Expo : Une brève histoire de fils (de 1960 à nos jours) - Maison de l'Amérique Latine - Jusqu'au 16 janvier 2025

Olga de Amaral - Strata XII (2008) / Olga de Amaral - Corteza 2 (2015) / Vanessa Enriquez - Variations on line n°10 (2018) 

À l'occasion de l'exposition "Une brève histoire de fils (de 1960 à nos jours)", la Maison de l'Amérique Latine réunit les oeuvres de dix-sept artistes sud-américains, acteurs majeurs de la scène internationale. Ce panorama recentré autour de la pratique textile rend compte des explorations esthétiques rendues possibles par la plasticité du fil, laboratoire d'expérimentation esthétique. Les artistes se penchent sur l'hybridation des techniques, nouage, tressage, broderie, tissage, et inventent de nouveaux dispositifs à partir de matériaux variés, textiles, fils végétaux, fibres animales, bobines de fils, broderie de cheveux, installations de bande-magnétiques. Par le biais de leurs pratiques hétéroclites qui empruntent aux savoir-faire vernaculaires, ils revendiquent un ancrage local, hommage aux artisanats traditionnels qui célèbrent la mémoire des ancêtres. Tableaux, sculptures, installations, vidéos, leurs oeuvres éclectiques embrassent un propos à la fois ludique et politique. 


Kenia Almaraz Murillo - Senor Tigre (2022)
Milton Becerra - Errantes del espacio (2023)

Sandra Monterroso - Expoliada n°6 (2023)
Sandra Monterroso - Femme offrant des fils et un coquillage (2023)

Sandra Monterosso - Femme offrant des fills et un coquillage (2023)
Milton Becerra - Infini lemmniscate (2024)

Natalia Villanueva Linares - Colorial (2014)

Natalia Villanueva Linares- Aiguë (2013-2014)
Natalia Villanueva Linares - Colorial (2014)


Les plasticiens présentés au sein de l'exposition "Une brève histoire de fils (de 1960 à nos jours)" inscrivent leur démarche dans le cadre d'une volonté de transmission d'un patrimoine culturel menacé de disparition. Expérience humaine du quotidien ou reflet des pratiques sacrées à l'instar des indiens Kopi, en Colombie, dont la spiritualité s'incarne dans des artefacts de fils ou bien les quipus issus de la culture inca, artefacts tissés utilisés dans les anciennes administrations dont les noeuds permettaient d'enregistrer des données économiques, commerciales ou d'archiver des récits historiques. En Europe, le fil est omniprésent dans les grands récits mythologiques antiques, Pénélope, les Parques, Ariane, symbole des destinées humaines. En Amérique Latine, les matières textiles traditionnelles témoignent de la culture des peuples autochtones persécutés par les colons. 

Tapisserie en laine d'alpaga et phares de scooter, grillages, suspensions, les oeuvres réalisées depuis les années jusqu'à nos jours convoquent les grandes figures tutélaires et les jeunes artistes. L'art cinétique du vénézuélien Jesús-Rafael Soto (1923-2005) et de Gego pseudonyme de (1912-1994), artiste vénézuélienne d'origine allemande Gertrud Goldschmidt dialogue avec les grillages peints au pochoir d'Iván Contreras Brunet (1927-2021), artiste chilien, réfugié en France, Cofondateur du groupe CO-MO (constructivisme et mouvement) avec Breuer, Seuphor, Luc Peire, Romano Zanotti et Calos. L'artiste péruvien Jorge Eduardo Eielson (1924-2006) mène une réflexion selon trois axes, le corps comme entité matérielle et sa relation avec une dimension spirituelle, le langage poétique et l’exploration des limites de signification entre les mots et les signes graphiques, la quête existentielle de l’homme au quotidien. L'oeuvre présentée emprunte au symbolisme des quipus, outils de transmission, interdits par les colons espagnols. Martha Le Parc, plasticienne argentine, épouse de Jesus Rafael Soto, imagine des tapisseries selon les préceptes du Bauhaus, croisant le savoir-faire artisanal aux principes de l'abstraction géométrique.


Laura Sanchez Filomeno - Proliférations (2022-24)

Vanessa Enriquez - Variations on line n°10 (2018) / Jorge Eielson - Quipus, red and black (1992)
Sidival Fila - Sans titre 25 (2018)

Jorge Eielson - Quipus, red and black (1992) / Sidival Fila - Sans titre 25 (2018)

Martha Le Parc - Noir, gris-lumière n°4 (2002)


L'exposition qui se tient à la Maison de l'Amérique Latine propose une relecture des avant-gardes par le prisme de l'engagement féministe et vient souligner le rôle prépondérant des femmes. L'horizon des figures militantes embrasse les oeuvres de Cecilia Vicuna poétesse et plasticienne chilienne dont la vidéo "Quipu Mapocho", pose la question de l'eau au Chili, sa privatisation et l'eau polluée de la rivière Rio Mapocho dans la vallée sacrée de Mapocho. L'engagement de Sandra Monterosso artiste visuel et designer guatémaltèque questionne les structures de pouvoir, les questions de genre et la pensée décoloniale. Elle dénonce les violences perpétrées contre les communautés indigènes, dégradation des ressources naturelles. Les rubans tressés de l'argentine Inès Blumencweig, à laquelle la MAL consacrait une exposition en 2022 ici, entrent en écho avec les broderies en cheveux naturels de Laura Sanchez Filomeno, franco-péruvienne. 

Kenia Almaraz Murillo jeune artiste vénézuélienne, découvre que ces ancêtres étaient des tisserands. Elle décide de se former au tissage de basse lisse auprès de Simone Prouvé, et réalise à la suite de cette expérience des tapisseries, compositions aux formes géométriques parcourues de symboles traditionnels du textile andin auxquelles elle associe des pratiques contemporaines de détournement d'objets récupérés. Anna Maria Maiolino, plasticienne brésilienne, peintre, sculptrice, graveuse, dessinatrice et vidéaste n'hésite pas à faire le grand écart entre pop art et art minimal. Elle s'inspire de son expérience en tant qu'ouvrière dans une usine textile, pour réaliser des toiles en creux, des sculptures de papier. 

L'hybridation syncrétique de Vanessa Enríquez, artiste mexicaine, s'exprime par le biais d'oeuvres, véritables dessins dans l’espace, tissages, broderies, oeuvres sonores. Elle emploie volontiers de matériaux de récupération, notamment des bandes VHS dont elle exploite les possibilités plastiques. Natalia Villanueva Linares, franco-péruvienne, réutilise d'anciens objets usés, aiguilles, bobines de fil. Par le biais de ce recyclage, elle ouvre le champ des réflexions sur la déperdition, la répétition et l’accumulation. Son installation "Colorial" réunit trois-cent bobines. 


Jorge Eielson - Rete (Filet) (Années 1970) / Jorge Eielson - Quipus - (1965)
Jesus Rafael Soto - Sans titre (Pour Alain) (1970)

Inès Blumencweig - Sans titre (1971) / Inès Blumencweig - Struttura (1971)

Iván Contreras-Brunet - Sans titre
Jorge Eielson - Rete (Filet) (Années 1970)
Jorge Eielson - Quipus - (1965)


Iva Contreras-Brunet - Sans titre (1978) / Iván Contreras-Brunet - Sans titre
Jorge Eielson


Les créations in sitù de Milton Becerra, artiste vénézuélien, jouent sur les principes de la physique et de la gravité afin d'évoquer la mémoire indigène. Le vénézuélien Elias Crespin, petit-fils de Gertrud Goldschmidt (Gego) et de Gerd Leufert, peintre et graphiste, vit et travaille en France. Il présente ici des mobiles cinétiques empreints de poésie. 

À la suite de cet évènement, la rédaction vous invite à poursuivre la découverte avec la grande exposition consacrée à l'oeuvre d'Olga de Amaral, artiste colombienne, à la Fondation Cartier. 

Commissaire : Domitille d'Orgeval

Artistes : Kenia Almaraz Murillo, Olga de Amaral, Milton Becerra, Inés Blumencweig, Iván Contreras Brunet, Elias Crespin, Jorge Eielson, Vanessa Enríquez, Sidival Fila, Gego, Martha Le Parc, Anna Maria Maiolino, Sandra Monterroso, Laura Sánchez Filomeno, Jesús Rafael Soto, Cecilia Vicuña, Natalia Villanueva Linares

Une brève histoire de fils (de 1960 à nos jours)
Jusqu'au 16 janvier 2025

Maison de l’Amérique Latine 
217 boulevard Saint-Germain - Paris 7
Tél : 01 49 54 75 00
Visites commentées sur inscription : culturel@mal217.org 
Lundi et mardi de 15h à 16h - Samedi 26 octobre, 16 novembre et 7 décembre de 15h à 16h
Horaires d'ouverture : Du lundi au vendredi, de 10h à 20h - Samedi de 14h à 18h - Fermeture dimanche et jours fériés - Entrée libre



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.