Paris : 7 et 9 rue du Conservatoire, deux immeubles distincts du XIXème siècle, réunis sous l'enseigne d'une même résidence hôtelière, l'Hôtel de Nell - IXème

 


Au 7 et 9 rue du Conservatoire, deux immeubles du IXème arrondissement, protégés au titre du plan local d'urbanisme parisien, se réunissent sous la bannière commune d'un même établissement hôtelier déployé entre les deux entités. Les façades subtilement modifiées lors d'une réhabilitation d'envergure menée par l'agence Wilmotte & Associés en 2013, créé une continuité visuelle. Couleurs et ferronneries inventent une homogénéité a posteriori. À l'angle de la rue Sainte Cécile, le 7 rue du Conservatoire destiné à l'origine à l'habitation présente les caractéristiques classiques d'un immeuble à loyer des années 1850. Quatre étages sur rez-de-chaussée plus un niveau en retrait. La façade remarquable de style rocaille, associe les éléments d'une esthétique antique adaptée à l'architecture du XIXème siècle. Ornementation des trumeaux, arabesques, rosaces, cartouches, linteaux de fenêtres couronnés par des frontons triangulaires ornés de mascarons, l'essence classique des motifs rococo emprunte au registre naturel, végétaux, acanthes, coques. 

Le foisonnement décoratif se prolonge avec le petit immeuble au 9 rue du Conservatoire, oeuvre de l'architecte Jules Amoudra (1828-1880) originaire de la ville de Dole, élève de Félix Duban (1798-1870), chef de file de la génération romantique. L'esthétique joue des creux et des reliefs, groupe de cariatides et corniches, motifs géométriques et guirlandes florales d'une finesse de détails. L'élégance de sa façade vaut à cet immeuble aux proportions modestes d'être mentionné dans les recueils de César Daly (1811-1894), dédiés à l'architecture privée du XIXème siècle. 








Au XIXème siècle, la ville acquiert une nouvelle physionomie. Le renouvellement du tissu urbain initié sous l'Empire et la Monarchie de Juillet prend un tournant décisif entre 1848 et 1881 avec grands travaux de modernisation du baron Haussmann. Dans les années 1850, les façades blondes en pierre de taille remplacent les récentes façades de plâtre Louis-Philippe.  Entre classicisme éclectique et expériences modernes, les immeubles privés sont soumis à des contraintes esthétiques. La réglementation strictes sur les gabarits, les saillies, l'alignement sur rue traduit une recherche d'harmonie dans l'uniformité. Un vent de libéralisation progressive se fait sentir au lendemain du Second Empire. Entre 1882 et 1902, la conception haussmannienne d'homogénéité s'estompe. 

À la suite de la crise de l'immobilier entre 1880 et 1884, période d'austérité, les architectes cherchent à rompre avec l'uniformité. Les décrets d'assouplissements des servitudes esthétiques en 1882, 1884 puis 1902 entérinent cette volonté d'innovation. L'allègement du cahier des charges ouvre une nouvelle ère de grande inventivité qui permet de sortir de l'éclectisme, et d'explorer les possibilités formelles des nouveaux matériaux, le fer puis le béton armé. Les architectes inventent une nouvelle pratique, une esthétique, Art Nouveau et les résonances néo-rocailles, historicisme, néo-renaissance, néo-gothique, néo-Louis XIII. La révolution de l'ascenseur privé présenté à l'Exposition Universelle de 1867 par Léon Edoux (1827-1910), développé à partir du monte-charge à vapeur de l'Américain Elisha Otis (1811-1861) modifie profondément la structure de l'immeuble bourgeois. Cette invention équipe les bâtiments destinés à l'habitation à partir de 1885. Elle accroit la désirabilité des étages supérieurs plus lumineux, le troisième et le quatrième étages.








Au 7 et 9 rue du Conservatoire, les deux immeubles distincts réunis répondent aux impératifs d'un projet hôtelier haut de gamme. Avant 2009, l'hôtel de tourisme originel se partage entre le bâtiment à l'angle des rues du Conservatoire et Saint Cécile tout entier et annexe deux étages de l'immeuble mitoyen au 7 rue du Conservatoire. Racheté par le groupe Charm & More, il fait l'objet d'une première modernisation succincte. La Résidence Nell primitive est inaugurée en 2012. 

L'année suivante, les deux immeubles sont rassemblés dans leur intégralité. Le nouvel établissement est entièrement repensé par l'agence Wilmotte & associés architectes. La réhabilitation radicale repense l'ensemble en un seul espace de six étages sur un niveau de sous-sol. Les deux façades sont les seuls éléments conservés. À l'intérieur tout est restructuré, redistribué, les liaisons modifiées. L'ancien escalier du numéro 9 est déplacé en façade arrière, deux édicules créés pour les ascenseurs. Il ne demeure aucun élément des décors originaux. L'ancien porche intact de l'immeuble au numéro 9 devient la nouvelle entrée principale de l'hôtel. Quatre fenêtres sont percées dans la toiture.

Immeuble 7- 9 rue du Conservatoire - Paris 9
Métro Bonne Nouvelle lignes 8, 9 - Grands Boulevard lignes 8, 9




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme
Grammaire des immeubles parisiens - Claude Mignot - Parigramme