Adrien subit un interminable dîner de famille auquel il est contraint d'assister par lâcheté, faute d'avoir su refuser. Gigot, gratin, tarte aux poires. Le quadragénaire perclus d'indécisions, en retrait, a choisi la position de l'observateur. Mais Ludo, le fiancé de Sophie, sa soeur, vient bousculer ce confort illusoire. Il lui confie la laborieuse mission de prononcer un discours à l'occasion de leur prochain mariage. Et le futur beau-frère d'appuyer là où ça fait mal, demandant "un discours tout simple" qu'il pressent déjà comme "merveilleux". Adrien se sent accablé d'avance par cet exercice périlleux. Ce grand dadais, pusillanime à force d'anxiété sociale, égoïste et dépressif, se projette déjà à la fête, et imagine un désastre. En plein monologue intérieur, il égrène les souvenirs de famille, les situations incommodantes du quotidien, les déboires de la vie en société, les contingences des amours contrariées. Au gré de ses digressions, il pense à sa mère qui voit le jus d'orange comme une panacée à tous les maux, sa soeur qui, depuis trente-deux ans, lui offre à Noël des encyclopédies qu'il ne lit. Moral en berne, Adrien file s'isoler aux toilettes pour compulser frénétiquement son téléphone. Il attend une réponse au sms envoyé à Sonia en fin d'après-midi. Leur relation est en suspens depuis trois semaines. Une pause imposée. En plein déni, e silence de Sonia se révèle propice aux extrapolations. Il imagine le pire.
Adaptation fidèle du roman de Fabrice Caro publié en 2018, cette transposition théâtrale du "Discours" avait pris son envol à la veille de la pandémie mondiale. Interrompu, puis repris début 2023 et rôdé dans toute la France, le spectacle porté par Simon Astier, seul en scène, investit les planches du théâtre de la Renaissance du 12 novembre au 18 décembre 2023. L'adaptation restitue avec finesse l'atmosphère du livre, la saveur des mots, des saillies drolatiques. Regard lucide posé sur la société Fabcaro flirte volontiers avec l'absurde, l'ironie, les saveurs d'un second degré piquant.
La fluidité de la mise en scène signée Catherine Schaub confère à ce seul-en-scène, soliloque angoissé dans la tête du personnage, une énergie, une dynamique rares. Simon Astier s'empare avec panache et nuances du personnage d'Adrien, son humour et ses névroses. Quadra de son temps, désabusé, un peu paumé, son anti-héros aussi agaçant qu'attachant incarne les contradictions de l'époque. En roue libre, Adrien par association raconte tranches de vie, frasques savoureuses, divagations et tourments très personnels. Ses failles nourrissent l'identification. La partition, mécanique de précision, horlogerie savamment composée, suit les méandres des ruminations intérieures. La panique monte. Pour incarner cet hypersensible d'une timidité maladive, Simon Astier fait preuve d'autant de d'autodérision que de sensibilité. Sa bienveillance, son empathie nouent une belle connivence avec le public. Irrésistible et tendre.
Le Discours
Du 12 novembre au 18 décembre 2023
Dimanche et lundi à 19h30
De Fabrice Caro dit FabCaro - En accord avec les éditions Gallimard
Adapté et interprété par : Simon Astier
Mise en scène : Catherine Schaub
Scénographie et costumes : Delphine Brouard
Création Lumières : Thierry Morin
Conception sonore : Aldo Gilbert
Production : MARTY et Robin Production
Théâtre de la Renaissance
20 boulevard Saint Martin - Paris 10
Réservation : 01 42 08 18 50
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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