Le Musée national des arts asiatiques Guimet consacre une exposition évènement, "Polaraki", à la pratique quasi compulsive du polaroid, initiée par Araki Nobuyoshi, sulfureux photographe japonais, depuis les années 1990. Ce pan particulier de son œuvre relève du journal visuel, travail de documentation de son quotidien et de ses obsessions très personnelles, les fleurs, les chats, la nourriture, les rues de Tokyo et les femmes entravées. L'évènement curaté par Cécile Dazord, conservatrice en charge des collections d'art contemporain du musée Guimet et Édouard de Saint-Ours, conservateur en charge du fonds photographique du Musée Guimet, rend compte de l'importante donation consentie par Stéphane André, un particulier, en mai 2025. Le fonds dédié au photographe conservé par l'institution publique, désormais l'une des plus importantes collections d'Araki en Europe, fait aujourd'hui l'objet d'une exposition. L'évènement déployé au cœur de la rotonde du musée, au quatrième étage, reprend la scénographie imaginée par le collectionneur au sein de son domicile, 43 colonnes composées de 9 cadres disposés bord à bord du sol au plafond. Du fait du contenu à caractère sexuel de nombreuses photographies, l'exposition est strictement interdite aux mineurs.
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Expo : Polaraki - Musée national des arts asiatiques Guimet - Jusqu'au 12 janvier 2026
By La Rédaction At octobre 10, 2025 0
Stéphane André, ancien professeur de lettres et de philosophie dans une classe préparatoire d'un lycée francilien a constitué, durant plus de 25 ans, la collection présentée dans le cadre de l'exposition "Polaraki". Tout d'abord fasciné par les estampes japonaises, il découvre les polaroids d'Araki Nobuyoshi au début des années 2000. Dès lors, il arpente salles des ventes et galeries jusqu'à réunir 906 tirages produits entre 1997 et 2024. Les images, présentées dans 391 cadres, s'affichent, accrochage en grille, sur les murs de son appartement parisien du XVIIIème arrondissement, au point de les recouvrir entièrement. Cette forme d'installation envahit l'intégralité de son intimité. Incongrue dans la sphère personnelle, elle s'apparente à l'idée d'un cabinet de curiosités.
Au moment de prendre sa retraite dans le Sud-Ouest, Stéphane André prépare son déménagement vers un nouveau lieu où cette collection n'a pas sa place. Il décide d'une donation au musée Guimet, institution publique, dans l'espoir de faire changer la perception publique de l'oeuvre d'Araki, souvent considéré comme un pornographe. Il perçoit cet ensemble qui a été "son jardin dans la grisaille parisienne" comme "une réflexion sur la représentation du désir" et y voit une filiation directe avec les shungu, les estampes érotiques traditionnelles. Aujourd'hui, les nus d'Araki se confrontent à l'évolution de la société et des sensibilités. Ils soulèvent les controverses et questionnent l'objectivation des corps, violences faites aux femmes.
Translatée au coeur de la rotonde du Musée Guimet, validée par Araki Nobuyoshi, cette installation, par ses rapprochements pensés par les deux parties, convoque un double regard, celui d'un artiste sur son oeuvre et celui du collectionneur. Deux modèles n'ont pas donné leur accord à l'exposition de leur image. Les emplacements des polaroids les représentant ont été laissé vacants.
En 2016, Le musée Guimet avait consacré une vaste exposition monographique rétrospective à l'oeuvre d'Araki Nobuyoshi. Déconcertant, licencieux, chaotique, dans ce nouvel opus, les images reprennent les motifs récurrents de son travail natures mortes, portraits et mises en scène. Depuis les années 1990, la photographie au Polaroid est devenue un geste quotidien quasi pulsionnel. L'instantanéité de la pratique nourrit les obsessions. Les tirages uniques se multiplient, fleurs, ciels, nourriture, rues de Tokyo, corps féminins présentés dans des mises en scène érotiques, art japonais du kinbaku, art ancestral du ligotage des prisonniers assez différent de la pratique du bondage. Prolifération d'images, de signes, le polaroid devient médium de l'expérimentation, flux continu produit dans la frénésie, comme une urgence à capturer le monde.
L'exposition "Polaraki" rend également compte de l'importance de l'édition dans la pratique d'Araki. Le livre prolongement de son travail a largement contribué au rayonnement de son oeuvre. Plus de 500 ouvrages ont été publiés depuis le premier, autoédité, composé de façon artisanale et reproduit grâce aux photocopieurs de la société Dentsu, agence de publicité dont Araki Nobuyoshi demeure salarié jusqu'en 1972.
À l'occasion de l'exposition, Stéphane André a prêté 8 livres consacrés aux polaroids d'Araki. La poésie et l'obscénité s'expriment d'une même voix dans "Hana kinbaku" (2008), coffret publié aux éditions de la Taka Ishii Gallery de Tokyo, comprenant un livre et deux pellicules montées dans une gangue de résine qui en interdit la reproduction. Dans la même veine, "Polarnography", coffret disponible aux éditions Shira, produit à 1000 exemplaires, se compose d'une boîte - reproduction exacte de celle dans laquelle sont conservés les originaux - qui contient les fac-similés de 100 images inédites.
Polaraki
Jusqu'au 12 janvier 2026
6 place d’Iéna - Paris 16
Tél : 01 56 52 54 33
Horaires : Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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