Théâtre : Un chapeau de paille d'Italie, d'Eugène Labiche - MES Alain Françon - Avec Anne Benoît, Suzanne De Baecque, Vincent Dedienne - Théâtre de la Porte Saint Martin - Jusqu'au 31 décembre 2023

Crédit Jean-Louis Fernandez 

Fadinard, jeune gandin sympathique, rentier frivole, se marie aujourd'hui. Il épouse Hélène, solide dot et tête de linotte, fille de monsieur Nonancourt, pépiniériste bien installé de Charentonneau à qui manquent cruellement les codes de la ville. La journée s'annonçait heureuse mais Fadinard revient d'une promenade au bois de Vincennes très préoccupé. Son cheval y a dévoré un chapeau de paille, jeté dans les buissons dans un moment de passion par une jeune femme en compagnie d'un viril militaire, son amant. Celui-ci, pas commode, très persuasif, a exigé que Fadinard remplace le couvre-chef, par un modèle similaire. Le mari de la jeune femme aussi cocu que jaloux connait très bien ce canotier et sa disparition pourrait susciter sa suspicion.

La quête du chapeau de paille perturbe le déroulement des festivités. Cette recherche désespérée mène Fadinard à travers tout Paris. Les invités de la noce à sa suite. Ils ignorent tout de la situation et sèment le chaos partout où ils passent. Fadinard se rend tout d'abord dans la boutique d'une modiste dans l'espoir de trouver une réplique du galurin disparu. Il y retrouve par hasard Clara, une ancienne conquête. La belle-famille qui débarque à brûle-pourpoint se croit arrivée à la mairie. Clara indique à Fadinard le nom d'une cliente, aristocrate excentrique à laquelle a été vendu un modèle de chapeau identique à celui qu'il cherche. Il décide alors de s'infiltrer chez la baronne de Champigny qui donne une soirée musicale. Afin de gagner ses bonnes grâce, il se fait passer pour le ténor que la dame attend avec impatience. La noce qui le suit toujours dans ses pérégrinations, pense se trouver au restaurant Le Veau-qui-tête où doit se donner le banquet de mariage. La baronne confie à Fadinard qu'elle a offert son chapeau à sa nièce, Anaïs Beauperthuis. 

Dans cette satire délicieusement surannée, créée en 1851, Eugène Labiche (1815-1888) croque les travers d'un certain monde bourgeois. Indulgence pour les travers de la bonne société, femmes volages, maris sanguins mais pas plus fidèles, situations cocasses, malentendus improbables, "Un chapeau de paille d'Italie", sous sa gaité presque frénétique n'est pas dépourvu d'une certaine mélancolie. Les grivoiseries, la frivolité, pondèrent ce spleen léger presque imperceptible. Le vaudeville entraîne personnages et spectateurs dans une cavale à travers la ville. D'impairs en maladresses, les aventures de cette noce débraillée illustrent la dualité du monde, les Parisiens et les Provinciaux, les aristocrates et les bourgeois, les riches et les pauvres. Les effets de contraste puisent dans l'opposition des stéréotypes. Mais Labiche demeure toujours bienveillant dans son observation de la cohabitation. 




La mise en scène d'Alain Françon, maîtrise et rigueur, sens du détail, confère à l'intrigue une lisibilité malgré sa complexité et l'intervention d'une troupe de dix-neuf comédiens. Dans le rôle de Fadinard, flamboyant coureur de jupons sincèrement épris de sa promise, étourdi et roué, Vincent Dedienne, enlevé, élégant, brille par sa présence en scène, ses nuances, son énergie. Suzanne de Baecque est irrésistible dans celui d'Hélène, la fiancée un peu godiche. Anne Benoît, grimée en père de la mariée, incarne le rugueux patriarche avec beaucoup de bonheur. Marie Rémond dans le rôle de la capricieuse Anaïs et Eric Berger en militaire sanguin, Emmanuelle Bougerol en baronne perchée, sont délicieux à l'instar du reste de la troupe, tous très convaincants.

Facéties, rebondissements, le propos s'emballe dans des quiproquos rocambolesques, emprunte la vivacité d'une course hallucinée. Le tempo de la mécanique comique trouve sa justesse, son ampleur, dans la précision même de la partition voulue par Alain Françon. Les décors signés Jacques Gabel, évocation subtile des intérieurs cossus, distillent une atmosphère particulière qui ajoute à la finesse d'ensemble. 

La ronde tourne presque à la comédie musicale avec des interludes, décalage pop et rock savoureux, morceaux originaux composés par le groupe Feu ! Chatterton et interprétés chaque soir par des musiciens en direct. Drôle, enjoué, un peu désuet mais savoureux, les comédiens sont impeccables et ce serait dommage de bouder son plaisir.

Un chapeau de paille d'Italie 
Du mercredi au vendredi à 20h30, samedi à 16h et 20h30, dimanche à 16h
Jusqu’au 31 décembre 2023

- Texte Eugène Labiche
- Mise en scène Alain Françon
- Avec Anne Benoît, Éric Berger, Emmanuelle Bougerol, Alexandre Bourit (musicien), Rodolphe Congé, Laurence Côte, Suzanne De Baecque, Vincent Dedienne, Alexandre Delmas (musicien), Noémie Develay-Ressiguier, Luc-Antoine Diquéro, Balthazar Gouzou, Antoine Heuillet, Victor Lalmanach, Tommy Luminet, Noémie Moncel, Léa Constance Piette, Marie Rémond, Alexandre Ruby, Fiona Stellino, Lola Warin (musicienne), Baptiste Znamenak
- Musiques Feu ! Chatterton
- Décors Jacques Gabel
- Lumières Joël Hourbeigt
- Costumes Marie La Rocca
- Perruques et maquillages Cécile Kretschmar
- Assistante à la mise en scène Franziska Baur
- Coach de mouvement Emma Kate Nelson
- Cheffe de chant Sylvie Deguy
- Son Yoann Blanchard
- Régie générale Benjamin Bertrand

Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 boulevard de la Porte Saint-Martin - Paris 10
Tél : +33 1 42 08 00 32



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.