Théâtre : C'est pas facile d'être heureux quand on va mal, de Rudy Milstein - Théâtre Tristan Bernard - Jusqu'au 29 mars 2025

Crédit Alejandra Guerrero

 

À l'ère des réseaux sociaux et des applications de rencontres, cinq Parisiens, quadragénaires moroses en quête de sens, de bonheur et d'amour affrontent le quotidien dans un monde sur le déclin, secoué par les conflits, les crises économique, climatique, migratoire. Nora, libraire atrabilaire, se perd dans des complaintes permanentes. Son époux Jonathan, psychanalyste plus dépressif que flegmatique, est obnubilé par les "fantômes familiaux", l'histoire de sa famille et de la Shoah. Le couple, usé par la routine sans désir, se trouve au bord de la rupture. Jeanne, leur amie écolo et végétarienne, est atteinte d'un cancer du sein. Personnalité solaire, elle fait face avec courage. Timothée, éternel doctorant, planche sur une thèse de linguistique depuis dix. À défaut d'aboutir dans ses propres travaux, il oeuvre dans l'ombre pour un député dont il écrit les discours. Blasé, égocentrique, il multiplie les conquêtes sur Grindr. Maxime, guichetier dans un musée, romantique contrarié, préfère également les garçons mais cherche maladroitement l'amour dans des orgies. 




Rudy Milstein croque avec humour les travers de ses contemporains, la vie dans la grande ville, l'individualisme chronique. "C'est pas facile d'être heureux quand on va mal" a été distinguée par deux Molières, meilleure comédie et meilleur auteur. La pièce capture les névroses des citadins, les préoccupations quotidiennes, les compromis, les petits arrangements. Cette comédie de mœurs grinçante, douce-amère nous tend un miroir. Rudy Milstein porte un regard lucide sur la société, aborde avec finesse les nouveaux enjeux, l'évolution des relations amoureuses et le nombrilisme de l'époque. Les dialogues ciselés, répliques savoureuses, piquantes, pointent les comportements, les interactions toxiques. La mise en scène de Rudy Milstein et Nicolas Lumbreras, rythmique de précision, fait la part belle au jeu des comédiens. Natacha Markoff signe une scénographie inventive. Ses trouvailles nous font passer tout en fluidité d'un salon bourgeois au cabinet du psy jusqu'au métro parisien. 

Dans cette pièce enlevée, l'auteur démontre une tendresse particulière pour ses personnages, leurs défauts, leurs failles. Baya Rehaz prête ses traits à une Nora au bout du rouleau, au bord de la crise de nerf face à un mari atone, joué par Nicolas Lumbreras, tout absorbé dans les traumas du passé et incapable de regarder le présent. Zoé Bruneau incarne une Jeanne solaire, poignante, infiniment touchante. Rudy Milstein est irrésistible dans le rôle de Maxime, lunaire, émouvant un peu paumé. Et on adore détester Timothée, interprété par Erwan Téréné. 

C'est pas facile d'être heureux quand on va mal 
Jusqu'au 29 mars 2025
Du mardi au samedi 21h

Texte Rudy Milstein 
Mise en scène Rudy Milstein et Nicolas Lumbreras 
Avec Rudy Milstein, Nicolas Lumbreras, Erwan Téréné, Zoé Bruneau ou Ariane Boumendil, Baya Rehaz ou Constance Carrelet 
Scénographie Natacha Markoff
Création lumières Denis Koransky
Assistant mise en scène Samuel Duthu 
Costumes Clara Bailly
Vidéo Cyrille Valroff 

Théâtre Tristan Bernard
64 rue du Rocher - paris 8
Tél : 01 45 22 08 40



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.