Ailleurs : Musée Folkwang d'Essen en Allemagne, une institution culturelle d'envergure internationale marquée par la vision universaliste et avant-gardiste de son fondateur Karl Ernst Osthaus

 

Le Musée Folwang d'Essen, l'un des plus réputés d'Allemagne, s'attache à rendre accessible la culture à tous selon la volonté de son fondateur, Karl Ernst Osthaus (1874-1921), mécène et collectionneur avant-gardiste. Les fonds permanents à vocation encyclopédique témoignent du goût et de la personnalité de cet homme qui a fait de l'institution une pionnière en son genre. 

Qualifié de "plus beau musée du monde" en 1932, par Paul J. Sachs, co-fondateur du MoMA, le Musée Folkwang a connu une période sombre sous le IIIème Reich, collections dispersées par le régime, bâtiments bombardés, avant de connaître une renaissance au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. En 2010, grâce au soutien de la Fondation Alfried Krupp von Bohlen und Halbach, l'édifice entièrement repensé par l'architecte David Chipperfield, auteur du Neues Museum à Berlin, est entré avec panache dans le XXIème siècle. Aujourd'hui, cette grande institution culturelle rayonne à nouveau. Les collections permanentes accessibles gratuitement se proposent d'ouvrir la culture à tous tandis que les expositions temporaires d'envergure traduisent une ambition internationale. 







Panorama étendu, les collections du Musée Folkwang couvrent les grands mouvements artistiques du XIXème siècle à nos jours, romantisme allemand, art paysager français, impressionnisme, postimpressionnisme, expressionnisme allemand, abstraction... La collection comporte plus de 600 peintures de Caspar David Friedrich, Honoré Daumier, Gustave Courbet, Édouard Manet, Claude Monet, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Henri Matisse, Edvard Munch, Franz Marc, Ernst Ludwig Kirchner, Emil Nolde, Fernand Léger, Otto Dix, Wassily Kandinsky, Piet Mondrian, Paul Klee, Joan Miró, Salvador Dalí, René Magritte.

Elle comprend un corpus important d'oeuvres représentatives de l'art de 1945 jusqu'à nos jours, Lucio Fontana, Josef Albers, Mark Rothko, Jackson Pollock, Alexander Calder, Barnett Newman ou encore Ad Reinhardt, Franz Kline, Louis et Stella, Pierre Soulages, Emilio Vedova, Yves Klein, Gerhardt Richter, Blinky Palermo. Le fonds de sculptures, 280 oeuvres, d'Auguste Rodin, Aristide Maillol etc. est complété par des installations contemporaines d'envergure, Martin Kippenberger, Atelier van Lieshout, Roni Horn, Lothar Baumgarten et Simon Starling. 

Les collections d'arts graphiques, 12 000 œuvres, dessins, gravures, estampes s'associent à un corpus important de livres et dossiers illustrés. Les collections archéologiques et art premiers, art africain, égyptien ou encore asiatique arts décoratifs. Les collections photographiques, autonomes, comprennent 60 000 images, d'Henri Cartier-Bresson, Man Ray, Heinrich Kühn, Otto Steinert. Cette section indépendante du Musée Folkwang créée en 1978 s'est enrichie grâce à des legs, Helmar Lerski, Germaine Krull, Otto Steinert et Peter Keetman. Le musée allemand de l'affiche entité rattachée au Musée Folkwang en 2008, l'une des plus grandes collections spécialisées, réunit 350 000 affiches couvrant les domaines politique, économique, culturel. 







La constitution de cette collection prestigieuse débute à la toute fin du XIXème siècle. Karl Ernst Osthaus (1874-1921) hérite de la fortune considérable de ses grands-parents en 1897. Il nourrit le désir de fonder, à Hagen, sa ville natale en Westphalie, un musée à destination des ouvriers de la Ruhr afin d'y exposer ses collections personnelles d'histoire naturelle et tableaux de l'école de Düsseldorf. Un périple en Afrique du Nord et en Turquie ouvre son regard aux civilisation extra-européennes. Les collections s'inscrivent dans les préceptes universalistes du Gesammtkunstwerk. 

Karl Ernst Osthaus contacte Henry Van der Velde (1863-1957), figure majeure de l'Art Nouveau belge, architecte et designer, pour lui confier la conception de l'espace muséal au sein de la villa Hohenhoff. Celui-ci l'initie à l'art de son temps en particulier les impressionnistes et les postimpressionnistes. 

En 1901, à Berlin, Osthaus se porte acquéreur de "Lise, la femme à l'ombrelle" (1862) d'Auguste Renoir. L'année suivante, il achète "La Moisson, champ de blé derrière l'hospice de Saint-Paul avec faucheur" (1889) de Vincent Van Gogh, premier tableau du peintre à entrer dans les collections d'un musée allemand. En 1903, Osthaus se rapproche du marchand d'art Ambroise Vollard qui lui vend "Conte barbare" (1902) de Paul Gauguin. En compagnie de son épouse, Osthaus se rend à Aix-en-Provence pour rencontrer Paul Cézanne. Au cours de ce séjour, le collectionneur achète "La carrière de Bibémus" (vers 1895). Parmi ses compatriotes, Osthaus s'intéresse en particulier aux artistes de l'expressionnisme allemand, le groupe Die Brücke, Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Max Pechstein, Emil Nolde et le groupe Der Blaue Reiter, avec Vassili Kandinsky, Franz Marc, August Macke, Alexej von Jawlensky, Paul Klee.

Membre fondateur du Deutscher Werkbund, association d'artistes, d'architectes, d'entrepreneurs, d'artisans créée en 1907, à Munich, à l'initiative de Hermann Muthesius, lui-même architecte, écrivain et diplomate, Osthaus met sa fortune à disposition d'un idéal de modernité. Dans le cadre de ce mouvement, il s'attache à la diffusion des expérimentations d'avant-garde dans les domaines des arts appliqués, arts décoratifs et architecture. 





En 1912, la collection du Musée Folkwang compte 700 oeuvres d'artistes français. Osthaus a rassemblé un corpus réunissant les artistes les innovants de l'époque, Edouard Manet, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Paul Gauguin, Henri Matisse, André Derain, Georges Braque, Pablo Picasso, Vincent Van Gogh, Edvard Munch.

À la fin de la Première Guerre Mondiale, le mécène connait des difficultés économiques qui le contraignent à se séparer d'une partie de ses biens. Il décède en 1921. Par testament, il requiert que sa collection soit vendue en tant qu'ensemble indissociable. Grâce au financement consenti par une association de donateurs, la ville d'Essen achète la collection Osthaus. En 1922, le Musée Folkwang s'installe à Essen, date à laquelle est créée en parallèle, la Hochschule, école d'art attenante.

Durant l'entre-deux-guerres, l'institution muséale perpétue une philosophie d'avant-garde universaliste héritée de son fondateur. Réunion des peuples et des cultures, la muséographie détachée du concept de chronologie associe dans des mêmes espaces arts d'Afrique, d'Occident et d'Asie.

En 1937, le régime nazi fait main basse sur 1 400 oeuvres du Musée Folkwang. Une partie est exposée comme le produit d'un "art dégénéré" à Munich. Les collections confisquées, détruites, vendues aux enchères des collectionneurs étrangers au profit du IIIème Reich, sont dispersées. 







Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, bâtiment détruit par les bombardements et fonds disparus, le Musée Folkwang se relève difficilement. Sa direction mène une politique de rachat des oeuvres réunies par les Osthaus. Dans les années 1950, le musée investit un bâtiment de style Bauhaus. 

Entre 2007 et 2010, l'architecte David Chipperfield intervient sur l'édifice afin de le réinventer. La ville d'Essen ne disposant pas du budget nécessaire, la Fondation Krupp finance le chantier éclair de deux ans, "le miracle d'Essen". Les espaces étendus, transformés, les extensions développées, le Musée Folkwang se présente désormais dans la plénitude rutilante d'une structure de verre et d'acier. Patios, jardins zen, puits de lumière ponctuent un nouveau parcours caractérisé par sa fluidité et un sentiment d'apaisement. La monstration s'articule autour de thématiques, où la chronologie s'efface au profit d'une mise en regard, d'échos, de dialogues. Le propos transcende les genres, les styles et les époques.

Musée Folkwang
Museumsplatz 1 - 45128 Essen - Allemagne
Tél : +49 201 8845 000


Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.