Expo Ailleurs : Irving Penn. Chefs-d'oeuvre de la collection de la MEP - Les Franciscaines - Deauville - Jusqu'au 28 mai 2023

 


Le photographe américain Irving Penn (1917-2009) fait l’objet d’une exposition inédite aux Franciscaines en collaboration avec la Maison Européenne de la Photographie. La ville de Deauville  entretient un lien particulier avec la pratique photographique célébrée chaque année à l’occasion de son festival Planches Contact. Cinq années après la grande rétrospective consacrée à Irving Penn au Grand Palais, ce nouvel événement monographique s’inscrit dans une démarche culturelle résolument tournée vers cet art. Les Franciscaines exposent pour la première fois l'intégralité des cent-six tirages originaux qui composent le fonds Penn de la MEP, plus importante collection européenne consacrée à l’œuvre de cet artiste.  « Irving Penn. Chef-d’œuvre de la collection de la MEP » retrace l’itinéraire du photographe, de ses débuts en 1939 jusqu’aux derniers travaux en 2007. Le parcours scénographié autour des grandes séries emblématiques illustre avec verve la puissance d’une esthétique millimétrée, reconnaissable au premier regard.

Irving Penn a marqué l'histoire de la photographie en imposant un vocabulaire plastique fort. De son amour pour la peinture, le photographe a conservé un art unique de la composition. Sa virtuosité s’inscrit dans une grammaire rigoureuse à laquelle répond une fantaisie formelle, une inventivité remarquable pas dénuée d’humour. Détournant les codes de son époque, il se réapproprie la pratique, imposant sa patte, studio, lumière naturelle, fond neutre. Aux incontournables images de mode - Irving Penn collabore avec le magazine "Vogue" durant plus de soixante ans - l’exposition confronte les premiers clichés dans les rues de New York en 1939, les travaux de portraitiste et des suites moins connues. Anonymes croisés dans la rue, personnalités du monde des arts, des lettres, de la chanson, Picasso, Colette, Bacon, Cocteau, Piaf, Irving Penn capture l’essence de ses modèles avec une empathie, une humanité rare. Les aspects esthétiques et sociétaux des images soulignent la profondeur d’une démarche complexe. Les Nus sculpturaux et les improbables natures mortes, mégots de cigarette et chewing-gums, rendent compte de projets personnels menés en parallèle des commandes.








« Irving Penn. Chef-d’œuvre de la collection de la MEP » est le fruit d’une collaboration entreprise par deux institutions sœurs, dont la coopération a été facilitée grâce à Olivier Bourdelas, mécène des deux établissements. Les Franciscaines, inaugurées en 2020, et la Maison Européenne de la Photographie, partagent une mission similaire de diffusion de la culture et un tropisme particulier pour le médium photographique. 

La MEP, fondée en 1996, est le premier établissement français public dédié à la photographie. Irving Penn appartient au groupe exclusif des figures tutélaires qui constituent le socle des collections permanentes originelles. Dès les années 1990 Jean-Luc Monterosso, premier directeur de la MEP et Pascal Hoël responsable des collections et commissaire de l'exposition qui se tient aux Franciscaines, marquent leur intérêt pour l'oeuvre de Penn malgré les préjugés qui stigmatisent alors la photographie de mode. Les deux hommes valident l’acquisition d'un premier ensemble. Le photographe encourage l’initiative et renchérit par un don important. 

En 2019, la MEP compte soixante-trois photographies d'Irving Penn dans ses collections permanentes. Afin que le fonds détenu par l’institution puisse donner lieu à une rétrospective cohérente. Tom Penn et la Fondation Irving Penn complètent l’échantillon représentatif par quarante-six nouveaux tirages originaux, spécifiques des différentes suites. Présenté pour la première fois dans son intégralité aux Franciscaines, cet ensemble unique retrace la totalité de sa carrière depuis la fin des années 1940 jusqu'à 2009 et ses derniers clichés pour Vogue.








« Irving Penn. Chef-d’œuvre de la collection de la MEP » rend compte des différentes facettes de son talent, les grandes séries qui rythment le parcours de cet artiste prolifique. Dans sa jeunesse, il formule le souhait de devenir peintre avant de se révéler par la photographie. En 1939, premier Rollofleix en main, il parcourt les rues de New York et le Sud des États-Unis. Très tôt, il établit des principes fondateurs d’un style qui traduit l’importance de la composition et des sujets. Exigence radicale et anticonformisme joyeux, Irving Penn se pose à rebours des stéréotypes de son époque. Il fait le choix définitif du dépouillement, de l'épure du studio, de la lumière naturelle et de l’emploi de fonds neutres, papier uni, rideaux de théâtre, simples cloisons. Son souci constant de précision, sa méticulosité sert la créativité formelle. 

Passionné par la technicité de la pratique, Irving Penn expérimente au laboratoire de développement. A partir de 1964, il remet au goût du jour le procédé platine palladium du XIXème siècle, artisanal, complexe, grâce auquel il réalise des tirages couchés à la main. « Je me suis mis à aimer ce qui se produit quand on applique à la main sur un bon papier des couches de ces métaux remarquables. Le plaisir que je prends à manipuler ces substances m’encourage à chercher des sujets qui me permettront de tirer le meilleur parti de ces possibilités. ». Cette technique coûteuse procure une profondeur particulière, déploie un vaste éventail de tonalités marquées, des nuances de gris uniques et une stabilité des tirages dans le temps.









Tout au long de sa carrière Irving Penn alterne commandes et projets personnels. Lors de ses voyages professionnels, il s’autorise des échappées pour aller à la rencontre des populations locales que ce soit les indiens du Pérou, les femmes du Cameroun, les hippies de San Francisco, les bikers texans. En 1950, à Paris, réputation déjà bien établie, il photographie les créations des grands couturiers dans son studio rue de Vaugirard. L’espace au dernier étage est éclairé par une verrière zénithale. Aidé par ses amis, le photographe Robert Doisneau et le poète Jean Giraud, il recrute des modèles anonymes dans le très populaire quartier Mouffetard. 

Dans le cadre de la série les Petits Métiers, Irving Penn fait poser contre rémunération vendeuse de ballon, chiffonniers, ramoneurs dans leur tenue de travail avec les ustensiles, accessoires caractéristiques de leur fonction. Noir et blanc contrasté, lumière diffuse, pour tout décor un rideau de théâtre de récupération. Après son départ de France en 1951, Irving Penn poursuit la série à Londres et New York. Il réalise plus de deux-cent-cinquante portraits d'ouvriers, d'artisans, colporteurs, vendeurs des rues, autant de métiers amenés à disparaître dès la fin des années 1960. 








Les artistes newyorkais de l'après-guerre, Martha Graham, Georgia O'Keeffe, Marcel Duchamp, Francis Bacon, se presse dans son studio. Aux Franciscaines, la belle série de portrait de 1947 à 1996, illustre l’humanité de sa pratique, la diversité de ses sujets, célébrités, artistes ou anonymes, traduit une curiosité sincère pour l'autre, pour l'altérité.  « Une bonne photographie est celle qui communique un fait, touche le cœur du spectateur et le transforme. En un mot, c’est une photographie efficace ». Irving Penn noue un lien avec son modèle, instaure une relation de confiance afin d'obtenir une profondeur dans le regard, une spontanéité, une variété de poses qu’elles soient extravagantes ou naturelles, reflet de la personnalité de chacun. 

Collaborateur durant soixante ans du magazine Vogue et sporadiquement d’Harper's Bazaar, Irving Penn invente l’imagerie de la mode et de la beauté moderne. Il s’intéresse à la dimension sculpturale des corps, des visages. Les nombreuses références à l'histoire de l'art lancent des ponts plus ou moins évidents entre les pratiques plastiques, esthétiques.  








Avec sa série de Natures mortes (1947-2007), Irving Penn mène une réflexion sur les objets du quotidien, leur plasticité jusqu’à trouver de la beauté dans la ligne d’un mégot de cigarette, le magma d’un chewing-gum mâché.  Ses Nus (1949-1967), aux corps détachés des normes esthétiques de son temps, convoque la puissance des Vénus du Paléolithique. En 1967, le ballet de de San Francisco, troupe alors dirigée par Anna Halprin, créé une chorégraphie autour de la thématique du bain pour le Wassworth Atheneum de Hartford.  Pour la série "Le bain », Irving Penn photographie nus les danseurs dans des compositions qui évoquent les danseuses de Degas, les figures de Poussin.

Irving Penn. Chefs-d’œuvre de la collection de la MEP
Jusqu'au 28 mai 2023

Commissariat : Pascal Hoël, Responsable des collections de la MEP et Frédérique Dolivet, Adjointe du Responsable des collections de la MEP

Les Franciscaines
145 b avenue de la République - 14800 Deauville
Accueil : 02 61 52 29 20
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h30 à 18h30 - Fermé le lundi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.