité des hétaïres, les atmosphères très cocottes des Folies Bergères, belles de jour et fleurs vénéneuses, les premiers cabarets travestis, gays et lesbiens. Les petits, les modestes, il les fait princes : les forts des Halles, les marchandes des quatre-saisons, les grisettes se faufilant dans la foule des grands magasins, les amoureux des quais de Seine, les humbles prostituées à peine entraperçues au détour d’un passage obscur.
Et puis, au-delà de ses habitants, de ses mœurs, il y a la ville, cette cité historique somptueuse comme un rêve de pierre et de dentelles, où l’ordure et l’opulence cohabitent sous l’œil de Brassaï, qu’il transforme toujours sur le fil du rasoir entre fascination, inquiétude et beauté, qu’il transcende dans des effluves surréalistes. Les paysages ordinaires semblent recéler de secrets étranges et brumeux. Atmosphère incomparable dont dont la majesté des icônes monumentales de Paris, Notre-Dame, la Tour Eiffel aussi bien que les rues de Montmartre et de Ménilmontant se nimbent d'une mélancolie douce. Dans l’insolence la beauté de l’instant, Brassaï, le plus parisien des expatriés, de son vrai nom Guyulas Halasz, métamorphose la réalité d’un environnement urbain en un décor de rêve surréaliste aussi troublant que fascinant.
Brassaï, pour l’amour de Paris - Jusqu’au 8 mars 2014
Hôtel de Ville - entrée rue Lobau - Paris 4
Salle Saint-Jean. Jusqu’au 8 mars 2014.
Horaires : Tous les jours sauf dimanches et jours fériés, de 10 heures à 19 heures.
Entrée gratuite
Entrée gratuite
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