Lundi Librairie : Les Filles de l'ombre - Mathieu Terence



Mathieu Terence cultive un certain dandysme intellectuel, une préciosité de la forme au service d’un contenu violent. Une stylisation extrême qui pourrait expliquer la confidentialité relative de ses précédents ouvrages. Les Filles de l’ombre est un recueil composé de dix nouvelles aux accents nervaliens qui jouent avec la mort. Chacun de ces 10 morceaux de bravoure a pour sujet un portrait de jeune fille forcément perturbée. C’est aussi un hommage renouvelé à la grande littérature. Les pièces les plus réussies nous évoquent Nabokov, Boccace ou bien Morand. L’auteur erre entre sensualité trouble et franche pornographie, amours contre nature et perversions. Projection de fantasmes, dépravation de l’esprit et des corps.

La femme représentée est lubrique, nymphomane, folle. L’homme apparaît comme une ombre de satyre priapique. Dans son culte de l’obscur, du morbide, Terence se laisse aller au sanguinolent ou à l’érotisme gore qui sied à un certain maniérisme décadent. Le clair-obscur et le non-dit confèrent à cette affectation une remarquable dimension littéraire. L’auteur adopte une démarche esthétisante marquant ainsi sa volonté de se désolidariser de l’avant-garde. Cette démarche engendre des dissonances, manques de justesse volontaires, quand il s’essaie au dialogue mais fonctionne admirablement par ailleurs. Ce recueil est étrange, torturé, sombre comme ses filles. Parfois inégales, les nouvelles subtilement menées nous délectent néanmoins de l’effroi palpable, frisson de la page à venir.

Les Filles de l’ombre – Mathieu Terence – Editions Phébus libretto