Expo : Tokyo, naissance d’une ville moderne. Estampes des années 1920-1930 du Edo-Tokyo Museum - Maison de la Culture du Japon à Paris - Jusqu’au 1er février 2025


Cent vues du Grand Tokyo à l'ère Shôwa : La zone industrielle de Honja (1929) / Les gazomètres de Senju (1930) / Le marché aux légumes de Kanda (1931) - Koizumi Kishio - Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum 


L'exposition "Tokyo, naissance d’une ville moderne. Estampes des années 1920-1930 du Edo-Tokyo Museum" évoque à travers un corpus d'estampes modernes, la création d'une capitale et les évolutions sociétales au tournant du XXème siècle. Le 1er septembre 1923, le Grand tremblement de terre de la région du Kantô détruit une grande partie de l'ancien Tokyo dont le bâti était majoritairement constitué de maisons de bois. Au lendemain de cette catastrophe, la reconstruction d'envergure engendre une cité nouvelle, de béton, de verre et d'acier. L'exposition orchestrée par les commissaires Shûko Koyama, conservatrice et Tarô Nitta, conservateur au Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum, illustrent par l'art de l'estampe, les transformations urbaines, géographie sensible de la ville, incarnation architecturale des métamorphoses de la société. La Maison de la Culture du Japon présente une centaine d'oeuvres issues des Collections du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum et initie un dialogue entre des estampes modernes, des affiches, des objets, au fil d'un parcours scénographiques en quatre chapitres chronologiques. 



Le pont Kaiun et la Première banque sous la neige (1876) - Kobayashi Kiyochika
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Vue d'Ushimahci à Takanawa sous une lune voilée (1879) - Kobayashi Kiyochika
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum.


Pluie sur le Grand pont de Senju (1913) - Tobari Kogan
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Kiba (1914) - Ishii Hakutei - Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum

Série La fine fleur du Kabuki (1920) - Yamamura Kôka
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum


L'ancienne capitale shogunale Edo devient Tokyo en 1868. Sous l'ère Meiji (1868-1912), la ville se modernise progressivement. À la fin du XIXème siècle, Kobayashi Kiyochika (1847-1915), figure majeure tardive du style ukiyo-e, "image du monde flottant", mouvement artistique japonais de l'époque d'Edo (1603-1868), peint les sites célèbres d'une cité traditionnelle. 

Au tournant du XXème siècle, deux courants artistiques émergent au Japon, renouveau pictural qui touche en particulier l'art de la gravure sur bois. Le mouvement shin hanga "estampes nouvelles", entre 1915 et 1942 puis de 1946 à la fin des années 1950, perpétue un système de séparation des tâches hérité de l'ukiyo-e. Il fait collaborer successivement peintre, graveur, imprimeur et éditeur. Le courant sôsaku hanga "estampes créatives", place l'artiste au cœur de la création. Il supervise toutes les étapes de la production. Il puise son inspiration dans les mouvements d'avant-garde européens, notamment l'impressionnisme. 



Vue véritable du grand tourbillon de feu se dirigeant vers Hono-Ishihara (1923)
Illustration de presse - Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum.
Vue véritable du temple Kanzeon d'Asakusa encerclé par un violent incendie (1923)
Illustration de presse - Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum


Cent vues du Grand Tokyo à l'ère Shôwa : 68è vue
Le barrage-écluse du canal d'évacuation d'Iwabuchi arrondissement d'Ôji (1935) - Koizumi Kishio
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Cent vues du Grand Tokyo à lère Shôwa : 39è vue
L'usine de traitement de déchets de Fukagawak,Tokyo (1933) - Koizumi Kishio
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum

Huit nouvelles vues des faubourgs de Tokyo : Gotanda (1932) - Oda Kazuma
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Huit nouvelles vues des faubourgs de Tokyo :
Omotesandô, l'avenue menant au sanctuaire Meiji-jingù (1932) - Oda Kazuma
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum


Série Douze vues du Grand Tokyo (1933) - Fujimori Shizuo
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum


L'ère Taisho (1912-1926) est marquée par le Grand Tremblement de terre du Kantô. Le 1er septembre 1923, la plaine du Kantō dans l'île de Honshū, île principale du Japon, est dévastée par un séisme de magnitude estimée à posteriori de 7,91 à 8,4 sur l'échelle de Richter. De très nombreux incendies éclatent dans l'agglomération de Tokyo, de Chiba jusqu'à Yokohama, dont la propagation se trouve favorisée par les vents forts d'un typhon près de la péninsule de Noto, ainsi que la densité urbaine et l'absence de planification urbaine, l'absence de zones coupe-feux et la destruction des accès à l'eau. Les incendies hors de contrôle se déchaînent durant deux jours. Plus de cent-mille morts sont dénombrés et 44% de la ville de Tokyo est détruite. Les quartiers les plus anciens caractérisés par un habitat dense et en grande majorité de bois, sont particulièrement frappés.

La série "Paysages de ruines" Un'ichi Hiratsuka (1895-1997) dépeint la ville au lendemain du tremblement de terre et témoigne de sa violence. Les destructions engendrées par cette catastrophe naturelle et la reconstruction d'envergure qui s'ensuit accélèrent le mouvement de modernisation. Gotō Shinpei (1857-1929), nommé ministre de l'Intérieur, organise ce vaste chantier. Sous l'ère Shôwa (1926-1989), la capitale impériale se transforme en cité de béton, de verre et d'acier. Les infrastructures prennent une dimension inédite : tracé de larges avenues, de voies circulaires, de routes, intensification du réseau ferré, rénovation des voies fluviales, construction de ponts anti-sismiques et établissement de grands parcs dans la ville. 



Affiches publicitaires - Katei Food (1928)
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Kimono en lin orné d'un motif de lignes ondulées (années 1910-1930)
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum

Album Shinjuku - Oda Kazuma - Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Album Shinjuku n°2 - Le quartier des cafés (1930) - Oda Kazuma
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
Cent vues du Grand Tokyo à lère Shôwa : 27è vue
La saison sportive en mai à Jingû Gaien (1932) - Koizumi Kishio
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum


Danseuse / Futamura Teichi - Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum

Neige sur le temple (1853) - Kawase Hasui
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum
La tour de Tokyo (1959) - Kasamatsu Shirô
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum


En 1932, la création du Grand Tokyo, constitué de trente-cinq arrondissements, fruits de l'annexion au territoire de la ville des cinq régions entourant la capitale, soit quatre-vingt-deux villes et villages, amplifie la reconfiguration de la ville. Entre fascination pour cette nouvelle cité tentaculaire et nostalgie de celle disparue, certains artistes s'attachent à capturer les emblèmes de la modernité, immeubles, usines, infrastructures. Les séries "Douze vues du Grand Tokyo" de Shizuo Fujimori (1891-1943) et "Cent vues du Grand Tokyo à l’ère Shôwa" de Koizumi Kishio (1893-1945) rendent compte de l'ampleur de la capitale. En parallèle, d'autres peintres à l'instar de Hasui Kawase (1883-1957) et Hiroshi Yoshida (1876-1950) célèbrent ce que fut l'ancien Tokyo en peignant des paysages urbains à la modernité à peine perceptible.

Les artistes s'intéressent à l'émergence d'une cité marquée dans sa physionomie sensible par l'avènement de la société de consommation. Ils rendent compte des transformations de la ville et de la société. C'est le temps d'une époque hédoniste, proche des Années Folles vécues en Occident, avant l'aggravation des tensions internationales, effet de la crise économique de 1929, et la montée du militarisme. Les jeunes gens à la mode, représentés par les figures occidentalisées des mobo "modern boys" et des moga "modern girls", fréquentent les quartiers huppés de Ginza, d’Asakusa et de Shinjuku où se trouvent les grands magasins, les lieux de divertissement, cafés, salles de spectacle. 

Épilogue de l'exposition, des estampes d'après-guerre de style shin-hanga, font le lien avec le Tokyo contemporain. 

Tokyo, naissance d’une ville moderne. Estampes des années 1920-1930 du Edo-Tokyo Museum
Jusqu’au 1er février 2025

Maison de la culture du Japon à Paris 
101 bis quai Jacques Chirac - Paris 15
Tél : 01 44 37 95 01
Horaires : Du mardi au samedi de 11h à 19h - Nocturne les jeudis de 11h-21h pendant les expositions - Fermé les dimanches, lundis et jours fériés



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Douze scènes de Tokyo : Le pont Kaminohashi à Fukagawa (1920) - Kawase Hasui
Collection du Tokyo Metropolitan Edo-Tokyo Museum