Théâtre : Il n'y a pas de Ajar, de Delphine Horvilleur - Avec Johanna Nizard - Théâtre de l'Atelier - Jusqu'au 1er octobre 2023

Crédit Pauline Le Goff 


Un jeune homme se présente comme Abraham Ajar, fils putatif d'Émile Ajar, double fictif de l'écrivain Romain Gary. Depuis une cave, le "trou juif" de Madame Rosa, personnage du roman "La Vie devant soi", il s'adresse à un interlocuteur invisible. Monologue ininterrompu. De garçon, il devient jeune fille tout en dentelles, maître puis esclave, python, souris blanche, Juif, Chrétien, Musulman, personnages échappés des oeuvres de Gary, "Clair de femme", celles de son alter-égo Ajar "L'angoisse du roi Salomon" "Gros câlin". Il évoque la Bible, la mystique, la Kabbale, se penche sur l'histoire d'Abraham, le premier patriarche, fondateur des religions monothéistes, premier mystificateur. Il s'interroge sur la circoncision, les paroles de la Marseillaise, l'Hébreu langue qui ne conjugue pas le verbe être au présent. Débats politiques actuels, revendications identitaires, obsessions contemporaines du genre, appropriation culturelle.

Le seul-en-scène "Il n'y a pas de Ajar - Monologue contre l'identité" se donne au Théâtre de l'Atelier à l'occasion d'une reprise exceptionnelle, douze dates du 1er septembre au 1er octobre. Placée sous la figure tutélaire de Romain Gary, cette farce théâtrale, oeuvre de Delphine Horvilleur, femme rabbin libéral, dresse un réquisitoire incisif contre l'entre-soi, ode à l'altérité partagée, apostrophe pour l'ouverture au monde et aux autres. 

Le monologue prend pour exemple fondateur la mystification "Émile Ajar" montée par Romain Gary. Le romancier, par ce pas de côté, a démontré la pertinence et la force d'une réinvention de soi, afin d'échapper à l'identité imposée par la société. Le jeu de dédoublement littéraire se fait acte politique, revendication à rebours des assignations identitaires, révolte contre les conformismes culturels. Delphine Horvilleur considère que l'écriture est "une stratégie de survie"' propice à l'émancipation, au refus des catégorisations liées à l'origine, la naissance, l'ethnie, le genre, la religion.

La comédienne Johanna Nizard porte ce monologue puissant, texte iconoclaste et humaniste femme qui interprète un homme, une jeune fille, un histrion, un serpent. Par ses métamorphoses, elle incarne les diffractions de la vérité, interprétation vibrante, présence en scène, voix timbrée, syncope de la réinvention. La mise en scène Arnaud Aldigé vient souligner la puissance de ce texte à l'humour cinglant, accompagne colère et rage, grotesque et ironie.




"Il n'y a pas de Ajar - Monologue contre l'identité" combat le principe même de pensée unique, bouscule les lieux communs identitaires et nous invite à nous affirmer dans l'existence en luttant contre les assignations. Notamment grâce à la littérature, les histoires lues, écoutées, écrites.

Ce conte philosophique irrévérencieux force le trait jusqu'à l'absurde pour mieux poser des questions existentielles. La provocation se veut salutaire pour mieux inventer le sens du monde et dénoncer ceux qui s'érigent en détenteurs de la vérité ultime, sur le sens de la vie, ceux qui sont prêt à tuer pour cette vérité divine. En soulignant les paradoxes, le discours se fait social questionne les obsessions identitaires, la lutte contre le racisme, l'appropriation culturelle, la transidentité, les conflits intergénérationnels, les frustrations et névroses, fruits du narcissisme contemporain. Inquiétant, fantastique, dérangeant, un seul-en-scène qui bouscule les certitudes avec intelligence.

Il n'y a pas de Ajar - Monologue contre l'identité 
Jusqu'au 1er octobre 2023 
Vendredi et samedi 20h, dimanche 16h

De Delphine Horvilleur
Mise en scène Johanna Nizard et Arnaud Aldigé
Avec Johanna Nizard

Collaboratrice artistique à la mise en scène Frédéric Arp
Conseil dramaturgique Stéphane Habib
Regard extérieur Audrey Bonnet
Création maquillage et perruque Cécile Kretschmar en collaboration avec Jean Ritz
Création costumes Marie-Frédérique Fillion
Création sonore Xavier Jacquot
Scénographie et création lumières François Menou
Création décor Les Mécanos de la Générale
Crédit photographie Almaïm

Production En Votre Compagnie
Coproduction Théâtre du Montansier – Versailles, Théâtre Romain Rolland de Villejuif, Les Plateaux Sauvages, Communauté d’agglomération Mont-Saint-Michel – Normandie, Comédie Picardie

Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages et du 909, espace de transmission et de production artistique
Avec le soutien du Fonds SACD Théâtre

Projet soutenu par le Ministère de la Culture, la DRAC Île-de-France et la Région Île-de-France
Spectacle soutenu par l’ADAMI et le dispositif ADAMI Déclencheur

Théâtre de l’Atelier 
1 place Charles Dullin - Paris 18
Tél : +33 1 53 41 85 60



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.