Paris : 28 rue Ballu, hôtel néogothique aux inflexions flamandes, ancienne maison-atelier du peintre Charles Wilsin devenue hôtel de voyageurs - IXème

 


Au 28 rue Ballu, un hôtel particulier néo-renaissance impose avec panache des inflexions flamandes à cette voie parisienne de la Nouvelle Athènes. Campanile et pignons hollandais en pas de moineau, fantaisie du commanditaire, la silhouette singulière de l'édifice détone. Charles Wislin (1852-1932), artiste impressionniste, rentier, héritier d'une fortune de l'industrie pharmaceutique fait construire cette maison-atelier en 1891. Depuis 2021, elle abrite un hôtel de voyageurs après avoir longtemps accueilli le siège social de la Sacem. 

Fruit d'un lotissement développé à partir de 1819, le quartier de la Nouvelle Athènes a ouvert un nouveau terrain d'expression aux styles variés du XIXème siècle. Rapidement de nombreux artistes romantiques y résident, peintres, écrivains, musiciens, parmi lesquels Alexandre Dumas, Victor HugoGeorge Sand, Frédéric Chopin, Théodore Géricault, Gustave Moreau. L'architecture éclectique caractérise le IXème arrondissement tout entier. Les maisons faubouriennes côtoient les immeubles haussmanniens. Les hôtels particuliers se confondent parfois avec les grands ateliers d'artistes. En façade, le foisonnement ornemental à la mode sous la Monarchie de Juillet glisse vers des expériences esthétiques inspirées par l'historicisme et le mouvement romantique, néo-gothique, néo-renaissance, néo-Louis XIII. La rue Ballu est percée dans ce cadre, en 1841, sous le nom de rue Boulogne, à l'occasion du lotissement de la Folie Bouxière et du Troisième Tivoli. Particulièrement préservée, elle illustre dans la grande diversité de ses hôtels particuliers les expériences esthétiques menées tout au long du XIXème siècle par les architectes.





Le commanditaire de l'hôtel particulier Charles Wislin (1852-1932) est le fils de Joseph Wislin (1804-1893), pharmacien chimiste à Gray, inventeur et industriel par lequel la fortune vient à la famille. Tout au long de sa vie, il dépose de nombreux brevets pharmaceutiques pour la conservation de denrées alimentaires, en particulier la viande en 1832. En 1892, la Société J. Wislin & Cie poursuit son activité, en particulier la fabrication du " papier Wlinsi ", et des "perles purgatives Guyon".

Pour Charles Wislin, licencié en droit, la peinture s'apparente tout d'abord à un loisir bourgeois. Formé auprès de Jules Noël et de Jean-Paul Laurens, il manifeste rapidement un certain talent. En peintre paysager, il capture les charmes du vieux Montmartre, voyage beaucoup en Europe, Londres, Amsterdam, l'Italie. Wislin produit des formats modestes peints sur le motif, des pastels et des huiles sur toile. Il expose au Salon des artistes de 1880 à 1909, ainsi qu'au Cercle de la rue Volney, au Salon de la Société des indépendants. À Paris, il réside tout d'abord au 46 rue de Rennes à Saint-Germain-des-Prés, puis au 26 avenue de Wagram dans le VIIIème arrondissement. Désireux de se rapprocher de Montmartre et ses sujets de prédilection, Charles Wilsin fait appel à l'architecte Gaston Dézermeaux (1853-1924) afin d'établir les plans d'un hôtel particulier dans le quartier de la Nouvelle Athènes au pied de la Butte. 








La maison-atelier traduit une recherche de pittoresque en vogue à cette époque. Charles Wilson fait le choix esthétique incongru de l'architecture flamande découverte lors de voyages à Amsterdam. En façade, se lit toujours un grand cartouche monogrammé. La demande de permis de construire, déposée par l'architecte le 30 juillet 1890, rencontre un refus. L'administration note deux infractions de gabarit au règlement de 1884 relatif aux servitudes haussmanniennes. Gaston Dézermeaux et son commanditaire déposent un recours auprès du Conseil des bâtiments civils. Les dérogations sont accordées en raison du caractère artistique du bâtiment et de la nature éclectique de la rue Ballu bordée par des hôtels particuliers aussi variés que contrastés. Cet assouplissement tacite des réglementations architecturales préfigure la libéralisation des normes, entérinée par une série de décrets. Le plus important promulgué en 1902 met fin à la stricte homogénéité des proportions et des façades requises par le baron Haussmann. 

Charles Wislin réside au 28 rue Ballu jusqu'à son décès. L'hôtel particulier demeure dans la famille. Dans les années 1960, la Sacem, société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, s'en porte acquéreur ainsi que de l'hôtel voisin au 30 rue Ballu, afin d'y établir son siège social. L'ancien atelier de Charles Wislin, sous les toits, devient un studio d'enregistrement. En 2016 la Sacem déménage vers de nouveaux locaux modernes à Neuilly-sur-Seine. La maison du 28 rue Ballu est vendue en 2019 à la société Hôtelière de Paris. L'Hôtel Ballu, établissement haut de gamme entièrement repensé par l'architecte Thomas Vidalenc, est inauguré en 2021.

Hôtel Wislin actuel Hôtel le Ballu
28 rue Ballu - Paris 9
Métro Place de Clichy lignes 2, 13 - Blanche ligne 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme
Grammaire des immeubles parisiens - Claude Mignot - Parigramme