Expo : Hugo décorateur - Maison de Victor Hugo Paris - Jusqu'au 26 avril 2026

 

La Maison de Victor Hugo consacre une exposition remarquable à l'une des facettes méconnues de l'oeuvre du grand homme. "Hugo décorateur" célèbre le talent et la passion de Victor Hugo (1802-1885) pour l'architecture d'intérieur, le design et la décoration. Lieu d'expression de sa fantaisie, ce violon d'Ingres va occuper tout au long de sa vie ce collectionneur compulsif, chineur obsessionnel. Dans sa recherche de pittoresque, l'écrivain embrasse son inclination pour le foisonnement fantasque jusqu'à la surcharge décorative. L'exposition entre les espaces de monstration temporaires au premier étage, et les appartements du deuxième étage rend compte d'un sens de la mise en scène, goût de la profusion, des accumulations hétéroclites. Il conçoit le décor comme support de création, révélateur des obsessions plastiques mais aussi des idées philosophiques, spirituelles. Il accorde une grande importance à la lumière, aux atmosphères, ose des associations de matériaux, de textures, de couleurs. Hauteville House à Guernesey, la maison de l'exil durant dix-neuf ans, décor conservé, préservé, oeuvre d'art totale, témoigne du génie décorateur de Victor Hugo.

Orchestrée par Gérard Audinet, directeur des Maisons de Victor Hugo de Paris et de Guernesey, qui publie à cette occasion un ouvrage, "Victor Hugo, décors" aux éditions Paris Musées, l'exposition "Hugo décorateur" illustre un processus créatif, le goût personnel, les expérimentations, la curiosité sans cesse renouvelée. Elle rend compte d'une passion dévorante, au point que l'écrivain lui-même affirmait : "J'étais né pour être décorateur". 








Des premiers domiciles parisiens de Victor Hugo, avant l'exil, il demeure peu d'éléments. La famille réside rue de Vaugirard de 1824 à 1827, rue Notre-Dame-des-Champs de 1827 à 1830, rue Jean-Goujon 1830 à 1832, premier appartement place Royale - actuelle place des Vosges - au deuxième étage de l'hôtel de Rohan-Guémené de 1832 à 1848, brièvement rue de l'Isly puis rue de la Tour-d'Auvergne de 1848 à 1852. Disparus, dispersés, pas déplaçables, les éléments du décor hugolien pré-exil n'apparaissent qu'en filigrane dans des textes, en fond d'un dessin, en arrière-plan d'une photographie. Les coffres en cuir clouté de Cordoue évoquent les voyages et des déplacements à venir. Les images peintes de la famille, des reliques conservées malgré les aléas et les circonstances. De rares meubles vendus et passés de main en main ont été retrouvés.  

Victor Hugo quitte la France à la suite du coup d'état de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851. Contraint à l'exil, il se résigne à la vente de ses biens en 1852 et fait disperser aux enchères la plupart des meubles et des objets. Victor Hugo séjourne quelques mois à Bruxelles puis à Jersey d'où il est expulsé, avant de s'établir à Guernesey où il débarque le 31 octobre 1855.
Il achète Hauteville House, seul domicile dont il sera propriétaire en 1856. Ce foyer d'exil sera son grand-œuvre en tant que décorateur.

Puissance de l'imaginaire à l'oeuvre, Victor Hugo donne forme à ses obsessions esthétiques et spirituelles à travers des décors parcourus de symboles. La mémoire, la pensée s'invitent dans chaque élément choisi avec soin, souvent revisité. Victor Hugo y manifeste son penchant pour les textiles précieux, soieries, tapis perses, tapisseries d'Aubusson, tissus d’Asie du Sud-Est, tapas - étoffe d’écorces - d’Océanie, nattes japonaises. 







Le programme décoratif qu'Hugo développe du sol au plafond accumule boiseries, colonnades, carreaux de faïence et céramique de Delft. L'homme de lettres a le goût du travail manuel et il intervient souvent aux côtés des menuisiers. Les personnages de ses romans, notamment ceux de "Notre-Dame de Paris" (1831) s'invitent au fil des panneaux de bois gravé. Les ensembles mobiliers hétéroclites sont le produit des expérimentations hugoliennes, hybridations, collages, réinvention. Il achète des meubles anciens de styles différents, Moyen-Âge, Renaissance, Henri II, qu'il réassemble ou fait réassembler entre eux pour créer des chimères, pièces néogothiques spectaculaire. Il détourne les objets de leur fonction première, cloue des tapisseries au plafond, chine des artefacts du monde entier, idoles africaines, paravents japonais, bannière ottomane. 

Pour Juliette Drouet (1803-1883), sa maîtresse durant près de cinquante ans, Victor Hugo imagine des décors qui reflètent leurs goûts communs. À Paris, il intervient dans les appartements de la comédienne, sa complice et sa muse pour laquelle il créé notamment le salon chinois, afin de valoriser les collections de porcelaine de la comédienne. Reconstitué au sein de la Maison de Victor Hugo place des Vosges, acquis par le musée dès son inauguration en 1903, ce décor de panneaux de bois peints et gravé, est tronqué, découpé pour s'adapter au lieu. Juliette Drouet suit le grand homme en exil, à Guernesey, où elle s'installe dans le voisinage de la famille dans deux résidences successives, La Fallue et Hauteville House II. C'est son amant qui compose l'intégralité des décors des deux maisons. 

Hauteville House, dans les îles anglo-normandes, à Guernesey, territoire britannique, a été donnée par la famille à la Ville de Paris en 1926 et demeure depuis administrée depuis par la ville. Chaque pièce raconte une histoire, variations thématiques, aucun recoin ne réchappe à aux interventions créatives de Victor Hugo. L'exposition présente une série magnifique de photographies réalisée par son arrière-arrière-petit-fils Jean-Baptiste Hugo. 








Chez les Hugo, le décor est une affaire de famille. Victor Hugo peint des cadres qu'il offre à ses enfants. Son épouse, Adèle Hugo (1803-1868) réalise des encadrements de velours. Le fils, Charles Hugo (1826-1871) achète des meubles, des miroirs, sur lesquels il peint à l'instar de son père. Il consacre, en 1860, un premier livre au sujet d'Hauteville House, illustré de gravures d'après les photographies d'Edmond Bacot. Une fois les enfants adultes, loin du domicile familial, Victor Hugo choisit de fermer la salle de billard en 1866. Période solitaire, il convertit ce lieu de vie de la tribu en réserve où il remise ses collections, objets en attente d'assignation. Les petits-enfants surnomment la pièce "la tour Nord". 

Victor Hugo rentre en France en 1871 à l'occasion de la proclamation de la IIIème République dont il sera député puis sénateur. 1878 marque son dernier séjour à Hauteville House. Sa carrière politique passe au premier plan. Mais il conservera son goût de la décoration et des aménagements jusqu'à sa dernière demeure avenue d'Eyleau.

Hugo décorateur
Jusqu'au 26 avril 2026

Maison de Victor Hugo
6 place des Vosges - Paris 4
Tél : 01 42 72 10 16
Horaires : Du mardi au dimanche de 10h à 18h
Métro Chemin Vert ligne 8 / Saint Paul ligne 1


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.