Paris : Théâtre de la Porte Saint Martin, histoire mouvementée d'une salle patrimoniale - Xème


Le Théâtre de la Porte Saint Martin est édifié en 1781, en moins de trois mois, sur les plans de l'architecte Nicolas Lenoir (1733-1810). Il devait être provisoire, pourtant sa conception remarquable lui assure une longévité inattendue. Refuge temporaire destiné à la troupe de l'Académie royale de musique, dont la salle du Palais Royal a brutalement disparu dans les flammes, le Théâtre de la Porte Saint Martin devient à partir de 1814, le grand lieu de représentation du drame romantique. Les oeuvres d'Alexandre Dumas, Victor Hugo, Casimir Delavigne, Honoré de Balzac, George Sand, Victorien Sardou y sont jouées par les comédiens les plus en vue. Lors de la Semaine Sanglante, sous la Commune, en 1871, le bâtiment originel est incendié. L'architecte Oscar de la Chardonnière ( ? - 1881) en charge de la reconstruction à l'identique fait appel à Jacques-Hyacinthe Chevalier (1825-1895) pour exécuter le riche décor sculpté de la façade. Aux classiques figures allégoriques, Tragédie, Drame et Comédie en étage, il associe quatre atlantes au rez-de-chaussée. Le Théâtre de la Porte Saint Martin rouvre ses portes en 1873. Sarah Bernhardt y incarne certains de ses plus grands rôles. Edmond Rostand créé "Cyrano de Bergerac" en 27 décembre 1893. Au XXème siècle, cette salle populaire programme spectacles musicaux, comédies, ballets, opérettes et théâtre classique. Aujourd'hui, le succès ne se dément pas. Le Théâtre de la Porte Saint Martin est inscrit partiellement à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 30 mars 1992, complété par un arrêté du 10 mars 2014. La protection concerne façades et toitures, entrée, hall, escaliers, foyer, salle et scène.

 







Le Théâtre de la Porte Saint Martin nait d'un incident qui prive l'Académie royale de musique de salle. Le 8 juin 1781, un second incendie d'affilée fait rage au Palais Royal. La troupe de l'Opéra se trouve fort démunie. Désireux de construire un théâtre depuis longtemps, l'architecte Samson-Nicolas Lenoir dit Lenoir le Romain propose immédiatement un projet. Dans les deux jours qui suivent le sinistre, il présente les plans d'une nouvelle salle provisoire et met à disposition un terrain entre la rue de Bondy et la porte Saint Martin dont il est propriétaire avec ses associés, Kornmann et Riboutté. L'accord du roi Louis XVI est soumis à condition : que l'édifice soit construit en soixante-quinze jours ou quatre-vingt-six jours selon les sources. 

Le chantier marathon débute le 26 août 1781. Si le théâtre est livré dans les délais, une certaine inquiétude demeure quant à la solidité de cet édifice érigé dans un si bref intervalle. Prévu pour 1 800 spectateurs, il accueille lors de la représentation inaugurale gratuite le 27 octobre 1781, six-mille personnes. La tragédie lyrique "Adèle de Ponthieu" de Jean-Paul-André Razins sur une musique de Niccolò Piccinni ouvre le bal. Le danseur Auguste Vestris se produit sur scène en présence de la reine Marie-Antoinette.  

En 1794, la troupe de l'Opéra s'installe dans les locaux du théâtre de la rue de Richelieu alors rue de la Loi édifié pour la Montansier entre 1792 et 1793. La première représentation est donnée le 7 août 1794 Le Théâtre de la Porte Saint Martin abandonne sa vocation de divertissement pour devenir un lieu de réunions politiques jusqu'en 1799. Vendu comme bien national, la salle de spectacle rouvre le 30 septembre 1802, sous la direction de Jean-Antoine Bourlin dit Dumaniant (1752-1828) de 1802 à 1805, comédien, auteur dramatique qui présente comédies et ballets. 

Clos en 1807, le théâtre ouvre à nouveau en 1814 sous le nom de "salle des Jeux Gymniques", mais frappé de restrictions peine à trouver son public. De nouveaux privilèges accordés, permettent d'étendre le répertoire, mélodrames, pantomimes, comédies chantées et dansées. Les comédiens illustres Frédérick Lemaître, Bocage, Potier, Mademoiselle George et Marie Dorval vont faire sa renommée. Le danseur Mazurier (1798-1828) débute à Paris en 1823 au théâtre de la Porte-Saint-Martin.

Avec Charles Jean Harel (1789-1846) dramaturge et journaliste, qui prend la tête de l'institution de 1831-1839, le théâtre trouve sa vocation. La programmation se recentre sur le drame romantique, les pièces d'Alexandre Dumas, Victor Hugo, dès 1833 avec "Lucrèce Borgia", Casimir Delavigne, Honoré de Balzac, George Sand, Victorien Sardou. Malgré tout l'établissement peine à trouver équilibre financier.








Incendié le 25 mai 1871 au cours des événements de la Semaine Sanglante de la Commune, le Théâtre de la Porte Saint Martin est à l'identique par l'architecte Oscar de la Chardonnière. Il rouvre ses portes le 28 septembre 1873, sur une soirée inaugurale consacrée à "Marie Tudor" de Victor Hugo.

Le Théâtre de la Porte Saint Martin, apprécié des plus grands comédiens de l'époque, Etienne Mélingue, Constant et Jean Coquelin, connait un renouveau. Sarah Bernhardt se produit très régulièrement sur cette scène. Elle joue dans "La biche au bois" de Théodore et Hyppolite Cogniard en 1866, "Macbeth" de Shakespeare en 1884, "Marion Lorme" de Victor Hugo en 1885, "La Tosca" de Victorien Sardou en 1887, "Jeanne d'Arc" de Jules Barbier en 1890, "Cléopâtre" de Victorien Sardou et Émile Moreau. 

La façade remaniée en 1891 se dote d'une véranda en 1892, conçue par l'architecte Henri Schmit (1851-1904). Elle disparaît en 1897.

De 1949 à 2001, le Théâtre de la Porte Saint Martin est dirigé par la famille Régnier, successivement Max Régnier, puis Hélène et Bernard Régnier. Dans les années 1960, s'y jouent certains des spectacles les plus emblématiques de l'époque Hair, Gospel, Mayflowers.

En 2001 Jean-Claude Camus et Michel Sardou rachètent le théâtre. Ce dernier revend ses parts à son associé en 2003. Jean-Robert Charrier qui dirige le théâtre depuis 2008, fait appel aux grands noms de la mise en scène, Alain Françon, Michel Fau, Catherine Hiegel, Georges Lavaudant, Joël Pommerat.

Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 boulevard de la Porte Saint-Martin - Paris 10
Tél : +33 1 42 08 00 32



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages 
Le guide du promeneur 10ème arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette