Paris : Bataclan, histoire d'une salle légendaire, mémoire des attentats du 13 novembre 2015 - XIème

 

Le nom du Bataclan, salle mythique construite au XIXème siècle, est intimement lié à la mémoire des attentats du 13 novembre 2015. Lors de l'attaque terroriste, quatre-vingt-dix personnes venues assistées à un concert du groupe Eagles of Death Metal, perdent la vie. Aujourd'hui, le Bataclan a retrouvé l'essence de son activité culturelle intense, pied-de-nez à ceux qui ont voulu faire taire la liberté, la jeunesse, la musique. Depuis son inauguration en 1864, tour à tour café-concert, théâtre à l'italienne, cinéma de quartier, salle de concert, il a fait l'objet de profondes transformations au gré de reconstructions successives. Du bâtiment originel aux allures de palais asiatique conçu par l'architecte Charles Duval (1800-1876), auteur également du Grand Café Parisien sur le boulevard Saint Martin, l'Alcazar d'hiver ou l'Eldorado, ne demeurent que peu d'éléments. Une partie de la façade, des décors de têtes de dragon, un large fronton et des pilastres évoquent le souvenir de cette fantaisie exotique au coeur du Paris haussmannien. Le Bataclan fait l'objet d'une inscription partielle au titre des Monuments historiques par arrêté du 11 mars 1991. La protection concerne les façades et les toitures. 







L'histoire du Bataclan débute en 1864. L'architecte Charles Duval imagine un pastiche de palais asiatique : façade aux couleurs éclatantes, grandes statues de bouddhas, dragons sur les corniches, toitures aux bords relevés, lanternes. L'intérieur est à l'avenant avec notamment un rideau de scène remplacé par un système de paravent éventail. L'époque est aux cafés concerts, salles de spectacle où les clients peuvent boire, se rencontrer, souvent aussi hauts-lieux de la prostitution. Ils se multiplient dès la fin des années 1840.

Le Grand Café Chinois - Théâtre Ba-Ta-Clan, nom emprunté à une opérette de Jacques Offenbach datée de 1855, est inauguré en grandes pompes le 3 février 1865. Au rez-de-chaussée se trouvent le café et le théâtre où se jouent des vaudevilles, au premier étage un grand dancing. André Martin Pâris, malheureux propriétaire de la salle du Concert des arts, dite Concert du Géant, ravagée en 1863 par un incendie passage Vendôme, rachète rapidement ce café-concert du boulevard du Prince Eugène, futur boulevard Voltaire. 

Le lieu connait un succès tonitruant. Il réunit un public éclectique adeptes de divertissements variés, concerts, danse, rencontres. Ici nait une véritable culture populaire. Ce sont les débuts de la variété avec les chansons à la mode, la création de la Sacem dans les années 1850. Les représentations théâtrales entretiennent l'intérêt des clients. En 1867, les comédiens qui exercent leurs talents dans les cafés-concerts obtiennent une dérogation pour jouer en costumes, prérogative jusqu'alors des théâtres officiels. Le phénomène vaudeville y prend de l'ampleur tout d'abord sous le Second Empire puis sous la IIIème République. En 1870, lors du Siège de Paris, des réunions politiques se tiennent au Bataclan, qui accueille Alexandre Ledru-Rollin, Victor Hugo, Jules Ferry, Charles Floquet. 

Paulus (1845-1908), chanteur à succès devenu directeur de cafés concerts, se porte acquéreur du Bataclan en 1892. Léon Garnier, son parolier favori, prend la direction artistique. Fragson, Bruant, Paula Brébion s'y produisent. Buffalo Bill assure l'une des attractions les plus réputés avec son spectacle "The Wild West Show". Le Bataclan est revendu en 1897. En 1910, Madame Rasimi (1870-1954) reprend les rênes de la salle et son règne inaugure l'ère des revues, avec Mistinguett, Maurice Chevalier et "Allons au Bataclan" dès 1909. La directrice passe la main en 1929 après l'échec d'une tournée en Amérique du Sud. 







Le Bataclan devient un cinéma de quartier en 1932. À la suite d'un incendie, la Ville de Paris fait fermer la salle en 1950 pour des raisons de sécurité. Le Bataclan est partiellement démoli et reconstruit mais l'établissement ferme en 1969. La musique fait son retour avec le groupe britannique Soft Machine en 1971. Le Bataclan devient l'une des plus importantes salles de concert parisienne. La scène voit passée The Velvet Underground en 1972.  Les Pink Floyd y donnent l'un de leur premier concert devant cinq spectateurs. 

Le Bataclan est racheté en 1976 par Elie Touitou qui confie la direction artistique à son fils Joël Laloux. Il programme Roxy Music, Talking Heads en 1978, Iron Maiden en 1981, Motörhead en 1982, The Cure, Police, The Stray Cats, puis dans les années 1990 et 2000, Prince, Marilyn Manson, Police, Metallica, Jane Birkin, Stromae, Alain Bashung. Le Bataclan est entièrement rénové en 1983 dans le style music-hall des années 1920, balustrades de fer forgé, avant-scène en demi-cercle, motifs de cabaret Années Folles. Au cours des années 1990, outre la programmation musicale, le Bataclan accueille de nombreux événements clubbing, Havanas Delirios, Bansaï, Dispatch. En 1994 David et Cathy Guetta, avant les Bains douches et le Palace, organisent leurs premières soirées, Follievores, Crazyvores.

En 2004, l'exploitation de la salle est reprise par les sociétés Alias, de Dominique Revert et Jules Fructos, Astérios, d'Olivier Poubelle également gérant du Théâtre des Bouffes du Nord. Au cours d'une vaste campagne de restauration menée en 2006, la façade du Bataclan retrouve ses couleurs originelles perdues au fil des transformations. En septembre 2015, Joël Laloux cède le fonds de commerce à Lagardère Unlimited Live Entertainement qui rachète 70% de l'entreprise Bataclan, avant de devenir seul actionnaire. Les murs demeurent la propriété de la famille Habrekorn

Le 13 novembre 2015, sept attentats terroristes frappent Paris. Le Bataclan fait l'objet d'une attaque au cours d'un concert du groupe Eagles of Death Metal. Quatre-vingt-dix personnes sont assassinées. Le Bataclan rouvre ses portes le 12 novembre 2016 avec un concert de Sting au profit des associations des victimes des attentats du 13 novembre. Désormais la salle est gérée par la Société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy qui supervise notamment l'Accor Arena.

Bataclan
50 boulevard Voltaire - Paris 11
Métro Oberkampf lignes 5, 9



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.

Bibliographie
Le guide du promeneur 11è arrondissement - Denis Michel et Dominique Renou - Éditions Parigramme