Qui m’aime me nuise se joue dans l’une des salles intimistes du Théâtre de Nesle et l’atmosphère
particulière de cave parisienne est comme un clin d’œil aux speakeasies de la
prohibition américaine, bars clandestins dans lesquels dès la première scénette
du spectacle nous entraîne Dorothy Parker
(1893-1967). Ecrivain, journaliste, scénariste, poète (bref je ne vous fais pas
une notule) son regard acéré porté sur la société et son brillant esprit
cinglant ont fait les beaux jours de la presse des années folles de Vanity Fair au New Yorker et du tout Hollywood des années 50.
La silhouette de celle dont le
surnom était The Witt se profile,
incarnée par Mélodie Exteandia tout
en intelligence corrosive et élégance caustique. La plume audacieuse mêle
esprit acerbe sans concession et autodérision, laissant poindre un certain
désespoir, une profonde solitude derrière cet humour féroce. La comédienne qui
est également adaptatrice manie l’univers de Dorothy Parker, hors
norme, scandaleux, provocant avec beaucoup de naturel et une subtilité rare. Et
de la subtilité, il en faut ainsi que du coffre pour faire face au piano jazzy d’Antoine Karacostas. Ils incarnent à eux
deux les mots de Parker dans un intense
échange entre deux formes d’expression qui se trouvent un vocabulaire commun,
propos musicalisé pour lui restituer un souffle vivant, lui redonner chair et
en revitaliser le sens.
Dès l’entrée en scène, Mélodie Exteandia se lance dans une logorrhée
haletante rythmée par la musique. De mondanités huppées en cocasses aventures noctambules
jusqu’aux poèmes de la série Hymnes à la
haine, Dorothy Parker n’épargne
personne ni les auteurs de théâtre à la mode, ni les hommes qu’elle est amenée
à côtoyer ni ses rivales. Le cabaret jazzy sied merveilleusement bien à l’humour
cinglant, à l’esprit mordant du texte recréant en quelques notes des ambiances
mondaines, les mouvements d’humeur des personnages. Une mise en scène originale
à la sobriété efficace. Le spectateur y croit et se laisse embarquer au gré des
tribulations infortunées de la très désabusée miss Parker. Son humour assassin fait mouche, ses piques spirituelles
sont fatales. Et l’on sourit souvent avec un pincement au cœur devant tant de
mélancolie désenchantée exprimée sur le ton de la bagatelle acidulée.
Qui m’aime me nuise -
spectacle musical de la Compagnie Du Jeu dans les Charnièr(e)s
Théâtre de Nesle
8, rue de Nesle -
Paris 6
Réservations :
01 46 34 61 04
Prochaines
représentations : vendredi 7 juin à 19h, dimanche 9 juin à 17h et lundi 10
juin à 19h
*photos Morgane Launay : http://www.morganimage.com/
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