Paris : Square René Le Gall, mémoire de la vallée de la Bièvre, création des années 1930 - XIIIème

 


Le square René Le Gall, dans le quartier Croulebarbe du XIIIème arrondissement, s'étend sur plus de 3,2 hectares. Inauguré le 12 juin 1938, il atteint ses limites actuelles par extensions successives dans les années 2010, rue Émile Deslandres au Nord, rue Croulebarbe à l'Est, rue Corvisart au Sud, le lycée Rodin à l'Ouest. Il constitue l'un des trois grands jardins publics du XIIIème arrondissement. Inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 8 avril 1997, le Square René Le Gall se compose aujourd'hui de quatre espaces distincts. Le square classique originel se caractérise par un obélisque, entouré de gloriettes fleuries, de parterres et de haies à la française. L'implantation des cèdres bleus de l'Atlas scandent la composition géométrique. Des escaliers aux décors de mosaïque conduisent à une extension récente où se trouve un jardin partagé. Au cœur du dispositif se trouve un sous-bois de bosquets, non-construit depuis plus de cinq siècles, et de nos jours, plantés d'essences variées, aux marronniers d'Inde et des Balkans, robiniers, sophora, noyers du Caucase, pins de l'Himalaya, sycomores et frênes se mêlent les arbres fruitiers. Spécimen remarquable, un marronnier d'Inde planté vers 1893, atteint en 2011 une hauteur de de 18 mètres et une circonférence de 3,60 mètres. À l'extrémité du parc, l'espace aménagé en 2012 réunit aire de jeux, balançoires, terrain de sport, tables de ping-pong et divers agrès destinés aux sportifs.








L'histoire du square René Le Gall évoque en filigrane celle de la vallée de la Bièvre, son industrie foisonnante implantée sur les rives de la rivière disparues, boucheries, tanneries, teintureries, blanchisseries. Au XIXème siècle, la population du futur XIIIème arrondissement, entre les communes d'Ivry, de Gentilly, du Kremlin-Bicêtre, dont une partie sera annexée en 1860 au territoire de la Ville de Paris, se compose d'ouvriers, de mineurs, de biffins ou chiffonniers. Hors des murs de l'octroi, les rives de la Bièvre acquiert une réputation festive tandis que s'y développent de nombreuses guinguettes et débits de boisson.  

Aux abords de la rue Croulebarbe, la Bièvre se divise en deux bras qui enserrent une île arborée, domaine partagé au XVème siècle entre la propriété des familles de teinturiers Gobelin et Le Peultre et le couvent des Cordelières. Au XIXème, propriété de la Manufacture des Gobelins, les terrains sont divisés en une soixantaine de jardins ouvriers. La Bièvre polluée par les manufactures qui la borde, réduite à un ruisseau fangeux insalubre, est recouverte définitivement en 1912. Le projet de comblement de la vallée, initié sous le Second Empire, n'aboutit que tardivement. 

L'État cède à la Ville de Paris, en 1934, la majorité des terrains de l'ancienne l'île aux Singes, occupés par des jardins potagers des ouvriers de la Manufacture des Gobelins. Il existe plusieurs explications à la dénomination de l'île aux Singes. Il s'agissait d'un espace où les bateleurs et autres montreurs d'animaux laissaient en liberté leurs bêtes. Il est également possible que les singes désignent en argot ouvrier les patrons de la manufacture. 








La municipalité souhaite aménager une promenade publique dans un arrondissement qui manque cruellement d'espaces verts. La création est confiée à Jean-Charles Moreux (1889-1956) en février 1936. L'architecte se montre soucieux de préserver la portion de sous-bois originelle et sa biodiversité. Il imagine un jardin d'un néo-classicisme rigoureux et poétique, aux emprunts Renaissance, divisé en trois espaces distincts : le jardin régulier qui correspond au square, le jardin de verdure le sous-bois et jardin de promenade. Des parements aux textures et décors variés recouvrent les éléments architecturaux de béton armé. Le sculpteur Maurice Garnier réalise ultérieurement les décors de mosaïque des escaliers, en pierres de meulière, galets et coquillages, figures, masques et animaux. La hauteur du mur témoigne de l'ancien dénivelé abrupt de la vallée de la Bièvre.

Le Jardin des Gobelins est inauguré en 1938. Au lendemain de la Libération, il prend le nom de René Le Gall, conseiller municipal du XIIIème arrondissement. Arrêté en 1939 par la police de Vichy, il est détenu prisonnier sous l'Occupation avant d'être fusillé à Clairvaux le 7 mars 1942 sur l'ordre des autorités allemandes, en représailles des attentats perpétrés par la Résistance française à Dijon contre les forces occupantes. 







En 1981, un plan de réaménagement, à l'occasion duquel 5000m2 sont ajoutés vers la rue Émile Deslandres, permet la réalisation d'un jardin paysager. Sur cette parcelle, un jardin partagé voit le jour en 2011. Ces premiers changements sont suivis en 1993 d'un agrandissement de 1500m2 vers la rue des Cordelières et la création d'un ruisseau artificiel, évocation de la rivière originelle.

En 2012, des aménagements nouveaux à travers l'extension symbolisent le cours de la Bièvre disparue. Des charmes remplacent l'ancien rang de peupliers malades, plantés sur l'ancien tracé de la rivière.

Square René Le Gall - Paris 13
Accès 43 rue Corvisart / rue Émile Deslandres / rue Croulebarbe
Métro Corvisart ligne 6, Gobelins ligne 7



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 13è arrondissement - Gilles-Antoine Langlois - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme