Expo Ailleurs : La Pietà de Conrad Meit, retour au Monastère royal de Brou - Bourg-en-Bresse - Jusqu'au 15 octobre 2023

 

Le Monastère royal de Brou accueille jusqu'au 15 octobre 2023, la Pietà de Conrad Meit (1470 ou 1485 - circa 1550), sculpteur officiel de Marguerite d'Autriche (1480-1530), fondatrice du monument. L'oeuvre réside d'ordinaire dans une chapelle de la Cathédrale Saint-Jean de Besançon, dédiée à Notre-Dame-des-Douleurs, objet d'une vaste campagne de rénovation jusqu'en 2024. Restaurée entre 2019 et 2023 sous la houlette d'un comité d'experts scientifiques, la statue en albâtre du Jura se trouvait momentanément privée de résidence. La direction du Monastère de Brou a donc proposé à la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) de Bourgogne-Franche-Comté, de l'accueillir en son sein, le temps d'un prêt exceptionnel. 

Exposée dans l'abside de l'église Saint Nicolas de Tolentin où se trouvent d'autres réalisations emblématiques de Meit, les tombeaux de Marguerite d'Autriche et son époux Philibert II de Savoie dit le beau (1480-1504) ainsi que celui de de Marguerite de Bourbon (1438-1483), mère de Philibert II, la Pietà fait ici l'objet d'une monstration dans les lieux même de sa création, il y a cinq siècles. Ce placement en regard d'oeuvres dont la vocation originelle n'était pas de cohabiter dans un même espace initie un dialogue pertinent sur la pratique de l'artiste. Une vidéo et des supports pédagogiques déployés dans la chapelle Antoine de Montcut, au début du parcours de visite de l'église Saint Nicolas de Tolentin, complète le dispositif. Une visite-conférence se tiendra le 6 octobre 2023, à l'occasion de la journée de célébration du jumelage de la ville de Bourg-en-Bresse avec Bad-Kreuznach. 

La saison 2023 marque le centenaire de l'installation du musée des Beaux-Arts de Bourg-en-Bresse dans les murs du Monastère royal de Brou. Les célébrations de cet anniversaire, lancées en octobre 2022, suivent une riche programmation culturelle ouverte sur les arts et le spectacle vivant. Le Monastère expose notamment la Pietà de Conrad Meit du 18 mars au 15 octobre 2023.









Établi à Brou en 1532, le testament de l'abbé Antoine de Montcuq est le seul document à faire mention de la Pietà de Conrad Meit au sein même du monastère. Cette pièce précise l'intention du commanditaire, que le groupe rejoigne l'abbaye bénédictine Saint Vincent de Besançon. Les chercheurs rencontrent aujourd'hui certaines difficultés à déterminer l'emplacement originel exact de l'oeuvre. 

Conrad Meit débute son travail sur l'albâtre du Jura destiné aux gisants de Brou en 1525. Selon les archives à disposition, il aurait été contraint d'attendre deux années l'arrivé de blocs de marbre destinés aux tombeaux. Temps mis à profit par l'acceptation d'une nouvelle commande, la fameuse Pietà dont la période de conception imprécise faute de source avérée, est estimée entre 1526 et 1531. 

Sur la thématique classique des sept douleurs de la Vierge, Conrad Meit compose une Pietà en trois figures, configuration rare. La Vierge de Pitié pleure son Fils mort, tandis qu'un Ange mélancolique veille sur la scène. Le sculpteur s'inspire alors d'une oeuvre perdue du peintre Andrea del Sarto (1486-1530), tableau dont il aurait pris connaissance selon les sources, par le biais d'une gravure de 1516 signée Agostino Veneziano, ou bien d'une copie peinte. Les connaissances actuelles établissent avec quasi certitude l'exécution de la Pietà de Conrad Meit au sein de l'atelier de sculpture du chantier de Brou.  

Assisté de Thomas Meit, son frère, et deux praticiens florentins, le "Michel-Ange allemand" réalise ce chef-d’œuvre dans l'albâtre issu de la carrière de Saint-Lothain, abandonnée au XVème siècle et rouverte à l'occasion du chantier de Broi. Ce matériau symbole du patrimoine naturel de la région Bourgogne-France-Comté déploie des qualités plastiques étonnantes. Fragile, friable, soluble dans l'eau, la matière d'une éclatante blancheur parcourue de veines d'argile, possède un velouté particulier, effet conjugué de l'humidité lors de la taille initiale et des aléas du temps.

Antoine de Montecut, aumônier de Marguerite d'Autriche, abbé de saint-Vincent de Besançon, s'enquiert auprès de l'artiste de la réalisation d'une sculpture dès 1520. Lorsque Conrad Meit quitte le Monastère de Brou en 1532 pour le chantier de l'église des Cordeliers de Lons-le-Saunier, l'oeuvre demeure inachevée sans qu'une raison précise à cet état nous soit parvenue. La Pietà, manifestement déplacée selon le souhaite de son commanditaire vers Besançon, semble disparaître des archives pour réapparaître au XIXème siècle. Jules Gauthier, membre éminent de la Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des départements, auteur de "L’église abbatiale de Montbenoît" (1897), "L’abbaye de Saint-Vincent de Besançon : son église, ses monuments et leur histoire" (1902) la mentionne dans ce dernier ouvrage. 







En 2019, la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) de Bourgogne-Franche-Comté lance un programme d'étude et de diagnostic afin de mener une restauration d'envergure et d'acquérir de nouvelles connaissances scientifiques au sujet de la Pietà de Conrad Meit. Un comité scientifique franco-allemand pluridisciplinaires, associant les musées de Besançon, du Louvre et de Munich, les Universités de Franche-Comté et d’Heidelberg, le laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), la conservatrice du Monastère royal de Brou, Magali Briat-Philippe, encadre le processus. Les recherches ont permis de croiser analyses géochimiques, sources historiques, autant d'élément susceptible d'aider à affronter les problèmes de conservation, traiter les altérations de surface et de structure les plus conséquentes. Encrassements variés, manifestations classiques d'une exposition à l'air libre, taches jaunes de détergent inadaptés, 

La Pietà de Conrad Meit rejoint Lyon où la restauration pratique est confiée en 2022 à Fanny Grué et Jennifer Vatelot. Elle s'achève début 2023. L'itinérance de l'oeuvre inspire la direction du Monastère de Brou qui propose à la DRAC d'accueillir la statue. La conjonction d'évènements permet de développer une exposition, sur les lieux de taille de la Pietà. Elle rejoint alors le chœur de l'église Saint Nicolas de Tolentin en regard des gisants, autres compositions de Conrad Meit. 

Inachevée au XVIIème siècle, la Pietà subit de nombreuses altérations plus ou moins heureuses, plus ou moins volontaires au cours des siècles. L'une des jambes du Christ est transformée. Les nez repris. Les mains abîmées n'ont peut-être jamais été complétées. Se pose dès lors la pertinence de remédier aux manques. Difficulté spécifique, le groupe aux volumes exceptionnels se compose de deux blocs indépendants, la Vierge et le Christ d'une part, élément haut d'1m75, lourd de 800kg, l'Ange de l'autre, figure plus modeste de 200 kg. La partie haute a été remontée au XIXème siècle d'une dizaine de centimètres, déséquilibrant l'ensemble. Les scientifiques et les restauratrices se sont attachés à retrouver la position exacte des deux blocs afin d'en assurer la stabilité par une connexion aussi parfaite qu'originelle. 

La Pietà de Conrad Meit
Jusqu'au 15 octobre 2023

Chœur de l'Église Saint Nicolas de Tolentin
63 boulevard de Brou - 01000 Bourg-en-Bresse
Tél : 04 74 22 83 83
Horaires : Du 1er octobre au 31 mars de 9h à 12h et 14h à 17h - Du 1er avril au 30 juin de 9h à 12h30 et de 14h à 18h - Du 1er juin au 30 septembre de 9h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.