Paris : 18 rue des Mathurins, curieuse façade d'inspiration mauresque, vestiges d'un ancien hammam de la Belle Époque - IXème

 


Une curieuse façade d'inspiration mauresque se dresse au 18 rue des Mathurins à l'angle de la rue Auber. Seul vestige d'un célèbre établissement de la Belle Époque, "Le Hammam, bains turco-romains", inauguré le 16 mars 1876, définitivement fermé en 1954, la bâtisse témoigne de l'orientalisme architectural, composante de l'éclectisme alors en vogue. Arcs outrepassés, fenêtres marquées par des entourages à claveaux alternés, motifs floraux sculptés, ferronneries ouvragées inspirées des moucharabiehs, elle évoque d'autres horizons, bien loin du Paris haussmannien du quartier de l'Opéra. Les deux architectes Albert Duclos (1848-1896) et William-Antoine Klein (1836-1915), interviennent en 1875 sur un terrain situé sur la rue Neuve-des-Mathurins qui deviendra rue-des-Mathurins en 1881. Dans ce même style orientaliste, ils signent l'Eden Théâtre édifié en 1883, esthétique de temple hindou et de bazar marocain, disparu en 1893, remplacé par l'actuel Athénée Louis Jouvet.

Lors de sa construction, Le Hammam de la rue des Mathurins répond à la fois au goût de l'orientalisme, diffusé par la peinture d'Ingres, Delacroix, Chassériau, mais également aux théories hygiénistes de la fin du XIXème siècle. Lieu de soins, de délassement et de mondanités, il est fréquenté par la bonne société, grands bourgeois et aristocrates, politiciens et capitaines d'industrie, banquiers et artistes. Les prospectus publicitaires vantent la présence d'une clientèle prestigieuse, le baron Henri de Rothschild, le duc d'Aumale, le duc de Montpensier, le prince de Galles futur Edouard VII, le prince Napoléon cousin germain de Napoléon III, ou encore le baron Haussmann et Léon Gambetta. Le hammam reçoit également les dames et leur réserve leur propre entrée, aujourd'hui disparue, au 47 boulevard Haussmann. 








A la fin du XIXème siècle, le nouveau quartier cossu développé sous le Second Empire autour de l'Opéra, se distingue par ses beaux immeubles d'habitation et la profusion de salles de spectacle, de cafés, de grands magasins et autres commerces de luxe notamment sur la place Vendôme, ainsi que le prestige des hôtels de voyageurs.  

Le Hammam de la rue des Mathurins, établissement dirigé par M. Bonnevaine, pratique des tarifs assez élevés. L'entrée seule coûte 5 francs, ou 3,50 francs avec abonnement. Les bains turcs proposent de nombreux services et prestations : étuves à air sec, massage et lavage, douches, piscine d'eau de source. M. Diot et sa brigade de masseurs "anglais, arabe et français" comme mentionné dans les réclames, personnel hautement qualifié, dispensent de nombreux soins. 

L'espace d'hydrothérapie, dans l'esprit du temps, inspiré notamment par les bains de mer, est animé par M. Raymond qui prodigue "douche écossaise ou froide, en pluie, en jet, en cercle, en bain de siège" et remèdes souverains contre "rhumatismes, goutte, scrofules, obésité", douleurs articulaires, problèmes dermatologiques et maladies respiratoires. Avec les salles d'inhalations sulfureuses, le hammam offre de résoudre les maux les plus divers, et même la terrible l'influenza qui fait des hécatombes.









Aux soins sont associés des prestations annexes, un buffet-restaurant prisé, un "Trinkhalle" un bar à eaux minérales, un salon de lecture pourvu de toute la presse internationale, une cave de prestige à laquelle s'ajoute une sélection de cigares et un salon de coiffure tenu par Lespès. 

Pour attirer les clients, des animations sont organisées. En 1884, des démonstrations de natation et des cours sont prodigués par des sportifs réputés. Deux soirs par semaine, les curieux ont la possibilité de visiter l'établissement pour la somme d'un franc afin d'apprécier la beauté des décors et de découvrir la pratique des bains turcs.

Le Hammam de la rue des Mathurins ferme définitivement en 1954. La rénovation qui suit à l'occasion d'un changement radical de vocation fait disparaître l'intégralité des décors intérieurs. La façade ouvragée est le dernier témoin de cet établissement célèbre en son temps.

Ancien Hammam
18 rue des Mathurins - Paris 9
Métro Opéra lignes 3, 7, 8



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme