Ailleurs : Fonds Gustave Doré au Monastère royal de Brou, l'une des plus importantes collections consacrées à l'artiste - Bourg-en-Bresse

Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer (1861)
 

Le Musée de Bourg-en-Bresse conserve au Monastère royal de Brou le deuxième plus important fonds en France consacré à Gustave Doré (1832-1883) après celui constitué par les Musées de Strasbourg, sa ville natale. Oeuvres emblématiques, gravures, livres, peintures, sculptures, dessins, la collection bressane a été réunie au gré d'acquisitions réalisées selon les opportunités du marché de l'art, ainsi que des donations. L'important legs en 1981 du docteur Édouard de Châtillon a contribué à la variété de l'ensemble avec un nombre important d'ouvrages illustrés parmi lesquels une majorité de premières éditions. Parmi les œuvres graphiques rarement exposées du fait de leur fragilité, se trouvent les célèbres "La vogue de Brou", "La Noce", "Le Retour du marché" ou "Le mât de cocagne". Le fonds Gustave Doré du Musée de Brou compte aujourd'hui deux-cent-quatre pièces, cent-trente-trois estampes, onze dessins, soixante monographies. 


Paysage d'Ecosse (Château de l'île de Skye) - (Après 1873)

Viviane et Merlin (vers 1867)

Paysage avec un cavalier (1875)

Diffusés dans toute l'Europe, les ouvrages illustrés par Gustave Doré ont contribué à sa renommée internationale : les oeuvres de Rabelais en 1854, "La Divine Comédie" de Dante Alighieri en 1861-68, "Don Quichotte" de Cervantes en 1863, la Bible en 1866. Pourtant, l'artiste rêvait d'être reconnu en tant que peintre, ce que ne lui accordera pas la France et qu'il ira chercher dans le monde anglophone. 

Gustave Doré nait à Strasbourg en 1832. Sa famille emménage à Bourg-en-Bresse en 1841 lorsque le père, Jean-Philippe Doré, est nommé ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de l'Ain. Le jeune Gustave manifeste un don précoce à travers dessins et caricatures. La ville médiévale lui inspire les décors gothiques de ses oeuvres romantiques. Il croque la vie quotidienne dans une veine réaliste, et capture des scènes de genre pittoresques. En 1845 - Gustave Doré a treize ans - Ceyzeriat, un imprimeur local, publie trois de ses dessins lithographiés parmi lesquels "La vogue de Brou". La même année, il réitère avec un album de seize pages. 

Le jeune artiste demeure à Bourg-en-Bresse jusqu'en 1847. À cette date, lors d'un voyage à Paris, le talent de l'adolescent est repéré par Charles Philipon fondateur de la maison d'édition Aubert, directeur des journaux "La Caricature" et "Le Charivari". Celui-ci publie "Les Travaux d'Hercule" premier ouvrage lithographié officiel de Gustave Doré. Le jeune artiste s'installe à Paris. Tandis qu'il travaille en tant qu'illustrateur et caricaturiste, il suit en parallèle les cours du lycée Charlemagne à Paris et il loge rue Saint Paul chez une amie de sa mère, madame Hérouville. 

Artiste prolifique et inclassable, Gustave Doré débute ainsi une carrière qui transcende les genres par un univers graphique d'une richesse inédite. Ce legs artistique d'une grande variété inspire Victor Hugo, Salvador Dali, Pablo Picasso, Vincent Van Gogh et son héritage se perpétue au cinéma, dans l'animation, dans la bande-dessinée, avec Walt Disney, Jean Cocteau, Moebius.

Gustave Doré nourrit son imaginaire d'un romantisme empreint d'historicisme. Il créé un univers médiéval fantasmé peuplé de belles dames, de preux chevaliers, de créatures légendaires issus des mythes et contes. Il ne renonce pourtant pas au réel et passe beaucoup de temps à dessiner sur le vif dans la rue. Ces oeuvres témoignent de la société telle qu'elle va, réalisme social transcendé par des fulgurances, dans des atmosphères de clair-obscur. Il croque les Bressans puis la population parisienne. Sensible aux grandes causes sociales, aux difficultés des classes populaires, il s'engage aux côtés de Victor Hugo.

Visionnaire, Gustave Doré, autodidacte en peinture, en dessin, en sculpture, en musique, expérimente l'ensemble des courants de son temps. Il emprunte ses sujets à la littérature, la mythologie, les textes sacrés. S'il acquiert une grande reconnaissance en tant qu'illustrateur et caricaturiste notamment avec "La Divine Comédie" ou "Les contes de Perrault", la peinture de Doré ne séduit pas. Tout du moins en France. Peintre, il lance des ponts entre les styles, les genres, les techniques, un éclectisme qui peine à convaincre le public et la critique hexagonale. Cette dernière lui reproche peinture empreinte d'une certaine grandiloquence, le maniérisme de ses portraits, le lyrisme de ses scènes bibliques. Ainsi que son goût pour les formats monumentaux - "Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer" mesure 315x450cm.

Pourtant en Angleterre et aux États-Unis son oeuvre picturale fait fureur. A Londres, la Gallery Doré ouverte en 1868 rencontre un vif succès durant près de vingt ans. La Couronne fait même l'acquisition d'un tableau en 1870 qui entre dans les collections royales. En 1873, Gustave Doré note : "J’illustre aujourd’hui pour payer mes couleurs et mes pinceaux. Mon cœur a toujours été à la peinture. J’ai le sentiment d’être né peintre."


Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer (1861)

Miroir (vers 1877)

Le Musée de Bourg-en-Bresse présente dans le cadre du parcours permanent quelques oeuvres majeures de Gustave Doré, des tableaux emblématiques. "Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer" (1861) exposé au Salon à la suite de la publication du premier volet illustré de la "Divine Comédie" de Dante Alighieri, "L'Enfer", marque les esprits. Atmosphère lugubre, surnaturelle, scène effrayante de cannibalisme le tableau représente Dante en toge rouge, Virgile en bleu traversant le cercle des traîtres emprisonnés dans la glace. 

"Viviane et Merlin" (vers 1867), oeuvre inspirée du poème "Viviane" d’Alfred Tennyson, extrait de la trilogie "Idylles du Roi", entre dans les collections du musée de Bourg-en-Bresse en 2013. Acquise auprès de la galerie Whitford Fine Art de Londres avec l'aide financière de l’État, au Fonds régional d’acquisition des musées et le soutien de la Chambre des notaires de l’Ain qui organise deux concerts, la toile retrace un épisode de la geste arthurienne. Gustave Doré prête à Viviane, qui s'apprête à trahir Merlin, les traits d'Adelina Patti, artiste lyrique avec laquelle il entretient une liaison en 1867-68.

"Paysage d'Ecosse" (Château de l'île de Skye) - (Après 1873) est réalisé à la suite d'un voyage en Écosse. Gustave Doré éprouve lors de son séjour une véritable fascination pour les paysages, dont la beauté sauvage comble son romantisme tardif. Puissance de l'imaginaire à l'oeuvre, vigueur de la touche, il théâtralise son ressenti pour donner naissance au fantastique. Son "Paysage avec un cavalier" (1875) comporte des similarités avec les paysages peints en Angleterre à l'aquarelle. Peut-être réalisé dans les Landes, le tableau joue sur le contraste, du minuscule cavalier dans l'immensité de la nature. Objet d'art décoratif, le Miroir ovale inscrit dans un cadre richement sculpté a été réalisé vers 1877 en deux exemplaires, le second ayant été acquis par la tsarine Maria Feodorovna.

Fonds Gustave Doré du Musée de Bourg-en-Bresse

63 boulevard de Brou - 01000 Bourg-en-Bresse
Tél : 04 74 22 83 83
Horaires : Du 1er octobre au 31 mars de 9h à 12h et 14h à 17h - Du 1er avril au 30 juin de 9h à 12h30 et de 14h à 18h - Du 1er juin au 30 septembre de 9h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.