Paris : Ancienne Manufacture Loebnitz, mémoire des savoir-faire d'une faïencerie de prestige, témoin du passé industriel du Bas-Belleville - XIème


La Manufacture Loebnitz, ancienne faïencerie au 4 rue de la Pierre Levée dans le XIème arrondissement, se compose de deux bâtiments. Le premier richement décoré accueillait la fabrique et ses ateliers. Dans les sous-sols se trouvent encore des fours patrimoniaux. Le second était destiné aux logements des ouvriers. L'ensemble est inscrit à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 27 mai 2002. La protection concerne façades, toitures, charpentes métalliques.

Le premier immeuble, façade percée de baies rectangulaires sur les deux premiers étages, cintrées au dernier, se distingue par son décor de céramique remarquable. Le triptyque d'inspiration antique a été réalisé par Jules-Paul Loebnitz sur des dessins d'Émile Lévy (1826-1890), peintre, illustrateur, Grand Prix de Rome 1854, élève d'Abel de Pujol et de François-Édouard Picot, assisté de son disciple Lazar Meyer (1847-1935). Ce décor était destiné à la porte du pavillon des Beaux-Arts, construit sur les plans de Paul Sédille, à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1878. Les trois panneaux représentent les arts, sculpture, peinture, architecture. Déposés par Jules-Paul Loebnitz, qui y ajoute un quatrième panneau dédié aux arts du feu, ils prennent place sur la façade de la manufacture, enseigne, réclame, témoignage du savoir-faire de la maison. Une frise à motifs de feuillages verts sur fond d'or décore l'entablement. Le second bâtiment, immeuble de rapport aux lignes classiques, mise sur la sobriété. Les sources se contredisent quant à la paternité de cet ensemble attribué à l'architecte Paul Sédille (1836-1900) sans que celui-ci ait jamais confirmé.

 







En 1834, M. Pichenot fonde la faïencerie Pichenot, en collaboration avec son gendre Jules-Christophe Loebnitz (1800-1872). Il fait l'acquisition d'une première parcelle rue de la Pierre Levée afin d'y construire une manufacture en 1838. Il invente le procédé de la faïence "ingerçable" en 1840. La maison se spécialise dans les revêtements décoratifs destinés aux intérieurs de cheminées. 

Le petit-fils, Jules- Paul Loebnitz (1836-1895), prend les rênes de l'entreprise en 1857. La manufacture produit alors poêles en faïence et plaques de cheminée. À partir de 1860, le nouveau patron diversifie l'oeuvre et propose des éléments de céramique architecturale. C'est un succès qui annonce la mode des façades aux décors polychromes. Jules-Paul Loebnitz collabore avec Jacques Félix Duban (1798-1870), architecte en charge de la restauration de la Sainte Chapelle, et Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) .







Pour étendre l'activité de la fabrique, Loebnitz achète une nouvelle parcelle rue de la Pierre Levée, en 1866. Sa collaboration avec Paul Sédille débute en 1878. À l'occasion de l'Exposition Universelle, l'architecte réalise le Pavillon des Beaux-Arts. Il fait appel à Jules-Paul Loebnitz pour exécuter le décor de la porte en terre cuite et faïence qui est distingué par une médaille d’or. Les deux hommes auront d'autres occasions de travailler ensemble, parmi lesquelles, en 1883, le grand magasin du Printemps, en 1892, la Maison Dumas rue Eugène Flachat dans le XVIIIème arrondissement.

Concernant la construction de la manufacture Loebnitz au 4 rue de la Pierre Levée, les sources sont contradictoires. En façade, deux dates, 1834, date de la fondation de la maison et 1880, peut-être celle de la reconstruction. Aucun avis de chantier ou de demande de permis de construire ne figure dans les archives de 1879 à 1883. En revanche le calepin du cadastre enregistre une nouvelle construction au cours de l'année 1868, un immeuble de rapport et une fabrique dont les plans correspondent aux bâtiments actuels. 






L'entreprise Loebnitz perçoit des indemnités en en 1872, pour la reconstruction dans le cadre du réalignement de la rue. Cette dernière information vient alimenter l'hypothèse d'une reconstruction du bâtiment à l'identique en 1880. La faïencerie Loebnitz inaugure une nouvelle fabrique au 32/36 rue de Fontarabie en 1882. La manufacture de la rue Pierre Levée ferme définitivement en 1935.

Manufacture Faïencerie Loebnitz 
4 rue de la Pierre Levée - Paris 11
Métro Parmentier ligne 3



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.

Bibliographie
La céramique dans l'architecture à Paris aux XIXème et XXème siècle - Bernard Marrey - Éditions du Linteau
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel et Dominique Renou - Éditions Parigramme
Architecture industrielle. Paris et alentours - Marie-Françoise Laborde - Éditions Parigramme
La maison des métallos et le bas Belleville : histoire et patrimoine industriel à Paris - De Juliette Barbier, Thomas Le Roux - Éditions Creaphis