L’exposition à Paris au Centre Pompidou marque la dernière étape de la rétrospective Roy Lichtenstein pionnier d’un postmoderniste assumé s’intéressant plus à la forme qu’à l’image. Un long voyage qui a conduit les œuvres de l’artiste de l’Art Institute à Chicago, à la National Gallery de Washington en passant par la Tate Modern de Londres. Les collectionneurs privés ayant prêté certaines des pièces désirant pouvoir à nouveau en jouir ont récupéré une partie de leurs biens. Seulement un tiers des œuvres présentées à Londres ont traversé la Manche pour être exposées à Beaubourg. De ces manques devenus contraintes, Camille Morineau la commissaire d’exposition a fait un atout permettant de mettre en avant tout un pan méconnu du travail de Roy Lichtenstein, notamment la sculpture et la gravure. La scénographie simple, dans un espace confiné rappelant un atelier d’artiste crée une intimité singulière qui rapprochent les œuvres, soulignent leur humanité et leur modernité. Elle met en évidence toutes les pistes simultanées empruntées par l’artiste. 140 œuvres, 46 sculptures regroupées par projet se dévoilent dans des alcôves, des fenêtres alors que les cimaises sont littéralement absorbées par les grands formats des tableaux inspirés des comics qu’il considérait comme des archétypes humoristiques.
Roy Lichtenstein expérimente, réinvente un vocabulaire pictural et plastique dont la légèreté de façade, trame en pointillé et couleurs primaires, semble définir la fin d’une certaine idée de l’art condamné à la réinterprétation. Il bouleverse l’idée de la peinture en empruntant des codes picturaux à la fois à la culture populaire mais également aux grandes œuvres de l’histoire de l’art de Picasso, à Cézanne, de Brancusi à Delacroix avec un sens aigu de la communication visuelle, de l’immédiateté d’appréhension. Cette rétrospective propose d’aller au-delà de l’imagerie populaire, de dépasser les clichés, offrant de nouvelles clés pour comprendre l’étendue du travail de Roy Lichtenstein dont l’œuvre est au final assez méconnue éclipsée par la force des tableaux inspirés de la culture populaire des années 60.
La période d’après-guerre est marquée par les expressionnistes abstraits comme Pollock et De Koenig. Roy Lichtenstein formé aux Beaux Arts débute son œuvre en suivant les traces de ses aînés mais très vite il se démarque, se détournant de ce mouvement réglant ses comptes avec l’intelligentsia qui ne lui pardonne pas ses prises de position. Avec ses réappropriations de comics, il fait scandale et est élu par le magazine Life « l’artiste le plus nul des Etats-Unis.» Il s’attaque aux icônes de la société de consommation triomphante des années 60, parodie qui se révèle chronique d’une époque en puisant comme Warhol son inspiration dans les objets du quotidien les plus banals et la publicité.
Son travail en réaction "aux caractéristiques les plus cyniques et les plus menaçantes de notre culture" transcende "l’énergie, l’impact, la franchise, la sorte d’agressivité" de l’imagerie populaire cette époque. La réappropriation ironique des codes de l’ère industrielle suggère d’industrialiser l’art en faisant disparaître la trace de la main de l’homme donnant naissance avec son contemporain Andy Warhol au pop art. Cette idée résolument moderne et provocatrice prend la forme d’une dénonciation du formatage de la culture et de ses représentations, un décryptage de la société américaine entre hommage et pastiche dont l’humour ne manque pas de piquant.
Paradoxalement, l’exploration de l’iconographie des comics, romances sentimentales entre belles blondes éplorés et vaillants soldats héroïques, pan le plus connu de l’œuvre de Roy Lichtenstein qui est véritablement devenu une forme esthétique iconique du XXème siècle ne couvre qu’une courte période de son travail de 1961 à 1966. Ces tableaux ont tellement frappé l’imaginaire collectif qu’ils en ont occulté le reste de sa production.
Paradoxalement, l’exploration de l’iconographie des comics, romances sentimentales entre belles blondes éplorés et vaillants soldats héroïques, pan le plus connu de l’œuvre de Roy Lichtenstein qui est véritablement devenu une forme esthétique iconique du XXème siècle ne couvre qu’une courte période de son travail de 1961 à 1966. Ces tableaux ont tellement frappé l’imaginaire collectif qu’ils en ont occulté le reste de sa production.
A partir de 1965, Roy Lichtenstein entame un processus de relecture de l’œuvre des classiques Natures mortes cubistes et Baigneuses de Picasso, composition abstraites de Mondrian, Cathédrales de Rouen de Monet, Muse endormie de Brancusi. La scénographie de l’exposition permet de mieux appréhender cet aller retour entre la peinture et la sculpture, la multiplication des formes créatrices, des médiums peinture, sculpture, céramique, estampes. Dans les années 90, il débute une série de paysages inspirés de la peinture chinoise traditionnelle, tableaux éthérés, brumes orientalisantes et travail classique à l’encre. Cette rétrospective intimiste offre une vision globale de l’œuvre de Roy Lichtenstein, une perspective plus profonde, plus réfléchie sur les créations d’un des pères du pop art pour lequel la couleur et la ligne prévalaient sur la représentation. Un artiste culte à redécouvrir.
Rétrospective Roy Lichtenstein du 3 juillet au 4 novembre 2013
Centre Pompidou
19 rue Beaubourg - Paris 4
Horaires : lundi, mercredi et vendredi de 11h à 21h, jeudi de 11h à 23h, samedi et dimanche de 10h à 21h
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