Paris : Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, hospice d'indigents, prison de femmes, asile d'aliénées puis centre hospitalier médical, la riche histoire de la Salpêtrière depuis le XVIIème siècle - XIIIème

 

L'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, dans le quartier Saint-Victor du XIIIème arrondissement, conserve le témoignage patrimonial de ses vocations successives. Développé sous Louis XIV, l'hospice originel destiné aux indigents devient rapidement une maison de force, lieu de détention des femmes, condamnées de droit commun et prostituées. Asile d'aliénées à partir de la fin du XVIIIème siècle, la Salpêtrière se médicalise progressivement et devient un centre hospitalier de renommée. 

L'hôpital de la Pitié-Salpêtrière actuel, hôpital proximité et de spécialité, d’enseignement et de recherche, est le fruit de la fusion de La Pitié et de La Salpêtrière. En mars 1964, les deux établissements forment le groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, l'un des centres hospitaliers universitaires de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. En 2012, il intègre le groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière - Charles-Foix, aujourd'hui élément du groupe hospitalo-universitaire AP-HP Sorbonne Université. Plus grand groupe hospitalier français, il se déploie sur une superficie de 33 hectares, réunissant 90 bâtiments et 77 services regroupés en 10 pôles. 








En 1634, le sieur Rebattier fait l'acquisition de parcelles détachées du domaine de l'abbaye de Saint-Victor. Chantiers de bois et carrières occupent ses terrains le long de la rive gauche, juste en face de l'ancien arsenal du faubourg Saint-Antoine. L'entrepreneur y exploite une fabrique de poudre, une salpêtrière - le salpêtre entre dans la composition de la poudre à canon - qui connait des difficultés avant d'être revendue à la couronne puis de cesser toute activité en 1650.

En 1653, la duchesse d'Aiguillon, nièce du cardinal de Richelieu, obtient un brevet royal lui permettant d'instituer un hôpital dans les anciens locaux aménagés. L'hospice, dirigé par la compagnie du Saint-Sacrement, doit accueillir les mendiants, les indigents de toute sorte, les handicapés, les prostituées, les orphelins, les vieillards impotents, et leur dispenser une instruction religieuse ainsi que leur fournir du travail.

En 1656, Louis XIV promulgue l'édit de création de l'hôpital général, constitué de plusieurs maisons et hospices dont la Salpêtrière. De nombreux architectes se succèdent à la tête du chantier du XVIIème au XIXème siècle, Antoine Duval, Louis Le Vau (1612-1670), Libéral Bruand (1636-1697), Germain Boffrand (1667-1754), Antoine-Jacques Pierre-Marie Payen, Charles-François Viel (1745-1819). Le chantier originel débute en 1658, sous la direction d'Antoine Duval, assistant de Pierre Le Muet. Plan carré avec une chapelle en croix grecque, première aile financée par le cardinal Mazarin, actuelle division Mazarin. Vers 1660, faute de crédits, le chantier s'interrompt pour reprendre en 1669 avec de nouveaux bâtiments. 

À partir de 1663, la Salpêtrière, ainsi que l'enclos Saint Lazare, devient lieu d'internement des "Filles du Roi", les femmes destinées à la déportation vers les colonies du Nouveau Monde, Québec, Louisiane, Madagascar, afin de les peupler. 

En 1669, Louis XIV affecte des fonds à la construction de la chapelle Saint-Louis reprend, confiée à l'architecte Louis Le Vau qui trace dans le même temps les plans d'expansion de l'hôpital. La réorganisation de l'ensemble hospitalier prévoit de doubler l'aile Mazarin en symétrie. Le Vau décède le 1er octobre 1670. Libéral Bruand lui succède à la tête des opérations. Il reprend notamment le chantier de la chapelle mené entre 1670 et 1677. 

En 1679, la Salpêtrière tient enfermées 4000 femmes. Jean-Baptiste Colbert parvient à évincer la compagnie du Saint-Sacrement et renforce la fonction carcérale. À partir de 1684, l'enclos se dote d'une maison de force, construite par l'architecte Nicolas de Lespine (?-1728) où sont détenues les femmes en attente de départ pour les Amériques, condamnées pour faits de droit commun, ainsi que les "femmes d'une débauche et d'une prostitution publique et scandaleuse". La compagnie des archers de la Salpêtrière, les archers de l’hôpital général, force policière placée sous l'autorité du roi, est chargée du ramassage des indigents et des invalides, ainsi que de l'arrestation des prostituées, des mendiantes, des voleuses. Ils sont logés dans les quartiers de la rue des Archers, jouxtant la maison de la Force.








En 1724, Germain Boffrand est nommé architecte de l'hôpital général. Il présente de nouveaux plans, en 1729, afin de compléter les structures préexistantes dessinées par Le Vau. L'aile dite division Lassay vient doubler l'aile Mazarin en 1756. 

En 1789, la Salpêtrière est une véritable ville dans la ville. Elle compte 8000 pensionnaires, parmi lesquelles 300 détenues, population placée sous la surveillance de 1500 employés d'encadrement. Durant la Révolution, l'hôpital se trouve au coeur de l'épisode des massacres de Septembre. Les 3 et 4 septembre 1792, 250 hommes armés pénètrent dans la Salpêtrière. Dans des conditions douteuses, ils libèrent 186 prisonnières dans le but de les soustraire à la loi ou de les malmener, plusieurs dizaines de femmes perdant la vie dans l'action. Un détachement de la garde nationale, section de Mauconseil, intervient vers dix-neuf heures et évacue la Salpêtrière. 

Derrière la cour Mazarin se trouve la cour Sainte-Claire bordées de deux ailes, peut-être antérieures à 1656, les divisions Hemey et Jacquart. Au Nord de la cour Sainte-Claire, la maison de force a été transformée en 1795 par Charles-François Viel. À l'Est, demeurent les vestiges de la buanderie et de la pharmacie conçues par Boffrand. 

Jusqu'au milieu du XVIIIème siècle, aucune fonction médicale n'est exercée à la Salpêtrière. Les pensionnaires malades sont systématiquement transférés vers l'Hôtel-Dieu jusqu'en 1780, date à laquelle l'établissement arrive à saturation. L'architecte de l'hôpital général, Antoine-Jacques Payen dresse les plans d'une infirmerie de 300 lits dite "infirmerie générale pour les pensionnaires", au coeur du quadrilatère originel dans l'axe Sud de la chapelle Saint-Louis. De 1781 à 1801, son successeur Charles-François Viel reprend la transformation la Salpêtrière en hôpital dédié aux soins médicaux. 








En 1801, la Salpêtrière associe un hospice destiné aux indigentes impotentes, abritant 4000 pensionnaires, et un asile d'aliénées où exercent les médecins précurseurs de la psychiatrie Philippe Pinel (1745-1826) et Jean-Étienne Esquirol (1772-1840). Le neurologue Jean-Martin Charcot (1825-1893) poursuit des travaux sur l'hypnose et l'hystérie et fonde l'École de la Salpêtrière en 1882. Ses recherches inspirent Pierre Janet dans ses études de psychopathologie et Sigmund Freud, brièvement son élève et l'un de ses premiers traducteurs en allemand. 

À la fin du XIXème siècle, à la mi-Carême, l'hôpital organise chaque année "le bal des folles" dans "le service des hystériques", évènement mondain, attraction morbide très prisée qui réunit le Tout-Paris et les pensionnaires considérées comme aliénées. En parallèle, se déroule un bal des enfants épileptiques. 
En 1896, l'ancien hôpital de la Pitié, fondé vers 1612 à l'emplacement de l'actuelle Grande Mosquée de Paris, est rasé pour être reconstruit en 1911 dans le voisinage direct de la Salpêtrière. 

Le 14 décembre 1974, l'hôpital fait l'objet d'une double protection au titre des monuments historiques : 
- un classement pour le pavillon d'entrée et les bâtiments Hemey, Jacquart, Lassey, Mazarin, Montyon, ancienne Force, lingerie, pharmacie, bâtiment des Archers, pavillon Chaslin, pavillon de la prothèse dentaire de la section Pinel
- une inscription concernant les sols des cours Mazarin, Lassey, Saint-Louis, Sainte-Claire, des Quinconces et de la rue des Archers.

Au sein du groupe hospitalier de la Pitié Salpêtrière se trouve, depuis sa création en 2010, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière et le siège de la faculté de médecine de Sorbonne Université.

Hôpital de la Pitié-Salpêtrière
47-83 boulevard de l'Hôpital - Paris 13
Horaires : De 10h30 à 15h et de 16h à 18h30 - De 10h30 à 15h dimanche
Métro Saint Marcel ligne 5



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.