Paris : Immeuble troubadour du 28 place Saint Georges, ancienne résidence de la Païva, célèbre courtisane du XIXème siècle, et du peintre Paul Gauguin - IXème arr

 

Au 28 place Saint Georges, un curieux immeuble de rapport de style troubadour, associe des éléments néogothique et néorenaissance. Construit en 1840 sur les plans de l'architecte Edouard Renaud (1808-après 1886), il témoigne de l'urbanisation du quartier sous la Monarchie de Juillet, où se comptent nombreux immeubles de type Louis-Philippe. La place Saint Georges est créée en 1824 ainsi que les rues rayonnantes Neuve-Saint-Georges, La Bruyère, Notre-Dame-de-Lorette sous l'impulsion d'un spéculateur inspiré, Alexis Dosne (1789-1849), directeur de la Compagnie Saint Georges sous laquelle il mène le projet. 

L'édifice du 28 place Saint Georges se caractérise par le foisonnement de son programme décoratif, murs aux motifs de rinceaux, grotesques, bestiaire éclectique chauve-souris, dragons, chimères, lions, frises grappes de raisin et feuilles de vigne, putti joueurs. Figures allégoriques et symboles variés - à l'instar des emblèmes du commerce - ponctuent le décor sculpté d'après les dessins des frères Lechesne, Génie de l'Architecture et de la Sculpture, réalisé par Antoine Desboeufs (1793-1862), allégories de la Sagesse et de l'Abondance par Gabriel Joseph Garraud (1807-1880) ainsi que deux médaillons bustes de Diane et Apollon. Le décor de la travée centrale se distingue par son abondance de motifs. Sous un arc surbaissé, les fenêtres cintrées du premier étage sont encadrées de candélabres. Au dernier étage, les lucarnes sont également sculptées.







Le 28 place Saint Georges a été la résidence de 1851 à 1852 de la Païva, courtisane demi-mondaine au destin rocambolesque. Esther Pauline Blanche Lachmann (1819-1884), nait à Moscou, dans une famille juive d'origine polonaise. Abandonnant époux et enfant pour suivre un inconnu, elle fuit la misère d'un mariage contracté en 1836 avec un modeste tailleur français François Villoing. Son périple à travers l'Europe la conduit à Paris en 1838 où elle se prostitue dans le quartier de Notre-Dame-de-Lorette et prend Thérèse pour prénom. Les hommes fortunés auxquels elle accorde ses faveurs entretiennent ses rêves d'ascension sociale. 

Le riche compositeur autrichien Henri Herz (1803-1888) avec lequel elle a une fille, morte en bas-âge, l'introduit dans les milieux artistiques et mondains. En 1848, à la suite de leur rupture, elle compte se refaire à Londres et devient la maîtresse d'aristocrates tels que lord Edward Stanley (1799-1869), quatorzième comte de Derby, homme d'état, premier ministre britannique de 1866 à 1868. De retour à Paris en 1848, le duc Agénor de Gramont (1819-1888), diplomate et politicien, la prend sous son aile. L'année suivante, son mari légitime tout juste débarqué de Russie, François Villoing tente de la retrouver mais débouté par la dame, il meurt dans de tristes conditions en 1849. 

Le 5 juin 1851, Thérèse épouse le marquis Albino Francisco de Païva-Araujo, dont le titre est douteux mais la fortune bien réelle liée à une famille de marchands liés aux commerces dans les colonies portugaises. Il lui offre l'immeuble du 28 place Saint Georges dans le quartier très en vogue de la Nouvelle Athènes. Dédaigné par son épouse, le faux marquis retourne au Portugal tandis que Thérèse utilise pour son prestige le titre de marquise de la Païva. En 1852, elle séduit le comte Guido de Donnersmarck, richissime prussien originaire de Silésie, cousin du chancelier allemand Otto von Bismarck. Il lui fait construire un prestigieux hôtel particulier au 25 avenue des Champs Élysées dont le coût faramineux défraie la chronique. L'architecte Pierre Manguin trace les plans l'Hôtel de la Païva. Le chantier débute en 1856 et s'achève en 1865. Antoine Villoing, le fils issu de son premier mariage, étudiant en médecine, meurt en 1862, à l'âge de vingt-cinq ans. 







Au lendemain de la défaite française contre la Prusse, Thérèse parvient à faire annuler son mariage avec le marquis de pacotille le 16 août 1871. Ce dernier ruiné, de retour à Paris, se donne la mort le 9 novembre 1872. Thérèse épouse Guido de Donnersmarck le 25 octobre 1871. Il est nommé gouverneur de la Lorraine annexée à la suite de la guerre de 1870. En 1877, la comtesse Donnersmarck soupçonnée d'espionnage par l'État français est contrainte à l'exil en Silésie. Elle réside au château de Neudeck jusqu'à sa mort à l'âge de soixante-cinq ans le 21 janvier 1884. 

En 1873, le peintre Paul Gauguin (1848-1903), qui exerce alors la profession d'agent de change, tout juste marié avec la danoise Mette Gad, s'installe dans l'un des opulents appartements du 28 place Saint-Georges. Le krach boursier de 1882 bouleversera l'équilibre économique du couple et poussera la famille à quitter Paris pour Rouen, en 1883, puis Copenhague en 1884.

Immeuble troubadour 
28 place Saint Georges - Paris 9
Métro Saint Georges ligne 12



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.