Expo Ailleurs : Power Up, imaginaires techniques et utopies sociales - Le Grand Café Saint Nazaire - Jusqu'au 12 mai 2024

Bassim Magdy - Solar Panels and other tangled devices broadcasting the demise of the empire (2023) / Jean Picart Le Doux - Soleil de lune (1969)
 

Projet artistique collaboratif, "Power up, imaginaires techniques et utopies sociales", se déploie sur deux lieux en parallèle, au Grand Café de Saint Nazaire et à la Kunsthalle de Mulhouse. Orchestrées par les commissaires d'exposition Géraldine Gourbe, philosophe, autrice, Fanny Lopez historienne de l'architecture et des techniques, Sophie Legrandjacques, directrice du grand Café, Sandrine Wymann, directrice de la Kunsthalle, les deux événements croisent les regards de plasticiennes, chercheuses et historiennes. Les expositions jumelles questionnent l'évolution les infrastructures de production et de distribution de l'énergie à l'heure de la crise environnementale qui est également une crise de la technologie énergétique. 

L'exposition qui se tient au Grand Café de Saint Nazaire réunit les travaux d'une quinzaine d'artistes. Des réalités les plus triviales aux fictions idéalistes, le parcours scénographique associe les disciplines, art contemporain, installations, peintures, dessins, tapisseries, panneaux, plans d'architecture, complétés par des pièces patrimoniales. Il embrasse le point de vue éco-féministe pour mieux déconstruire la vision du progrès. Repenser ces réseaux dans le cadre des préoccupations écologiques actuelles, nécessite de se réapproprier l'histoire des techniques confisquée par le patriarcat. Les narrations alternatives exposées dans le cadre de l'exposition "Power up", relecture des enjeux sociaux et écologiques, invitent à dévier des imaginaires associés à des pratiques nocives. Méconnues, les infrastructures énergétiques impactent directement les gestes les plus évidents du quotidien dans l'indifférence générale.

Jacques Dommée - Coupe verticale de la sphère panoramique et de sa tour (vers 1940)

Véronique Joumard - Ligne de lumière (sensible) (20001-2023)
Lou Masduraud - Wet Men (2022)

Gina Pane - Table de lecture (terre-ciel) (1969)
Claude Parent - Vaugues vues du rivage (1998)

Tatiana Trouvé - Sans titre (2010)
Laura Lamiel - Le Regard détourné (2000-2002)

Mierle Laderman Ukeles - Touch Sanitation (1979-1980)

Maya Mihindou - Marthe la géante (2023)


Les axes de réflexion autour de l'exposition "Power up" alimentent la volonté de changement. Ces recherches invitent à renouveler les pratiques à l'aune de la contre-culture féministe, afin de penser des solutions alternatives. Il s'agit de décrypter sous un jour inédit, les relations entre art et industrie, les liens entre les univers techniques, les technologies destructrices, les infrastructures et leurs échelles monumentales, les usages sociaux liés aux outils de production et de distribution de l'énergie. Ces réseaux assurent un flux d'énergie constant mais interrogent l'obsolescence des équipements et leur maintenance, leur réparation et leur transformation aujourd'hui nécessaire. Le délabrement de certaines infrastructures, leur dégradation matérielle, sont liés au désinvestissement de l'État. 

L'exposition envisage de nouvelles voies énergétiques qui remettent en question l'héritage technologique et l'empreinte des infrastructures dans le paysage. Saint Nazaire possède, de nos jours, l'un des plus importants parcs éoliens en mer européen. "Power up" inscrit son propos dans une approche régionaliste et environnementale des infrastructures. Depuis l'histoire territoriale de Saint Nazaire, l'exposition dévie vers un rapport distancié au présent et propose de faire un pas de côté par le biais de la fiction voire des utopies inabouties. La ville reconstruite après la Seconde Guerre Mondiale, objet d'un vaste, réaménagement urbain, a été un lieu d'expériences techniques et sociales, à partir du XIXème siècle. Les plans d'usines présentés à Saint Nazaire permettent dès cette époque d'envisager l'exploitation de l'énergie des marées et d'atteindre une forme d'autonomie énergétique. Pourtant ce sont les concurrents, pétrole, gaz puis du nucléaire qui éclipsent ces projets plus vertueux.

Jacques Dommée, en 1941, architecte de la reconstruction, dessine une ville immeuble, édifice utopique à l'instar des dessins du Corbusier de 1933, à travers lesquels la modernité, service public, s'exprime par la connexion à la technologie, eau, électricité, gaz, téléphone. Le mythe d'une vaste infrastructure collective, fruit d'un idéal social, perpétue le fantasme d'utopies énergétiques fondées sur le principe de bien commun, leur potentiel et l'absence de réalisation. 

L'installation de Lou Masduraud évoque les vestiaires collectifs des dockers, force de travail exploitée par le système capitaliste, et par ce biais la déréliction des modes de production. Tatiana Trouvé peint une chambre parasitée par la prolifération d'appareils techniques, ballon d'eau chaude, console de contrôle. Les photographies de Mierle Laderman Ukeles documentent et saluent le travail des éboueurs dans les rues de New York "Touch Sanitation".


Mariel Chabol - Al Qamar (2019)

Basim Magdy - Solar Panels and other tangled devices broadcasting the demise of the empire (2023)
Jean Picart Le Doux - Soleil de lune (1969)

Basim Magdy - The space discotheque is an underground liberation army (2023)

Jean Picart Le Doux - Les activités de Saint Nazaire (1960)
Basim Magdy - Walt Disney counting his possible future regrets dimensions (2023)

Basim Magdy - Walt Disney counting his possible future regrets dimensions (2023)

Basim Magdy - My father looks for an honest city


Maya Mihindou rend hommage à Martha Barbance, autrice en 1948, d'une thèse au sujet du développement de la ville de Saint Nazaire avant sa destruction au cours de la Seconde Guerre Mondiale, ouvrage de référence pour les architectes de la reconstruction. Dans un second temps, la plasticienne rend compte à travers une fresque du concept de pétromasculinité, vision prédatrice de la nature qui consiste à surexploiter les réserves naturelles et la force de travail des travailleurs afin de fournir l'énergie nécessaire aux sociétés organisées selon le système capitaliste patriarcal.

La maquette d'Auroville évoque le projet franco-indien inabouti de cité autonome sur le plan énergétique. La Ville Al Ganar, fiction spéculative de Marielle Chabal poursuit le fantasme d'idéal inatteignable, expérience de pensée. Les tapisseries de Jean Picart Le Doux convoquent la poésie du territoire industriel de Saint Nazaire. Tandis que les couleurs pop des tableaux de Basim Magdy, tranchent avec la réalité troublante de leur propos.

Power Up, imaginaires techniques et utopies sociales
Jusqu'au 12 mai 2024

Commissaires d'exposition : Géraldine Gourbe, Sophie Legrandjacques, Fanny Lopez
Artistes : Jeanne-Marie et Georges Alexandroff, Marielle Chabal, Jacques Dommée, Yona Friedman, Véronique Joumard, Mierle Laderman Ukeles, Laura Lamiel, Le Corbusier, Basim Magdy, Lou Masduraud, Maya Mihindou, Gina Pane, Claude Parent, Jean Picart Le Doux, Tatiana Trouvé

Le Grand Café Saint Nazaire Centre d'art contemporain
2 place des Quatre Z‘Horloges - 44600 Saint-Nazaire
Tél : + 33 (0)2 44 73 44 00
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 19h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.