Théâtre : Lumière ! - De Stéphane Landowski - Mise en scène Maxence Gaillard - Le Lucernaire - Jusqu'au 26 janvier 2025

Crédit Frédérique Toulet

À la fin du XIXème siècle, la maîtrise de l'électricité et sa conversion en énergie révolutionne le quotidien en Occident en pleine ère industrielle. La notion de courant continu est introduite en 1820 par le scientifique français André-Marie Ampère (1775-1836). Thomas Edison (1847-1931), inventeur prolifique et industriel promeut les premières utilisations cette technologie dans de nombreux domaines à l'instar de l'éclairage, le chauffage, les transports, la conversion d'énergie, l'industrie. 

Thomas Edison, défenseur du courant continu, et l'industriel Georges Westinghouse, promoteur du courant alternatif, se livrent une guerre d'influence afin d'imposer leur technologie. Épaulé par son épouse Mary, Edison est obnubilé par la reconnaissance et cherche à préserver son statut de grand industriel tout puissant. Son concurrent, le tout aussi ambitieux George Westinghouse soutenu dans l'ombre par son épouse Marguerite, est convaincu du potentiel du courant alternatif. Il cherche à s'entourer d'ingénieurs susceptibles d'inventer des technologies, afin de transporter facilement l'électricité, la distribuer et la rendre accessible au plus grand nombre. La compétition entre les deux hommes tourne au combat des egos.

Nikola Tesla (1856-1943), ingénieur et inventeur d'origine serbe employé par l'entreprise Edison en France et en Allemagne, émigre aux Etats-Unis en 1884. Il travaille dans les laboratoires de Thomas Edison sur un système d'éclairage public de lampes à arc mais démissionne en 1885. Deux ans plus tard, il met au point un moteur à courant alternatif viable qui éveille l'intérêt de l'industriel Georges Westinghouse. Celui-ci cherche alors à diffuser son système à courant alternatif, qui supplanterait les technologies commercialisées par Thomas Edison. Nikola Tesla perfectionne de nouvelles méthodes de conversion de l'énergie, les premiers alternateurs et des réseaux électriques de distribution en courant alternatif, concept breveté en 1888. Désormais, plus facile à transporter grâce au transformateur de tension, le courant alternatif prend le pas sur le courant continu. 

Thomas Edison met tout en oeuvre pour décrédibiliser la technologie de Georges Westinghouse, en prouver la dangerosité, jusqu'aux pires compromissions avec l'éthique.




Cette pièce de commande, désirée par Maxence Gaillard, metteur en scène et interprète, écrite par Stéphane Landowski, scénariste, réalisateur, dramaturge, retrace l'épopée passionnante de l'électricité racontée à hauteur d'hommes. Riche en rebondissements, elle vient souligner l'importance du rôle des femmes et convoque le souvenir des premières militantes pour le droit de vote des femmes. Elle aborde également la thématique de l'entreprenariat et du rêve américain, course éreintante à la réussite, au progrès, au dépassement.

"Lumière !" évoque avec finesse l'impact du progrès scientifique et le revers de la médaille, les égarements, les aveuglements face aux enjeux économiques, industriels. Lorsque la diffusion d'une invention bouscule le cours de l'histoire, les enjeux éthiques deviennent primordiaux tant les dérives s'avèrent significatives. Ici, l'invention détournée au service de la peine de mort soulève des polémiques autour de la toute première exécution par le biais de la chaise électrique. La pièce interroge également la notion de propriété intellectuelle d'une invention définie par le dépôt de brevet. Par exemple :  l'invention de l'ampoule est attribuée à Thomas Edison. Pourtant, c'est l'anglais Joseph Swan qui produit un premier prototype avec culot à baïonnette et mèche de coton carbonisé dans un globe de verre. Ce modèle originel est amélioré par Edison, nouveau prototype dont le brevet déposé le 22 octobre 1879 propose un culot à vis et un filament en bambou dans un globe de verre. Edison commercialise et diffuse largement ce modèle standard. 

"Lumière !"rend compte d'une histoire scientifique complexe, travail intelligent de vulgarisation et de dramaturgie nourrie par les rebondissements qui tiennent le public en haleine. La mise en scène classique imaginée par Maxence Gaillard en collaboration avec Pauline Devinat, clarifie le propos et facilité la compréhension. La scénographie de Georges Vauraz, au décor d'ampoules électriques, est sublimée par la création lumineuse de Denis Koransky, dispositif inventif et modulable.

La belle énergie de troupe alimente la dynamique qui rend palpitante cette histoire entre querelles et émulation, trahisons et fulgurances. Maxence Gaillard, incarne avec conviction l'égotique Thomas Edison. Romain Arnaud-Kneisky habité dans son rôle de génie lunaire campe un excentrique Nikola Tesla délicieux. Guillaume d'Harcourt est impeccable en George Westinghouse. Lauriane Lacaze compose une convaincante Mary Edison, militante féministe avant l'heure et Lou Lefèvre est irréprochable dans le rôle de l'ambitieuse Marguerite Westinghouse. En marge du plateau, Mathias Marty joue personnage mystérieux dont l'identité n'est révélée qu'en bout de course.  

Lumière ! 
Jusqu'au 26 janvier 2025
Du mardi au samedi à 19h - Dimanche 16h - Relâche le 25 décembre, le 1er janvier 

De Stéphane Landowski
Mise en scène Maxence Gaillard en collaboration avec Pauline Devinat
Avec Maxence Gaillard, Romain Arnaud-Kneisky, Guillaume d'Harcourt, Lauriane Lacaze, Lou Lefèvre, Mathias Marty
Musique et son Romain Trouillet
Lumières Denis Koransky
Costumes Virginie H.
Scénographie Georges Vauraz
Production Lucernaire
Coproduction Atelier Théatre Actuel et MK PROD’

Le Lucernaire (Théâtre Rouge)
53 rue Notre-Dame-des-Champs - Paris 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.