La femme riche - Patrick Besson : Michel, apprenti tueur à gage engagé par l’intermédiaire de Roland étrange personnage paradoxal, accepte d’éliminer la femme d’un célèbre chirurgien esthétique. Il est question d’une série de contrats à venir pour lesquels il faudra tuer des femmes et uniquement des femmes. Alors que le mystérieux premier commanditaire ne demande que de supprimer Nathalie Forest dont le spadassin moderne, erreur de débutant, tombe rapidement amoureux, Michel en guise de préliminaires s’exerce sur d’autres victimes choisies au hasard. Le mystère de cet ancien banquier reconverti en tueur de dames et dont on ignore les méthodes demeure intact jusqu’à la moitié du roman. La véritable prouesse de Patrick Besson est de tenir jusque là sans révéler l’arme du crime ni les motivations de cet insolite assassin.
"La femme riche" procède d'un registre singulier, celui du thriller sexuel et parodique. Le suspense haletant, les rebondissements redoutables emportent le lecteur d'une traite jusqu’à la dernière page. Patrick Besson nous livre un roman noir qui ne se prend pas au sérieux, satire de la bourgeoisie post révolution sexuelle. Le sujet, la comédie des rapports hommes-femmes est habilement servi par un style décapant plein d’intelligence où cruauté et drôlerie rivalisent dans une succession d’aphorismes délicieux et grinçants. « Je ne suis pas une femme, je suis une femme riche. » « La nuit, Paris sent bon car tous les gens qui sentent mauvais sont rentrés dormir en banlieue. »
Ce roman concis, habilement construit, d’une efficacité redoutable, laisse transparaître la jubilation de l’auteur qui berne son lecteur au fil d'un récit en trompe-l'oeil, une architecture narrative maîtrisée. L’intrigue s’achève en coup de maître sur un épilogue inattendu. L’écriture élégante, alerte, sert un sujet ni facile ni original : l’amour et l’ineptie du sexe sans sentiments. Ce singulier voyage au cœur des passions humaines est comme un rappel à l’absurdité de la vie dans laquelle jouir et mourir ne sont finalement qu’une seule et même chose.
Entre désillusion et manipulation, Patrick Besson, observateur subtil de la société, constate la fin du romantisme emporté par la décadence des mœurs qu’il souligne d’un fiel délectable, d’une ironie cinglante teintée de cruauté. L'auteur, styliste de talent, insolence flamboyante, manie la dérision comme nul autre. "La femme riche" est un roman noir mais également une histoire d’amour qui hésite entre l’impertinente sotie et la glaçante tragédie moderne.
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