Paris : Histoire condensée du Vème arrondissement, création, urbanisation, développement au coeur de la Capitale



L’histoire du Vème arrondissement s’inscrit dans celle de la rive gauche, son urbanisation dès le Ier siècle sous l’impulsion romaine. Les invasions barbares, les Huns, les Wisigoths, les Burgondes etc au Vème siècle puis les raids normands au IXème suspendent un temps cet essor qui ne reprend qu’au XIIème siècle. A cette époque, les nombreuses congrégations religieuses installées autour de la Montagne Sainte Geneviève fondent les premiers collèges. Le savoir dispensé par les érudits des grands prieurés, les chanoines et autres ecclésiastiques au sein de l’Université de Paris est reconnu par l’autorité royale de Philippe Auguste dès 1200. Lieu d’enseignement et de connaissance, le quartier où se parle le latin, appelé par métonymie le Quartier Latin, s’ancre définitivement au cœur de l’actuel Vème arrondissement. Terres universitaires propices aux intellectuels, ici sont fondées grandes écoles, facultés prestigieuses. Dès la fin du XVème siècle, le collège de la Sorbonne fait l’acquisition d’une presse à bras, mise au point par Johannes Gutenberg en 1454. C’est ici que l’imprimerie prend son essor en France. Le Vème arrondissement revendique encore de nos jours l’importance de ses maisons d’éditions, et de ses librairies universitaires. Cette activité persiste aujourd’hui malgré un déplacement vers le VIème arrondissement dès la fin du XIXème siècle et malgré l’extinction annoncée, alors que progresse la muséification de la ville et que les boutiques de prêt-à-porter de luxe convoitent les emplacements dédiés à l’érudition. 

Les limites actuelles du Vème arrondissement ont été déterminées par le décret de 1860, en accord avec la loi du 16 juin 1859 d’annexion des communes limitrophes au territoire de la ville de Paris. Le découpage administratif détermine alors vingt nouveaux arrondissements. Le Vème arrondissement regroupe quatre quartiers Saint Victor, Jardin des Plantes, Val de Grâce et Sorbonne, et comprend la majeure partie de l’ancien Quartier Latin. Touristique le Vème arrondissement séduit les familles par ses espaces de promenade à l’instar du Jardin des Plantes et les étudiants par ces quartiers animés le soir comme la rue Mouffetard. Petite histoire condensée du Vème arrondissement. 



Collège des Bernardins - Paris 5

Lycée Henri IV - rue Clovis - Paris 5


Sur les rives de la Seine, le long du Vème arrondissement actuel, les premières traces d’occupation humaine datent du Néolithique moyen. Les fouilles archéologiques autour du Port Saint Bernard à la fin des années 1980 lors de la transformation du port en espace vert ont mis à jour des outils de pierre taillée. Dans « La guerre des Gaules » en 52 avant JC, Jules César mentionne Lutèce, oppidum de la tribu celte des Parisii, sur l’île de la Cité. A la suite la conquête romaine, sous les auspices apaisés de la pax romana, la ville prend de l’ampleur et s’étend sur la rive gauche. Au Ier siècle, le centre du pouvoir demeure sur l’île de la Cité. Sur la rive gauche, séparée par le cours du fleuve, la ville nouvelle se déploie le long du cardo maximus du Nord au Sud, sur le tracé de notre actuelle rue Saint Jacques. 

Le site naturel présente des aspects intéressants. La colline, au pied de laquelle sinue la Bièvre, affluent de la Seine, affirme sa pente au Nord, tandis qu’au Sud, elle s’étend sur le plateau qui mène au Mont Parnasse. Autour du mons Lucotitius, future montagne Sainte-Geneviève, de nombreux bâtiments, témoignages de la prospérité de la cité gallo-romaine voient le jour. Les fouilles archéologiques menées à partir de 1847 alors que s’annoncent les grands travaux du baron Haussmann précisent les Thermes de Julien dont les vestiges attenant à l’Hôtel de Cluny, apparents depuis la rue, et révèlent les thermes de l’Est sous le Collège de France, les arènes de Lutèce mises à jour lors du percement de la rue Monge, le grand forum disparu, centre de la vie civique, entre les actuelles place Edmond Rostand et rue Soufflot, ainsi qu’un amphithéâtre au niveau du boulevard Saint Michel. Sous la gare RER de Port Royal, se trouve une grande nécropole, implantée au sud de Lutèce au IIe siècle de notre ère.


Panthéon - place des Grands Hommes - Paris 5

Angle des rues Galande et Saint Julien le Pauvre - Paris 5


Les invasions germaniques du IIIème siècle affectent le développement de la rive gauche. La ville y régresse. Au IVème siècle, le pouvoir romain se replie sur l’île de la Cité. Vers 310, Lutèce devient Paris. A cette époque, au Nord de l’actuelle place de la Contrescarpe, autour des églises paroissiales, les bourgs Saint Marcel et Saint Médard s’étendent le long de la Bièvre et prennent de l’ampleur grâce à la voie romaine dont les traces ont été redécouvertes à l’occasion de fouilles archéologiques autour de la rue Mouffetard. Au Faubourg Saint Marceau prend place une grande nécropole gallo-romaine, abritant la tombe de saint Marcel neuvième évêque de Paris. 

En 451, alors que la ville semble menacée par les Huns d’Attila, la future sainte Geneviève galvanise les habitants par ses prières. Les guerriers nomades ont un rendez-vous belliqueux avec les Wisigoths aux alentours d’Angoulême. Ils contournent Paris. La cité est sauvée. Geneviève bientôt canonisée et désignée comme sainte patronne de la ville à partir du XIIème siècle. Le roi Clovis (vers 466-511), converti au christianisme, baptisé à Reims en 496 par saint Remi, couronné roi des Francs en 481, établit le pouvoir central de son royaume à Paris sur l’île de la Cité. En 508, le souverain envisage la création au sommet du mons Lucotitius, colline plantée de vignes, de la basilique des Saints Apôtres de Paris attenante à un monastère, plus ou moins à l’emplacement d’un ancien temple dédié à Bacchus. 

Charlemagne (742-814) déplace le centre du pouvoir de la dynastie carolingienne à Aix-la-Chapelle. Au cours du IXème siècle, les invasions Viking meurtrissent la ville et particulièrement la rive gauche. Au cours siège de Paris par les Normands entre 885 et 886, les infrastructures de la rive gauche autour de la Montagne Sainte Geneviève sont dévastées. Au Bourg de Saint Médard, la nécropole chrétienne et la collégiale sont rasées par les Normands. Les bâtiments religieux de la congrégation des Saints Apôtres de Paris sont incendiés par les Normands lors d’un raid vers 863, puis rasés lors du long siège en 885. A la suite de ces ravages, le territoire de la rive gauche et du Vème arrondissement connait une période de suspens, boudé au profit de la rive droite. 

Au début du XIIème siècle, Louis VI le Gros (1081-1137) puis Louis VII le Jeune (1120-1180) et leur conseiller l’abbé Suger (1080-1151) qui préside à la reconstruction de la basilique Saint Denis https://www.parisladouce.com/2018/01/paris-basilique-saint-denis-histoire-et.html redonnent à Paris ses lettres de noblesse. La ville est à nouveau la capitale du royaume et le centre du pouvoir monarchique. Le monastère des Saint Apôtres devient abbaye Sainte Geneviève lors de sa reconstruction vers le XIIème siècle sous l’impulsion d’Etienne de Tournai. Elle est placée sous l’autorité de l’Ordre de Cluny. Guillaume de Champeaux (1070-1121), professeur à l'École cathédrale de Paris fonde l'abbaye Saint-Victor en 1109, à l’emplacement de l’actuelle faculté des sciences. L’établissement des congrégations religieuses et des collèges marquent le renouveau de la rive gauche.  


Val de Grâce depuis la place Alphonse Laveran - Paris 5

Rue Lalande - Paris 5


A la fin du XIIème siècle, début du XIIIème siècle, l’enceinte Philippe Auguste édifiée à partir de 1190 rive droite, de 1200 à 1215 rive gauche assure la défense de Paris. La muraille détermine l’expansion et l’urbanisation du territoire du Vème arrondissement, jusqu’à la démolition au XVIème siècle. Elle englobe alors les actuelles rues de l’Estrapade, Descartes, du Cardinal Lemoine. La voirie conserve la mémoire des anciens fossés du rempart, la rue des Fossés-Saint-Bernard, la rue des Fossés-Saint-Jacques et la rue Monsieur-le-Prince, ancienne rue des Fossés Monsieur le Prince. Les portes principales de la ville parmi lesquelles la porte Sainte Jacques scande l’enceinte Philippe Auguste au niveau de l’actuel boulevard Saint Michel. 

En 1204, le monastère de Port Royal des Champs, abbaye cistercienne féminine, voit le jour. Haut lieu de la réforme catholique au XVIIème siècle, symbole de la controverse janséniste, l’abbaye est rasée en 1710 sur l’ordre du Conseil d’État. Entre le XIIIème et le XIVème siècle, les habitations s’agrègent et forment ville autour des églises paroissiales, Saint Etienne du Mont, Saint Séverin, Saint Julien le Pauvre, Saint Etienne des Grès démolie en 1792 emplacement actuelle rue Cujas, Saint Benoît le Bétourné rasée lors du percement de la rue des Écoles au XIXème siècle. Les congrégations religieuses savantes se multiplient : le collège des Bernardins en 1248, le couvent des Jacobins rue Saint Jacques en 1218, l’abbaye de Sainte Geneviève relevée. L’Université de Paris est reconnue par Philippe Auguste en 1200 et par le pape Innocent III en 1215 via son légat Robert de Courçon (1160-1218) ecclésiastique anglais qui obtient une licence d’enseigner. Robert de Sorbon (1201-1274) fonde le collège de Sorbonne vers 1254, l’un des établissements les plus célèbres de l’Université de Paris. 

Au XIVème siècle, les paroisses Saint Médard et Saint Marcel, sur le flanc oriental de la Montagne Sainte Geneviève demeurent très champêtres. Les grands seigneurs y acquièrent des domaines en guise de villégiatures. Le domaine indiqué au XVème siècle sous le nom de « Séjour d’Orléans » s’étend de l’angle des actuelles rues Mouffetard et Daubenton et se prolonge jusqu’à la rue Censier. Propriété en 1356 du duc de Berry, frère de Charles V, il revient à la reine Isabeau de Bavière qui en fait cadeau en 1388 au duc Louis d’Orléans, frère de Charles VI, assassiné par les sbires de Jean sans Peur en 1407. A partir du XVIème, le fief morcelé disparaît progressivement jusqu’à la dernière vente d’un terrain loti en 1663.

Sur le flanc Nord de la Montagne Sainte Geneviève les collèges français et étrangers participent du rayonnement de la ville à travers toute l’Europe. Les maîtres prestigieux y enseignent tels qu’Albert le Grand (circa 1200-1280) frère dominicain allemand, philosophe, théologien, chimiste et son disciple Thomas d’Aquin (1225-1274) dominicain italien, considéré comme l’une des maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique, le "prince des scolastiques".


Panthéon depuis la rue Soufflot - Paris 5

Église Orthodoxe Roumaine des Saints-Archanges rue Jean de Beauvais - Paris 5


Inspiré par diverses inventions technologiques asiatiques, Gutenberg conçoit la première presse à bras en 1434. Le Collège de Sorbonne de l’Université de Paris se dote de l’une d’entre elle dès la fin du XVème siècle initiant ainsi les débuts de l’imprimerie parisienne. L’activité des imprimeurs et éditeurs se regroupe autour de la rue Saint Jacques, activité qui participe de l’essor du quartier mais peu à peu se déplace vers l’Ouest, territoire de l’actuel VIème arrondissement. 

Au bourg Saint Marcel traversé par l’affluent de la Seine, la Bièvre une industrie moins prestigieuse mais tout aussi essentiel se développe. Teinturiers et blanchisseurs, notamment la famille Gobelin qui fait fortune, s’installent le long du cours de la rivière, sur la rive qui correspond à notre actuel XIIIème arrondissement. A la fin du XVème autour de notre actuelle rue Mouffetard, le bourg Saint Médard s’urbanise à l’occasion du démantèlement, du morcellement des anciens domaines aristocratiques dont les terrains sont lotis. Au Sud de notre actuel Vème arrondissement, au-delà de l’enceinte Philippe Auguste, demeurent de nombreuses terres maraîchères autour de l’église Notre Dame des Champs et de la commanderie des Hospitaliers de Saint Jacques du Haut Pays.

Au XVIème siècle, le futur Lycée Louis le Grand, collège jésuite est fondé en 1550 au sein de l’hôtel de Guillaume du Prat, évêque de Clermont. Institution du savoir, le Collège de la Compagnie de Jésus, reçoit la protection du roi à partir de 1618. En 1762, le collège de Clermont devient collège Louis-le-Grand. Son nom varie au gré des régimes politiques, collège Napoléon, collège royal ou impérial, pour adopter aujourd’hui celui de Lycée Louis-le-Grand. 

Au début du XVIIème siècle, les congrégations religieuses féminines dont les noms perdurent dans la voirie parisienne se multiplient grâce à la protection du roi autour du Faubourg Saint Jacques, les Carmélites, les Feuillantines, les Ursulines, les Visitandines, les Bénédictines du Val de Grâce. A la fin du XVIIème l’ancienne enceinte Philippe Auguste, qui perdure rive gauche alors qu’elle a disparu remplacée par l’enceinte Charles V puis l’enceinte Louis XIII rive droite, est abattue. Cette destruction libère les frontières du Quartier Latin notamment au niveau de l’actuel carrefour de l’Odéon et détermine l’expansion de la ville par l’urbanisation fluide d’anciens terrains agricoles. 

En 1764, Louis XV (1710-1774) pose la première pierre d’une église monumentale rattachée à l’abbaye de Sainte Geneviève au sommet de la colline, qui affiche pour vocation la conservation de la châsse de la sainte patronne de Paris. L’architecte Jacques Germain Soufflot (1713-1780) est relayé à sa disparition par Jean Rondelet (1743-1829) qui se consacre au futur Panthéon de 1770 à 1812. En 1792, la nationalisation des biens du Clergé, l’abbaye de Sainte Geneviève dissoute, l’église en chantier est reconvertie en temple laïque, mausolée pour honorer les grands hommes de la Nation reconnaissante. Le Club des Égaux y tient concile. Au cours de la Révolution, le Quartier Latin abrite un nombre important de clubs révolutionnaires. Le découpage administratif de 1860 place la plupart de ces foyers de réflexion dans le VIème arrondissement, club des Cordeliers rue de l’École de Médecine, café le Procope Marat, Danton, Desmoulins. Dans l’enceinte de l’ancienne abbaye de Sainte Geneviève, l’École du Panthéon est fondée en 1789. Devenue école Napoléon sous l’Empire, elle prend le nom Collège royal Henri IV sous la Restauration et connaîtra quelques revirements avant de devenir l’actuel Lycée Henri IV. Dès 1794, la Convention créé l’École centrale des travaux publics futures Polytechnique, École Normale Supérieure, le Muséum d’histoire naturelle, École spéciale des langues orientales et signe un renouveau intellectuel du quartier.


Rue Saint Julien le Pauvre - Paris 5

Place de la Contrescarpe - Paris 5


Les barricades des journées révolutionnaires de juin 1848 et de la Semaine sanglante de la Commune en mai 1871, déterminent un plan de transformation de la rive gauche. Les percées haussmanniennes du XIXème préservent une grande partie du patrimoine historique et architectural malgré l’ampleur des opérations d’aménagement. Les vastes boulevards tracés à travers le tissu urbain médiéval reprennent le dessin des anciennes voies romaines, boulevard Saint Germain et Saint Michel de 1855 à 1866 du Nord à l’Ouest. De 1859 à 1864, le chantier de la rue Monge, au pied de la Montagne Sainte Geneviève jusqu’au carrefour des Gobelins et le boulevard Saint Marcel, révèle le site des arènes de Lutèce. 

La rue Saint Jacques, ancien axe majeur du Nord au Sud, cardo maximus de la cité gallo-romaine est élargie lors de la construction de la nouvelle Sorbonne entre 1893 et 1897, et de la nouvelle façade du lycée Louis-le-Grand entre 1895 et 1898. L’ouverture de la rue des Écoles 1852-68 et de la rue Gay-Lussac 1859-64 simplifient le réseau des ruelles. Entre 1857 et 1867, le percement du boulevard de Port Royal met à jour de nouveaux éléments archéologiques gallo-romains parmi lesquels une nécropole du IIème siècle. Les grands travaux achevés à partir de 1875, laissent la place à de vastes entreprises immobilières et la spéculation idoine.

Au XXème siècle, l’histoire du Vème arrondissement est marqué par les combats pour la Libération de Paris en août 1944. En mai 1968, le Quartier Latin devient le foyer de la révolte étudiante, où se déploient de nombreuses barricades notamment celle de la rue Gay-Lussac. La Sorbonne est occupée. Désormais une tradition.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 




Place de la Sorbonne - Paris 5