Paris : Square Louvois, création du Second Empire, souvenir d'un drame historique, mémoire d'une mythique salle de théâtre - IIème

 

Le square Louvois, au 69/71 rue de Richelieu, se niche juste en face de la Bibliothèque Nationale. Le IIème arrondissement, l'un des moins verts de la Capitale, ne possède que deux jardins publics, le square Louvois et le square Jacques Bidaut. Cette situation particulière résulte des opérations immobilières d'envergure menées dès la fin du XVIIIème siècle. Elles densifient le bâti et font disparaître les jardins des grandes propriétés aristocratiques et religieuses nationalisées sous la Révolution. Désormais bouffée verte prisé des riverains, le square Louvois dessiné, en 1859, par Gabriel Davioud et Adolphe Alphand, à l'emplacement d'un ancien théâtre, abrite une remarquable fontaine en fonte. Oeuvre de l'architecte Louis Visconti et du sculpteur Jean-Baptiste Klangmann, antérieure au square, elle date de 1844. 









La singulière parcelle où se trouve le square Louvois résulte d'une succession de constructions et de démolitions dont l'historique ne manque pas d'intérêt. Entre 1784 et 1797, l'Hôtel de Louvois, édifiée pour François Michel le Tellier, marquis de Louvois (1641-1691), homme d'état et ministre de Louis XIV, l'Hôtel de Miromesnil, ancienne propriété de François de Rochechouart, abbé de Jars, et l'Hôtel de Chabanais sont démantelés. Les terrains de l'Hôtel de Louvois sont lotis en quatorze parcelles desservies par la rue Louvois. L'initiative spéculative libère de vastes terrains constructibles quadrillés par les rues de Louvois, Rameau, Lulli, Chabanais, Chérubini. 

En 1777, la comédienne Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier (1730-1820), fait construire à Versailles grâce à ses appuis à la cour, un premier théâtre. La première représentation est donnée en présence de Louis XVI et Marie-Antoinette. À la Révolution, Mademoiselle Montansier et le comédien Honoré Bourdon dit de Neuville, son partenaire à la ville comme à la scène, accommodent leur retour à Paris. Leur troupe s'installe au sein du théâtre des Beaujolais, au Palais-Royal. La salle inaugurée en 1790, demeure en activité jusqu'en 1806. Détentrice de certains privilèges hérités de l'Ancien régime, la directrice fait jouer des opéras italiens en version française et remporte un grand succès. 

Cette réussite attire les foudres des protecteurs de l'ancienne Académie royale de musique devenue Opéra national. La troupe lyrique a quitté le Palais Royal en 1781, à la suite d'un second incendie dévastateur. Elle occupe désormais un théâtre à proximité de la Porte Saint Martin, édifié sur les plans de l'architecte Nicolas Lenoir (1733-1810) en moins de trois mois.








En mars 1793, Mademoiselle Montansier lance la construction d'un nouvel espace de représentation d'une modernité affirmée sous la supervision de l'architecte Victor Louis. (1731-1800). Rue de la Loi, future rue de Richelieu, le théâtre ouvre ses portes le 15 août 1793. Mais sa directrice est emprisonnée par la Terreur le 15 novembre 1793, sous des prétextes fallacieux. Innocentée, elle sera libérée dix mois plus tard. Durant sa détention, la troupe se disperse. 

En 1794, l'Opéra prend possession du théâtre National de Mademoiselle Montansier, qui est officiellement racheté en 1795 par l'État. La formation lyrique occupera les lieux jusqu'en 1820. Le 13 février 1820, Charles Ferdinand d'Artois, duc de Berry, second fils du comte d'Artois futur Charles X, trouve la mort à la sortie d'un spectacle, lors d'un attentat. Poignardé par Louis Pierre Louvel, un ouvrier bonapartiste, le prince succombe à ses blessures le lendemain. Louis XVIII ordonne la démolition du théâtre. Sur le lieu du drame, il envisage la construction d'une chapelle expiatoire en mémoire de son neveu. À la suite de la Révolution de 1830, le chantier du monument est suspendu. La structure existante est démantelée. En 1836, les hauts-reliefs en mémoire du duc de Berry sont déposés dans la crypte royale de la basilique Saint Denis







En 1839, la place Richelieu, dallée et arborée, est créée sur la parcelle vacante en face de la Bibliothèque nationale. En 1844, Louis-Philippe fait appel à l'architecte Louis Visconti (1791-1853) afin de réaliser une fontaine, réalisé en fonte de fer dans les ateliers de la fonderie Calla. Le sculpteur Jean-Baptiste Klagmann dessine le programme décoratif. Le bassin octogonal s'orne de tritons chevauchant des dauphins. Les quatre statues sur la vasque supérieure, allégories cours d'eau français, représentent la Seine, la Garonne, la Loire et la Saône. Au tout début du Second Empire, un square de 1925m2 est aménagé autour de cette fontaine par l'architecte Gabriel Davioud et l'ingénieur Adolphe Alphand. Le square Louvois est inauguré le 15 août 1859 à l'occasion de la fête de Napoléon III.

En 2019, à l'occasion des cérémonies du 75ème anniversaire de la Libération de Paris, les deux allées du square sont nommées en hommage aux résistantes Eveline Garnier (1904-1989) et Andrée Jacob (1906-2002). Une plaque commémorative honore la mémoire des enfants juifs déportés des établissements scolaires du IIème arrondissement.

Square Louvois 
69 bis rue de Richelieu - Paris 2
Horaires : Du lundi au vendredi de 8h15 à 20h30 - Samedi et dimanche de 9h à 20h30 
Métro Bourse ligne 3




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages 
Le guide du promeneur 2è arrondissement - Dominique Leborgne - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette