Paris : Cité Aubry et Villa Riberolle, témoins du passé populaire et industriel du quartier de Charonne - XXème


La Cité Aubry et la Villa Riberolle témoignent du passé industriel de Charonne tout autant que de l'esprit esprit villageois caractéristique de ce quartier du XXème arrondissement. Sur les pavés fraîchement redéployés, le visiteur se plait à rêver à un certain Paris disparu, populaire et ouvrier. La cité Aubry, mentionnée à partir de 1870, a fait l'objet de grands travaux entre reconstructions respectueuses des gabarits et réhabilitation d'anciennes bâtisses, petits immeubles hauts de deux, trois étages. Désormais, elle court sur 205 mètres, ponctuée de bâtiments à l'esthétique homogène qui hébergent bureaux de professions libérales et créatives, et logements faussement simples. Aux numéros 1-3, l'architecte Patrick Berger a imaginé un ensemble moderne dans l'esprit originel de la cité Aubry. Édifiée autour d'un jardin intérieur, il comporte des ateliers d'artistes, des logements ainsi que des équipements publics à l'instar d'une crèche. Aux numéros 15-17, la RIVP, régie immobilière de la ville de Paris, a mené la construction d'un "hôtel industriel".

En 2013, l'ancienne usine désaffectée du 2bis cité Aubry, un temps squat artistique "Goumen bis", est rasée pour faire place à un jardin partagé, placé sous la houlette d'une association de riverains. La Cité Aubry s'achève Villa Riberolle où le tissu industriel a conservé une certaine patine, remises du XIXème siècle, entrepôts, bains douches réhabilités et vieilles maisons de guingois. Créée en 1903, elle porte également le nom d'un ancien propriétaire. Elle se termine en impasse, longue de 108 mètres, et bute alors sur les contreforts du Père Lachaise. 







Dès le XVIIème siècle, à l'emplacement de la cité Aubry et de la villa Riberolle s'étendent les terres de la Ferme des Bauges, une propriété dépendante du château de Charonne - démoli au début du XIXème siècle. Les Jésuites s'en portent acquéreurs lors de l'achat de parcelles variées qui constituaient le domaine du Mont-Louis. Ils y développent un hospice sous la direction du confesseur du roi Louis XIV, François d'Aix de La Chaise (1624-1709), dit le Père La Chaise. La propriété revendue en 1763, passe de mains en mains jusqu'à la Révolution. 

La Ville de Paris rachète le domaine du Mont-Louis, en 1803, dans le cadre de la création des quatre grands cimetières extramuros, projet dirigé par le préfet de la Seine, Nicolas Frochot. Le décret de 1804 initié par le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, vient compléter l'interdiction des inhumations intramuros pour des raisons d'hygiène en application de la loi de 1780. Quatre grandes nécropoles au-delà de l'enceinte parisienne voient le jour à partir de 1803, le cimetière du Père Lachaise, le cimetière du Montparnasse, le cimetière de Montmartre, le cimetière de Passy. Des investisseurs plus modestes acquièrent les parcelles sur lesquelles sont développées la Cité Aubry et la Villa Riberolle. Leur mémoire ne perdure que dans la dénomination de ces deux voies.

Le village de Charonne, annexé au territoire de la Capital en 1860, se trouve divisé entre le XXème arrondissement, Bagnolet et Montreuil. La commune réputée pour ses guinguettes, entre vignobles et terres maraîchères se transforme radicalement sous l'effet de l'industrialisation. De nombreuses usines s'implantent sur les terres libérées par le lotissement des anciens domaines seigneuriaux, château de Charonne ou encore château de Bagnolet. 







La Cité Aubry est mentionnée dès 1870, dans un journal pour y signaler la présence d'un mécanicien. En 1893, elle fait l'objet d'une vente aux enchères à la suite d'une saisie. Monsieur Aubry ou bien ses héritiers auraient connu des revers de fortune. Au XXème siècle, animée par des ateliers et des manufactures, la Ville de Paris impose aux co-propriétaires la création d'un syndicat en charge de l'entretien de la voirie, de la propreté et de l'éclairage. 

Le concept de cités ouvrières prend son essor sous le Second Empire. Les grands travaux de modernisation de Paris, menés sous la houlette du Préfet de la Seine, le baron Haussmann, chassent du centre de Paris les populations les plus modestes. La ville se gentrifie, les loyers augmentent. Les prolétaires, déplacés durant les chantiers, n'ont plus les moyens d'y vivre et déménagent vers la périphérie. Tout d'abord les arrondissements de l'Est parisiens créés à l'occasion du rattachement des communes au territoire de la Capitale en 1860, puis progressivement vers la banlieue. 

Afin d'héberger les travailleurs des usines, les grands industriels et les philanthropes, à l'instar des Rothschild, investissent dans les logements ouvriers. Ils font développer des ensembles d'habitation, tout d'abord sur le modèle des cités-jardins puis au tournant du XXème siècle, sous la forme des HBM, habitations bon marché, logements à loyers modérés, ancêtres des HLM. 







La cité Aubry est ouverte à la circulation publique par arrêté du 23 juin 1959, actualisé par un arrêté municipal du 18 octobre 1989. Elle n'est classée dans la voirie parisienne qu'en 1991. L'accès à la Villa Riberolle demeure limité par la présence d'une grille automatique qui protège les ateliers des divers artisans et artistes. 

Cité Aubry
Accès 15 rue de Bagnolet - 1 villa Riberolles - Paris 20
Villa Riberolles
Accès 35 rue de Bagnolet - Paris 20
Métro Alexandre Dumas ligne 2 / Gambetta lignes 3, 3bis



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Histoire des communes annexées à Paris en 1859 - Lucien Lambeau (1854-1927) - Éditions. E. Leroux
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Éditions de Minuit
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Éditions Hachette
Le guide du promeneur 20è arrondissement - Anne-Marie Dubois - Éditions Parigramme