Paris : Avenue Frochot, la cité très privée des artistes de la Nouvelle Athènes depuis le XIXème siècle - IXème


L'avenue Frochot voie privée inaccessible aux non-résidents, trottine en pente douce depuis le 26 rue Victor Massé, et s'achève en impasse sur le 3 place Pigalle, ancienne entrée condamnée. Au carrefour de trois voies du quartier de la Nouvelle Athènes, elle ouvre sur la place Gabriel Kaspereit, immortalisée par le réalisateur François Truffaut (1932-1984), dans une scène du film "Les Quatre-cents coups" en 1959. Le chemin pavé dessert une série cohérente de pavillons du XIXème siècle, pour la plupart construite lors du lotissement en 1836, sous la direction de Charles Picot (1795-1870), magistrat et spéculateur. Les règles de construction ont permis de préserver l'atmosphère hors du temps de l'avenue Frochot, large de sept mètres et bordée de trottoir. Les servitudes originelles de la copropriété limitent la hauteur du bâti à onze mètres. Obligation est faite de maintenir des jardins en façade ouverts sur la voie. La location chambres et appartements garnis est interdite ainsi que le placement d'écriteaux ou d'enseignes. La circulation des voitures y est limitée et le stationnement prohibé. L'unité de volume ne dispense pas de la diversité stylistique. Villas, hôtels particuliers, pavillons, proposent des variations néoclassiques, néorenaissances, néogothiques, palladiennes. Oasis de quiétude, prisée des artistes, l'avenue Frochot n'ouvre ses portes qu'à ses habitants. 








Le chemin pavé dessert une série cohérente de pavillons du XIXème siècle, pour la plupart construite lors du lotissement en 1836, sous la direction de Charles Picot (1795-1870), magistrat et spéculateur. Les règles de construction ont permis de préserver l'atmosphère hors du temps de l'avenue Frochot, large de sept mètres et bordée de trottoir. Les servitudes originelles de la copropriété limitent la hauteur du bâti à onze mètres. Obligation est faite de maintenir des jardins en façade ouverts sur la voie. La location chambres et appartements garnis est interdite ainsi que le placement d'écriteaux ou d'enseignes. La circulation des voitures y est limitée et le stationnement prohibé. L'unité de volume ne dispense pas de la diversité stylistique. Villas, hôtels particuliers, pavillons, proposent des variations néoclassiques, néorenaissances, néogothiques, palladiennes. Oasis de quiétude, prisée des artistes, l'avenue Frochot n'ouvre ses portes qu'à ses habitants. 

En juillet 1796, la nationalisation d'un domaine de 10 000m2 au pied de l'enceinte des Fermiers Généraux, libère un terrain déterminé par la rue Laval, actuelle rue Victor Massé, la rue de la République future rue Pigalle et le chemin de ronde de l'enceinte des Fermiers Généraux, actuel boulevard de Clichy. La Restauration (1814-1830) âge d'or des lotissements transforme radicalement le quartier de la Nouvelle Athènes. En 1824, deux hommes, Antoine Fortuné de Brack (1789-1850), général de l'armée française, théoricien militaire, et Charles Picot, magistrat, conseiller à la Cour d'appel de Paris, mènent une opération immobilière en rachetant des terrains compris entre la place Saint Georges et la place de la Barrière de Montmartre, future place Pigalle.

Sur les terrains réunis, Brack trace en 1826 une voie, dans le prolongement de la rue Bréda renommée rue Henry Monnier en 1905, dont elle devient un segment avant d'être détachée sous le nom de rue Brack, rue de la Nouvelle Athènes puis enfin rue Frochot. Au numéro 4 de cette rue se tient le cercle salon littéraire et artistique d'Apollonie Sabatier (1822-1890) au numéro 4. Ellereçoit Théophile Gautier, Charles Baudelaire et le peintre Joseph Ferdinand Boissard de Boisdenier, artistes rencontrés lorsqu'elle vivait sur l'île Saint Louis, l'hôtel Pimodan ou de Lauzun

Antoine Fortuné de Brack revend ses terrains vacants à Charles Picot en 1827. Ce dernier maintient un ilot homogène. Il choisit de lotir la portion au Sud en 1836 pour créer une cité privée desservie par une voie courbe bordée d'arbres. En 1839, Charles Picot poursuit le lotissement de son terrain. Le fond de parcelle vers la Barrière de Montmartre, actuelle place Pigalle est à son tour construit.







 L'hôtel particulier du 2 rue Frochot déployé entre la voie publique et la cité privée est édifiée en 1837. Il se caractérise par deux portes en ferronnerie, une terrasse balustrade ouvragée et une toiture en parapluie. La façade à pan coupé sur la placette s'orne d'un vitrail incurvé, à thématique marine inspirée de La vague d'Hokusai 1929. Cette oeuvre du peintre verrier Georges Hagnauer (1884-1967) est inscrite au titre des monuments historiques en 2003. Dans les années 1930, le pavillon devient un cabaret dancing chinois, le Shanghai. Les aménagements et les vocations se succèdent. La comédienne Paquita Claude et le metteur en scène André Villiers créent le Théâtre Rond en 1954. Il ferme en 1966. Un cercle de jeu, "Académie de billards des boulevards" prend sa place, suivi par une salle de réception la Villa Frochot puis un restaurant péruvien en 2020, la Villa Mikuna, tué dans l'oeuf par la pandémie. 

Au numéro 1 de l'avenue Frochot, se trouve une villa néogothique, édifiée en 1839 pour Rosalie Jeanne Hiss-Venier (1794-1867). Par la suite, elle devient le domicile de l'écrivain Ponson du terraille (1829-1871), puis du compositeur Victor Massé (1822-1884) et plus proche de nous du critique littéraire Matthieu Galley (1934-1986). La chanteuse Sylvie Vartan achète l'hôtel particulier au début des années 1980 mais n'y réside pas. Une légende urbaine tenace prétend que la maison est hantée par le fantôme d'une domestique assassinée au XIXème siècle. 




Débouché de l'avenue Frochot place Pigalle

Les numéros 3, 5 et 7 d'inspiration palladienne, voient le jour sur trois parcelles à bâtir voisines achetées en 1837 par l'avocat François Rosaz. Les pavillons sont édifiés en 1839 et 1842 par l'architecte Veniez sur les plans de Victor Courtiller, auteur notamment de l'immeuble néo-renaissance situé au 9 rue Victor Massé. Le dramaturge Paul Meurice (1818-1905) demeure au numéro 5. Il héberge Victor Hugo de retour d'exil en 1870. Le 5bis / 7 est occupée de 1850 à 1851 par un locataire aux abois, Alexandre Dumas. Ruiné après la faillite de son Théâtre historique sur le boulevard du Temple, l'homme de lettres a été contraint de vendre son domaine de Montecristo. En 1871, le violoniste et chef d'orchestre Charles Lamoureux (1834-1899) y trouve domicile. Les fils d'Auguste Renoir s'installent en 1937 au numéro 5. Pierre, acteur, au premier étage, Jean, réalisateur et scénariste, au deuxième. La cantatrice Régine Crespin (1927-2007) réside un temps au numéro 3. Le numéro 4, construit en 1838 pour Rosalie Lavaud, épouse de l'architecte Courtiller, est vendu en 1852. Le musicien Django Reinhardt (1910-1953) habite un temps au numéro 6.

Aux numéros 14 et 15, Théodore Chassériau (1819-1856), peintre romantique, installe son atelier en 1848. Il est rejoint en voisin par son ami Gustave Moreau (1826-1898) en 1851. En 1871, c'est le peintre Giovanni Boldini (1842-1931) qui s'y établit. Au numéro 15, se trouve le dernier atelier du peintre Toulouse-Lautrec (1864-1901) qui y demeure de 1898 à son décès. À ce numéro, l'Académie Frochot, de Jean Metzinger (1883-1956), destiné aux femmes artistes, devient en 1952 École normale de dessin. Au numéro 16, réside le chanteur Patrick Hernandez, homme d'un seul tube "Born to be alive".

Avenue Frochot - Paris 9
Métro Pigalle lignes 2, 12




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos
Le guide du promeneur 9è arrondissement - Maryse Goldemberg - Parigramme