Paris : Place Saint André des Arts, charme villageois, topographie singulière héritée de l'ancienne église Saint André des Arts démolie au début du XIXème siècle - VIème

 

La Place Saint André des Arts invite à prendre le temps de la flânerie à l’ombre des platanes. Pittoresque carrefour du quartier de la Monnaie à la limite du village de Saint Germain des Prés, elle entretient une atmosphère de placette villageoise. A l’animation des terrasses de café se mêle une certaine bonhommie des brasseries traditionnelles. Les bistrots parigots aux immuables menus bourgeois côtoient les échoppes street food dispensateurs de sandwiches grecs internationaux. Entourage Guimard à l’entrée du métro Saint Michel, colonne Morris, fontaine Wallace et lampadaires au style inimitable, le mobilier urbain vient rappeler que le visiteur se trouve bien à Paris.





1866 Photographe Charles Marville

1898 Photographe Eugène Atget

1917 Photographe Charles Joseph Antoine Lansiaux


L’aspect actuel de la place Saint André des Arts interpelle par l’irrégularité de son tracé, à première vue fantaisiste. Elle conserve en creux la forme de l’église éponyme, construite vers 1215, démolie entre 1802 et 1808. Anecdote, Voltaire (1654-1778) fut baptisé à l’église Saint André des Arts. Aujourd’hui, les volumes disparus se manifestent notamment dans les proportions du parvis. L’espace établi entre les rues Suger et Saint André des Arts, pignons aveugles, marque la largeur de la bâtisse. Une fresque de Catherine Feff, réalisée sur cette portion de mur à l’initiative de la Mairie, pâtit de son accessibilité propice au vandalisme des tagueurs. L’angle opposé de la place rappelle la ligne du chevet. 

A la Révolution, les biens du Clergé sont nationalisés. Dans un premier temps, l’église Saint André des Art est préservée par la loi du 4 février 1791 qui établit les trente-trois nouvelles paroisses de Paris. Quelques années plus tard, elle n’échappe plus à son destin. Le 21 août 1797, la bâtisse est vendue à des particuliers, parmi lesquels certain monsieur Bourret. L’église est démolie entre 1800 et 1808, libérant une parcelle.








Ministre de l’Intérieur sous le Premier Empire de 1804 à 1807, Jean-Baptiste Nompère de Champagny (1756-1834), outre ses prérogatives policières, établit un vaste plan de travaux publics. La rue de Rivoli est l'une des réalisations. En 1805, il envisage la création de la place Saint André des Arts à l’emplacement de l’ancienne église. Un arrêté préfectoral du 24 mars 1809, signé par le préfet de la Seine, Nicolas Frochot (1761-1828), valide l’acquisition par la Ville de Paris du terrain, alors propriété du général de Brigade, Pierre-Mathieu Parrein (1755-1831), lié à Joseph Fouché le ministre de la Police, et des héritiers Bourret. L’espace asymétrique, vaste de 1016m2, autorise alors une largeur maximale de cinquante-trois mètres. 

En 1855, le percement du boulevard Saint Michel et la création de la place Saint Michel amputent la place Saint André des Arts de quelques mètres carrés dont la largeur est réduite à un peu plus de cinquante mètres. L’ouverture de la rue Danton en 1893, dont le chantier se poursuit jusqu’en 1898, modifie son tracé et entraîne de nombreuses démolitions.

Au début du XXème siècle, la création de la ligne 4 du métro altère une nouvelle fois sa physionomie. En 1906, le creusement de la station Saint Michel met à jour des vestiges archéologiques, chapiteaux et fûts de colonnes provenant de l’église originelle, anciennes sépultures du XIIIème siècle comportant six sarcophages, nombreux ossements, poteries, tessons et fragments de tuiles gallo-romaines, rappel de l’activité développée sous le Bas Empire dans ce quartier.







Au débouché de la place Saint Michel, carrefour des rues Hautefeuille, Suger, Danton, Francisque-Gay, Saint André des Arts, la place Saint André des Arts a conservé de curieuses vielles maisons côté sud et est. Les rives nord et ouest absorbées par la création de la place Saint Michel. Au numéro 9, une ancienne bâtisse remaniée compose sa façade hétéroclite d’éléments anciens et plus récents dont les lucarnes évoquent la Renaissance.

Au numéro 11, se trouve l’emplacement de la maison natale de Charles Gounod (1818-1893), où la famille du compositeur demeure jusqu’en 1823, date de la mort du père, François-Louis Gounod. Entre 1893 et 1898, le percement de la rue Danton conduit à la démolition du numéro 11. Cette ancienne demeure, l’hôtel des Sachettes, appartient au XVIe siècle, entre 1523 et 1537, à la famille Galoppe. La bâtisse originelle radicalement transformée au fil des siècles par des surélévations n’avait conservé que deux fenêtres intéressantes de style Renaissance. Les encadrements de baies déposés, ont rejoint les collections du Musée Carnavalet. Ces lucarnes ont longtemps été considérées comme provenant de l’Hôtel de Thou. Ce dernier édifié au XVIème siècle, s’élevait sur la parcelle voisine entre l’actuel 13 place Saint-André-des-Arts et les numéros 6 et 8 de la rue des Poitevins.







L’Hôtel de Thou a été construit à l’instigation de Christophe de Thou (1508-1582), magistrat, conseiller d’Henri II, premier président du Parlement de Paris à partir de 1562. Son fils, l’historien Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), Grand-Maître de la Librairie du Roi, joue un rôle considérable durant le règne de Henri IV. Tout au long de sa vie, il enrichit la collection de livres précieux héritée de son père, la célèbre Bibliothèque de Thou. Vendue en 1680, elle revient presque entièrement au président Menars (1643-1718), bibliophile averti. Au XVIIIème, les 12 729 volumes sont conservés par la famille de Rohan-Soubise. L’ensemble est dispersé en 1789 lors de la vente ans la vente du prince de Rohan-Soubise. 

Au numéro 15 de la place Saint André des Arts, une ancienne maison basse accueille le bistrot La Gentilhommière. Au numéro 30, se trouvait le siège de la rédaction du Journal des Artistes et des Amateurs, édité de 1827 à 1870. Dans ces bureaux, première réunion de la Société libre des Beaux-arts de Paris s’est déroulé le 18 octobre 1830.

Place Saint André des Arts - Paris 6
Carrefour des rues Hautefeuille, Suger, Danton, Francisque-Gay, Saint André des Arts



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.


Bibliographie
Saint-Germain des Prés et son faubourg, évolution d’un paysage urbain - Dominique Leborgne - Parigramme
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme