Le Dernier des Weynfeldt - Martin Suter : Adrian Weynfedlt dernier
représentant d’une grande famille zurichoise travaille comme spécialiste de l’art
suisse chez Murphy’s où il expertise
tableaux et œuvres diverses. Il partage son temps entre deux cercles d’amis
bien distincts. D’un côté de riches bourgeois vieillissants appartenant à la
haute société et de l’autre un groupe de jeunes artistes peu scrupuleux auprès
desquels il joue les mécènes. Unique héritier d’une lignée prestigieuse, Adrian
aborde la cinquantaine sereinement, éternel célibataire.
La rencontre fortuite avec Lorena
jeune femme mystérieuse et fantasque dont les traits lui rappellent ceux de son
grand amour de jeunesse va bouleverser sa vie de vieux garçon bien ordonnée.
Alors qu’il s’entiche de cette imprévisible créature, l’un de ses amis en fin
de vie, au bord de la faillite, décide de lui confier la vente de l’un de ses
plus précieux tableaux : Femme nue de dos accroupie devant une salamandre,
une toile de Félix Valloton qui devrait créer un coup d’éclat aux enchères. Si
le tableau est authentique…
D’une situation de départ banale
digne d’un roman de gare à l’eau de rose, le célibataire endurci qui s’amourache
d’une aventurière, Martin Suter en
peintre d’ambiance remarquable entraîne le lecteur dans une chronique sociale
qui tourne vers le milieu du roman au thriller psychologique. A travers une intrigue prenant le milieu de l’art
et la haute bourgeoisie de Zurich comme toile de fond, l’auteur dérive
subtilement vers une critique sophistiquée du mode de vie occidental. Il dresse
un constat sans complaisance teinté d’humour glacé mais tout en élégance, à l’instar
de son héros, épinglant l’hypocrisie de cet univers feutré qu’est la haute
société, un monde dans lequel l’argent est le maître mot, argent qui tend à
déterminer les rapports entre les individus, un monde où tout est tenu à
distance les autres et soi-même.
L’occasion également de développer
une réjouissante galerie de personnages, toujours un peu borderline et névrosés,
portraits ciselés entre dandy égaré, esthète lunaire, escroc à la petite
semaine, artiste rapace, grand bourgeois déchu. D’une plume fluide au style efficace, Martin Suter amène finement des
rebondissements improbables, distillant tout au long de ce polar sociologique un
suspense prenant, fil narratif prétexte à une étude de mœurs jubilatoire. De l’histoire
d’amour intéressée, on retient peu de choses au final mais le portrait sociétal
à l’acide que nous livre l’auteur est un met raffiné délectable.
Le Dernier des Weynfeldt de Martin Suter - Traduit de l’allemand par
Olivier Mannoni - Editions Christian Bourgois - Collection de poche Points
Enregistrer un commentaire