Paris : Marché des Enfants Rouges, plus ancien marché couvert de la Capitale, repaire gourmand du Haut Marais - IIIème



Le Marché des Enfants Rouges, lieu emblématique du Haut Marais, déploie ses charmes pittoresques derrière les iconiques grilles frappées à son nom. Plus vieux marché couvert en activité depuis la démolition des halles de Baltard dans les années 1970, il bruisse d’une activité fourmillante, véritable cœur battant du quartier, ouvert du mardi au dimanche. Ce lieu convivial de rencontres jouit d’une réputation flatteuse dans le monde entier notamment grâce à ses commerçant avenants (enfin presque tous, nous sommes tout de même à Paris). Fréquenté aussi bien par les riverains que par des touristes accompagnés ou non de guides, le Marché des Enfants Rouges illustre avec panache la vitalité du Marais. Son atmosphère de petit village hors du temps attire indifféremment flâneurs gourmands et chargés de courses pressés. Cette halle traditionnelle croisée avec une cantine à ciel ouvert mêle dans un grand foisonnement métissé de couleurs et de parfums les influences et les origines. Les nombreux traiteurs adeptes d’une cuisine cosmopolite généreuse entraînent les visiteurs dans un tour du monde de la gastronomie. Faire ses provisions de la semaine, déjeuner sur le pouce sur une table installée dans une allée, bruncher le dimanche, le Marché des Enfants Rouges assume pleinement son statut d’incontournable.  











La création du Marché des Enfants Rouges date de 1615, ce qui lui confère le titre honorable de plus vieux marché couvert de Paris. A cette époque, la ville ne s’arrête au niveau de notre actuelle place de la République. Au-delà, la campagne s’étend jusqu’aux coteaux de la commune de Belleville, fameuse pour son maraîchage et ses vignes. Le quartier du Temple dominé par son donjon est en pleine expansion. Avec l’explosion de la démographie, se pose la question d’approvisionner les habitants en victuailles.  

Sulpice Richard de la Houssière et Jean Duflos, commissaires aux Guerres et entrepreneurs au nez creux achètent une parcelle de près de trois hectares à un notable dénommé Pigou, à l’angle des rues de Berry et de Bretagne. En mars 1615, ils obtiennent de Louis XIII les autorisations nécessaires pour édifier un nouveau marché couvert. Des lettres patentes valident la création d’une halle commerçante « avec bancs, étaux, boutiques et autres choses nécessaires pour vendre volailles, gibiers, viande de boucherie et toutes sortes de denrées au dit lieu et quartier du Temple ».

Perceval Noblet maître charpentier du roi, est chargé d’élever une halle en bois. Le vaste chantier débute en juin 1615. La structure en bois repose sur seize piliers de chêne. Les étaux de boucherie sont soigneusement aménagés ainsi que les éléments d’hygiène élémentaire, un puits et une fosse à purin. Le Petit Marché du Marais est inauguré en août 1615. Il prospère rapidement et devient le Marché du Marais du Temple, dénomination sous laquelle il est mentionné sur le plan Gomboust de 1652.












Entre 1670 et 1673, Geneviève Delaistre, convainc les associés propriétaires du marché de lui céder leurs parts. Lorsqu’elle épouse Jean-Dominique Cassini, astronome de Louis XIV et directeur de l’Observatoire de Paris, la halle devient propriété de la famille Cassini et le demeurera jusqu’en 1772. 

A cette époque, Jean-Claude Geoffroy d’Assy, caissier royal de la recette générale, poursuit des investissements immobiliers dans le quartier du Marais. Le 6 février 1772, il se porte acquéreur du marché couvert. Il rachète des parcelles attenantes et se lance dans une modernisation efficace. De nouveaux comptoirs en dur affectés aux commerces de boucherie, poissonnerie, crèmerie et maraichage sont installés tandis qu’une fontaine est édifiée au centre de la halle. Des boutiques supplémentaires voient le jour sur la rue de Bretagne. En souvenir de l’orphelinat voisin, l’Hôpital des Enfants Rouges, fermé en 1772, il rebaptise le lieu Marché des Enfants Rouges. En 1778, Geoffroy d’Assy fait construire un immeuble locatif en bordure du marché, du côté de la rue Charlot. 

Ses descendants conservent longtemps ce bien et ne revendent le marché à la Ville qu’en 1912. La concession privée devient alors marché public. Les halles en bois hors d’âge sont remplacées par des structures métalliques surmontées de verrières. Le bâtiment côté sud-ouest est rasé révélant le mur pignon nu qui se trouve toujours au fond du marché. Jusqu’en 1914, le Marché des Enfants Rouges abrite une vacherie de douze vaches laitières qui fournit en lait frais le quartier.  










Durant tout le XXème siècle, le manque d’entretien et l’activité intense du lieu vont dégrader le lieu. Les équipements se délitent durablement. Malgré sa vétusté, le Marché des Enfants Rouges est inscrit aux Monuments historiques le 8 mars 1982. En 1994, le maire UDF du IIIème arrondissement, Jacques Dominati, envisage sa démolition ainsi que celle des trois maisonnettes donnant sur la rue de Bretagne, dont l’une au moins est attesté datant du XVIIIème siècle. Cette destruction d’un patrimoine pourtant classé à l’inventaire vise à faire aboutir un projet de parking souterrain de sept niveaux, surmonté en surface d’une crèche et d’équipements sociaux ainsi que d’un immeuble moderne en remplacement des maisonnettes. 

Les riverains se mobilisent activement et le cinéaste Bertrand Tavernier leur apporte son soutien. Leur opposition farouche se traduit dans les urnes. Lors des municipales de juin 1995, le socialiste Pierre Aidenbaum remporte la mairie d’arrondissement. Durant la campagne, il s’était engagé à sauver l’ancienne halle. Promesse tenue.  La réhabilitation du Marché des Enfants Rouges nécessite cinq ans de travaux. Il rouvre ses portes en l’an 2000.  










Carrefour de vie, symbole d’un quartier dynamique, le Marché des Enfants Rouges connaît depuis un succès grandissant, fruit de la diversification des activités. Avec les commerces de bouche, l’accent a été porté sur la restauration. L’atmosphère cosmopolite qui y règne est entretenue joyeusement par les divers traiteurs qui tiennent le haut du pavé. Ils proposent des nourritures simples et généreuses, des additions compréhensives et des produits de qualité. Mezze libanais, pâtisseries orientales et thé à la menthe, couscous marocain épatant, épicerie italienne, compositions créoles, plats thaïs, bentos japonais, le dépaysement s’incarne dans des saveurs authentiques. Burger fermier, crêpes inventives, sandwichs pantagruéliques complètent une offre pléthorique. L’Estaminet des Enfants Rouges illustre la typicité du café-restaurant parisien avec un je-ne-sais-quoi de champêtre secondé dans cette tâche de représentation par La Petite Fabrique et son brunch tous les dimanches. 

Les stands des commerces plus classiques ne déparent pas. Un caviste inspiré par les vins nature côtoie une crèmerie réputée. Une belle charcuterie fait la conversation entre terre et mer avec une poissonnerie ultra-fraîche et une boucherie de qualité. Deux fleuristes égaient les allées de leurs bouquets pimpants. Parmi les trois maraîchers, la famille Wagner spécialiste du bio étend des étals foisonnant. Producteurs, commerçants et grand public se rencontrent au Marché des Enfants Rouges dans une atmosphère conviviale délicieuse. Le lieu idéal pour prendre le pouls du quartier et surtout passer du bon temps, se régaler et partager des moments précieux !

Marché des Enfants Rouges - Paris 3
Accès 39 rue de Bretagne, 35/37 rue Charlots, 16 rue de Beauce, rue des Oiseaux
Ouvert du mardi au samedi de 8h30 à 19h30 - Le dimanche de 8h30 à 14h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages 
Le Marais, évolution d’un paysage urbain - Danielle Chadych - Parigramme
Le Marais secret et insolite - Nicolas Jacquet - Parigramme
Le guide du promeneur 3è arrondissement - Isabelle Dérens - Parigramme

Sites référents