Paris : Île aux Cygnes, promenade verdoyante sur la Seine - XVème


L'île aux Cygnes, en face du Front de Seine, rive gauche, côté XVème arrondissement, et de la Maison de la Radio, rive droite, côté XVIème arrondissement, est la seule île artificielle de Paris. Fréquentée autant par les touristes, les familles du quartier et les sportifs, elle se déploie entre le Pont de Grenelle et le Pont de Bir Hakeim, sur une longueur de 890 mètres. Large de 11 mètres, elle couvre aujourd'hui une superficie de 1,3 hectares. L'allée aux Cygnes qui la traverse, bordée d'arbres, compte 322 spécimens, de 61 essences différentes : peupliers, saules, frênes, érables, marronniers, cèdrelas, noyers et tilleuls. Au Nord-Est de l'île, se trouve le belvédère Susan Travers, terrasse de 15 mètres de long en amont du pont Bir Hakeim. À l'extrémité en aval, la plateforme accueille la Statue de la Liberté, réplique haute de 11,50 mètres de la grande sœur new-yorkaise, offerte à la France par le Comité des Américains à Paris en 1889, accessible par des escaliers depuis le pont de Grenelle.

L'Île aux Cygnes a connu des dénominations successives, tout d'abord digue de Grenelle, puis île de Grenelle, île de Passy, île des Cygnes d'après le nom d'une ancienne île naturelle, également appelée île Maquerelle, fusion de plusieurs îlots. En 1676, Louis XIV fait venir à grand frais une quarantaine d'oiseaux et trois-cent œufs du Danemark et de Suède. L'ilot qui s'étend au niveau du Champs de Mars et de l'actuel Musée du Quai Branly, abrite dès lors une réserve dédiée aux volatiles royaux. À la fin du XVIIIème siècle, l'île aux Cygnes originelle, rattachée à la rive gauche, disparait. La digue de Grenelle, édifiée en 1825, reprend son nom au début du XXème siècle. 








La digue de Grenelle, future île aux Cygnes, voit le jour dans le cadre de la création du quartier de Beaugrenelle, sur le territoire de la commune de Vaugirard. Le 15 mai 1824, deux promoteurs, conseillers municipaux de Vaugirard, Léonard Violet (1791-1881) et Alphonse Letellier (1789-1843) mènent une opération immobilière sur leur commune située au-delà du mur d'octroi des Fermiers Généraux. Ils acquièrent d'une propriété auprès de César Ginoux (1746-1838), ancien conseiller et secrétaire du Roi, maire de Sucy-en-Brie de 1806 à 1838. Le domaine comprend la ferme de Grenelle ainsi que 105 hectares de terres agricoles. Les entrepreneurs développent le lotissement Violet dit aussi Beau Grenelle puis Grenelle directement à travers champs entre 1820 et 1830, selon un plan géométrique orthogonal. La Compagnie des entrepreneurs, fondée par Violet et Letellier, mène le chantier.

C'est dans ce cadre qu'est aménagé le port de Grenelle entre 1825 et 1827. Au XIXème siècle la Seine, à cet endroit, est peu navigable. En été, les rives s'assèchent deviennent boueuses. Au printemps, les crues amplifient un courant déjà fort. Le port se dote de nouvelles structures facilitant la circulation des bateaux, gare fluviale, dépôt de marchandises et tout premier pont de Grenelle alors conçu en bois, rive droite creusée. La digue de Grenelle originelle, future île aux Cygnes, est construite en 1825 puis consolidée par des maçonneries en 1827. La société concessionnaire du pont de Grenelle et de la gare y plante des arbres pour l'agrément des visiteurs en 1830, invitation à la promenade.








Beaugrenelle prend son indépendance en 1830 et devient commune, avant son annexion au territoire de la ville de Paris en 1860. Le pont de Grenelle, racheté par la ville de Paris en 1866, manifeste des faiblesses avant de subir un affaissement d'importance en 1873. Il est reconstruit l'année suivante. Au début des années 1960, l'ouvrage, à nouveau fragilisé par l'usure, se révèle trop étroit pour l'usage quotidien. Il est entièrement reconstruit entre 1966 et 1968.
 
En 1889, célébration du centenaire de la Révolution, le Comité des Américains à Paris, offre une réplique de la Statue de la Liberté, oeuvre d'Auguste Bartholdi (1834-1904),  réalisée d'après un plâtre d'étude. En 1900, les épreuves de natation des Jeux Olympiques se déroulent au niveau de l'Île aux Cygnes aménagée. Les traditions sportives s'y perpétuent jusque dans les années 1930, avec des courses et des matchs de water-polo.  

Lors la construction du pont Rouelle, pont ferroviaire bâti à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900, la portion de l'île aux Cygnes par laquelle il passe est rabaissé. Le trafic de la ligne qui l'emprunte diminue progressivement à la suite de l'évènement. Le pont, fermé au transport de voyageurs, ne sert plus qu'aux convois de marchandises jusqu'en 1936. Mais le fret ferroviaire cesse dès 1937. Le pont désaffecté est réhabilité et restauré en 1984 à l'occasion de l'ouverture du tronçon Nord de la ligne C du RER. 








Le Pont de Bir Hakeim est édifié entre 1903 et 1905, à l'emplacement d'une passerelle piétonne, la passerelle de Passy datant de l'Exposition universelle de 1878. Le chantier est mené sous la direction de Louis Biette, par l'entreprise de construction métallique Daydé & Pillé. Jean-Camille Formigé, architecte de la Ville de Paris, se charge du décor.

En 1932, l'architecte André Lurçat imagine de transformer l'île en aérodrome destiné aux avions de taille modeste. Le projet non-abouti Aéroparis envisage la création d'une plateforme sur deux niveaux, une piste au-dessus, un garage et les services d'enregistrement au-dessous. 

À l'occasion de l'Exposition Universelle de 1937, l'île aux Cygnes devient centre des colonies françaises. Un système de pilotis accroit sa superficie de 8000m2 à 32 000m2. Cents-quatre-vingt-dix pavillons sont déployés entre l'île et la Concorde, afin de représenter l'Afrique-Équatoriale française, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, l'Indochine, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, le Cameroun, la Réunion, les États du Levant, Madagascar et l'Inde française. À cette date, la Statue de la Liberté est pivotée pour se tourner désormais vers les États-Unis.








En 2012, l'île aux Cygnes a fait l'objet d'une vaste restauration dans le cadre de l'aménagement des berges de Seine. Désormais, il existe un espace de musculation avec agrès et mur d'escalade en aval, un mur végétalisé entre les deux escaliers qui descendent du pont de Grenelle. Bancs et candélabres sont repeints en bleu turquoise, les sols rénovés.

Île aux Cygnes 
Accès Pont de Grenelle ou Pont de Bir Hakeim - Paris 15
Métro Bir Hakeim ligne 6, Javel ligne 10




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.