Ailleurs : Retable de la Passion, de Caspar Isenmann, chef-d'oeuvre des collections XVème siècle du Musée Unterlinden - Colmar

 

Le Retable de la Passion, oeuvre de l’artiste alsacien Caspar Isenmann conservée au Musée Unterlinden de Colmar, a été entièrement restauré à l’occasion de la réouverture des salles dédiées au XIVème et au XVème siècles. Destiné au maître-autel de la collégiale Saint Martin, le polyptique en bois peint est exécuté entre 1462 et 1465. A la suite d’un accident survenu en 1720, une partie des panneaux est irrémédiablement endommagée. Le Musée Unterlinden présente l’oeuvre fragmentaire consacré au cycle de la Passion du Christ aux côtés d’une maquette la reconstituant dans son intégrité originelle. La muséographie y ajoute un agrandissement du contrat passé en 1462 entre les chanoines de la Collégiale Saint Martin et Caspar Isenmann.







Malgré la célébrité du Retable de la Passion, le destin de Caspar Isenman demeure obscur. Les rares éléments biographiques connus nous sont parvenus grâce aux archives de la ville et de la Collégiale Saint Martin. Né vers 1410 à Colmar, mort après 1480, son nom « Caspar, peintre » est mentionné en 1433 sur un premier document, une quittance relative à la peinture de la Table à calculer municipale. En 1436, il accède à la bourgeoisie. A partir de cette époque, il semble qu’il ait fondé son propre atelier, au sein duquel Caspar Isenmann aurait peut-être été l’un des maîtres de Martin Schongauer dans les années 1460. Le peintre est inscrit au registre des pensions de Saint Martin à la suite de la réalisation du retable pour la collégiale Saint Martin, son chef-d’œuvre réalisé entre 1462 et 1465.

Les chanoines de Saint Martin confient à Caspar Isenmann, peinture et dorure du polyptique en bois de résineux monté et sculpté, selon les termes d’un contrat établi en 1462. Cet acte documente les circonstances de la création de cette oeuvre, rare témoignage des échanges entre commanditaires et artiste au XVème siècle. Au revers des panneaux, les dates inscrites attestent de la période d’exécution. Les faces principales du retable illustrent les Scènes de la Passion du Christ. Au verso, Isenmann a peint des figures de saints. L’oeuvre est installée dès son achèvement dans le chœur de la collégiale Saint Martin.

En 1720, un effondrement accidentel du retable, dont les circonstances sont détaillées au revers du contrat de 1462, endommage les panneaux. Le polyptique désormais lacunaire quitte le chœur pour une travée moins prestigieuse de la collégiale avant d’être transféré en 1793 vers l’ancien collège des Jésuites de Colmar devenu Musée national à la Révolution. Le retable de la Passion rejoint les collections du Musée Unterlinden lors de sa création en 1883 au sein de l’ancien couvent des Dominicaines. 








Les sept panneaux intacts du Retable, « L’Entrée du Christ à Jérusalem et la Dernière Cène », « L’Arrestation de Jésus », « La Flagellation », « Le Couronnement d’épines », « La Déploration et la Mise au Tombeau », « La Résurrection » éclairent un style propre à l’art d’Isenmann. Il y exprime un sens de la mise en scène et du récit particulièrement développé. Les physionomies démonstratives des personnages, dont les traits semblent déformés jusqu’à la caricature par les sentiments divers, viennent renforcer cette impression de narration précise. 

Les caractéristiques de l’oeuvre, notamment les fonds d’or et l’expressivité outrée des protagonistes, se rapprochent du vocabulaire plastique du gothique international, phase tardive de l’art gothique développée à travers les territoires franco-flamands, en Bourgogne, en Bohême et dans le nord de l'Italie entre la fin du XIVème siècle et le début du XVème siècle. Outre l’influence flamande sur les écoles picturales du Rhin supérieur, Jean de Malines, dont le passage est attesté à Colmar entre 1460 et 1464, aurait orienté les recherches esthétiques dans les ateliers de la ville.







Le Retable de la Passion signé Caspar Isenmann initie une grammaire qui préfigure la symbiose entre la tradition germanique et le courant flamand. Le peintre conçoit des effets de monumentalité même dans les formats réduits. Ses expérimentions formelles retranscrivent avec justesse l’énergie du mouvement. Les effets de profondeurs portent des compositions dynamiques où les vastes paysages s’élargissent sur des perspectives lointaines ponctuées de collines, de bouquets d’arbres.  

Retable de la Passion de Caspar Isenmann 

Place des Unterlinden - 68000 Colmar
Tél : 03 89 20 15 50
Horaires : Ouvert du mercredi au lundi de 9h à 18h - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.