Paris : Élysée Montmartre, salle de spectacle contemporaine, bal mythique du XIXème siècle - XVIIIème


L'Élysée Montmartre, salle emblématique, guinguette puis bal populaire, haut lieu des nuits parisiennes, est l'un des plus anciens de Montmartre et Pigalle. Le classement partiel à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 4 mars 1988, protège la structure Eiffel de la salle de Bal, et la façade remarquable dont le fronton, dernier vestige l'ancien Bal Mabille du faubourg Saint Honoré ouvert entre 1831 et 1875, rasé en 1882, a été installé en 1900. L'Élysée Montmartre joue sur le mélange des genres. Au XIXème siècle, les filles des rues et les proxénètes, toute la faune interlope des fortifs y croisent écrivains, poètes, chansonniers, peintres, et bourgeois venus s'encanailler. Les figures mythiques de Montmartre, la Goulue, Valentin le désossé, Toulouse-Lautrec entretiennent sa légende. Aujourd'hui, la salle fait la part belle à une programmation musicale éclectique.  





Avant 1894



Le bal guinguette originel de l'Élysée Montmartre, propriété de la famille Serres jusqu'en 1867, ouvre vers 1807. En 1853, Edmond Texier (1815-1887), journaliste et romancier, livre une description précise dans son recueil "Tableau de Paris" : « Un double perron de vingt-cinq marches nous conduit à l’Élysée, qui se compose de trois corps de bâtiments et d’un vaste jardin bien planté. De nombreux sentiers serpentent à l’entour du carré de la danse et aboutissent à des bosquets au milieu desquels des tables sont dressée. Les chevaux de bois, l’escarpolette (2), le billard, le tir à l’oiseau et au pistolet, sont les principaux jeux offerts aux amateurs qui veulent se délasser des plaisirs de la danse. Deux grands salons couverts protègent au besoin la foule contre l’intempérie des saisons. On y risque des pas forts excentriques qui n’ont de la polka que le nom et qui donnent assez d’occupation aux municipaux préposés à la garde de la morale publique ».

En 1858 Madame Serres charge l'architecte Stanislas Delahot de l'agencement d'un salon de mille mètres carrés exempte de colonnes, cerné de galeries périphériques et doté d'une estrade pour l'orchestre. À ces aménagements s'ajoutent un restaurant et un chalet avec salle de jeu. Un grand bal le dimanche 4 juillet 1858 inaugure ces nouveautés. De 1870 à 1894, l'Élysée Montmartre recadre sa programmation sur le cabaret. Durant la guerre de 1870-1871, la salle de bal devient, un temps, atelier de fabrication de ballons aéropostaux. Lors de la Commune de Paris en 1870, elle accueille les réunions politiques du "Club de la Révolution". Un grand bal y est donné le 29 avril 1879 à l'occasion de la centième représentation de l'adaptation théâtrale de "L'Assommoir" d'Émile Zola, pièce créée au théâtre de l’Ambigu. 

En 1881, Armand Deprez devient le directeur de l’Élysée-Montmartre jusqu'en 1897, puis du Casino de Paris et du théâtre des Folies-Marigny. La première fête déguisée se donne le 27 mai 1887 sous l'impulsion de Jules Roques (1850 – 1909), co-organisateur du premier Bal des Quat’ Z’Arts en 1892, directeur du journal « Le Courrier Français ». Le chef d'orchestre Olivier Métra (1830-1889) y dirige un ensemble de quarante musiciens. Valentin le désossé (1843-1907) danse le quadrille naturaliste, dont le cancan est la dernière figure. Les danseuses Grille d'Égout, la Môme Fromage s'illustrent dans les cabrioles, pirouettes, grands écarts et déhanchements de cette nouvelle mode. À l'âge de six ans, la Goulue fait ses premiers pas de danse à l'Élysée Montmartre. Plus tard, elle est remarquée par Charles Ziller (1831-1897) et Joseph Oller (1839-1922), créateurs du Moulin Rouge, inauguré en octobre 1889. 




Avant 1894




Maupassant situe une scène de la nouvelle "Le Masque" publiée en 1890 au Bal de l'Élysée Montmartre. En 1893, Armand Deprez lance des travaux afin de monter un café-concert susceptible de concurrencer le Moulin Rouge. Le jardin de l'Élysée-Montmartre, entre le 3 rue de Steinkerque et l’hôtel de Nancy, à l’angle du boulevard de Rochechouart et de cette rue, disparaît afin de construire le Trianon, où débute Mistinguett (1875-1956) en 1894.

En 1897, le nouveau directeur de l'Élysée Montmartre, Albert Chauvin fait aménager la salle de bal en salle de concert bal. L’établissement devient "Trianon, Théâtre, Concert, bal", la mention Élysée Montmartre disparaît temporairement. L'établissement se divise en deux espaces distincts : un café-concert où voir tours de chant, revues, chansonniers et la nouvelle salle de bal, danse et patinage dont l'entrée se trouve rue Steinkerque. L'architecte Édouard Jean Niermans (1859 – 1928), réemploie la structure du Pavillon de France conçue par les ateliers Eiffel à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1889. 

Dans la nuit du 17 au 18 février 1900, un incendie détruit le Trianon dont ne demeure que la structure métallique de la partie salle de bal. L'architecte Joseph Cassien-Bernard (1848-1926) reconstruit le café-concert sur le modèle des théâtres à l'italienne. L'ensemble est inauguré en décembre 1902 sous le nom de « Trianon-concert ». 

En façade, au fronton, est posé le bas-relief provenant de l'ancien Bal Mabille, danseuse entourée de guirlandes et de fleurs, écho aux figures féminines présentes sur les plafonds de la salle de danse. Le nouveau décor d'un style rococo se pare d'éléments Art Nouveau. À l'occasion, l'Élysée Montmartre se fait salle de débats politiques. En 1905, une réunion socialiste s'y tient avec Jean Jaurès et Gustave Hervé. En 1938, Le Trianon du 80 boulevard Rochechouart devient le "Cinéphone Rochechouart". Il est inscrit à l’inventaire des monuments historiques par arrêté du 5 octobre 1982. Le cinéma ferme en 1990 et le Trianon redevient une salle de spectacle en 1992. 



1910





À partir de 1949, Roger Delaporte (1928-2009), propriétaire de l'Élysée Montmartre jusqu'en 1988, organise combats de lutte, boxe, de catch, les affrontements du Bourreau de Béthune et de l'Ange Blanc, et spectacles de striptease. Coluche, à ses débuts, y joue "Le temps des cerises" au violon avec des gants de boxe. Jean-Louis Barrault et sa compagnie montent des spectacles musicaux contemporains à partir de 1968. La programmation variée alterne concerts et shows. Sous la houlette de Garance Productions, société de Salomon Hazot et Gérard Michel, l'Élysée Montmartre, confirme, à partir de 1988, sa vocation musicale, rock, reggae, électro, rap. En 1995, le GOLEM - Grand Orchestre de l'Élysée Montmartre anime tous les quinze jours "Le Bal de l'Élysée Montmartre".

Au cours des années 2000, le propriétaire, une foncière immobilière, s'engage dans un bras de fer avec la Commission du Vieux Paris au sujet de la mise aux normes de l'établissement, laquelle nécessiterait une altération de la structure Eiffel classée. Le 22 mars 2011, un accident électrique, court-circuit sur un terminal de paiement, provoque un incendie et met fin à la controverse. Les dégâts matériels sont importants. L'ossature métallique déformée, les piliers ont ployé sous la chaleur. Murs et toits se sont effondrés. Seule la façade a été préservée. Les négociations au sujet de la reconstruction entraîne le non-renouvellement du bail de Garance Productions. Cette société ferme en 2014.

Julien Labrousse et Abel Nahmias, propriétaires du Trianon depuis 2009, rachètent l'Élysée Montmartre. L'établissement rouvre en 2016 après cinq ans de fermeture et deux ans de travaux extensifs sous la houlette de l'architecte Jérôme Friant, pour un budget de huit millions d'euros. La structure métallique est reproduite à l'identique. 

Élysée Montmartre
72 boulevard Marguerite de Rochechouart - Paris 18
Métro Anvers ligne 2



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie