Ailleurs : Maison d'Adam, construction médiévale emblématique de la ville d'Angers, maison à pans de bois remarquable

 


La Maison d’Adam, ou maison d’Adam et Eve ou encore Maison de l’Arbre de vie, se trouve au cœur historique de la ville d’Angers, à l’angle de la place Sainte Croix et de la rue Montault, derrière la cathédrale Saint Maurice. Référence de l’architecture médiévale angevine du XVème siècle, l’ouvrage témoigne de l’art de bâtir local, du savoir-faire des charpentiers locaux. Les analyses de dendrochronologie menées en 2001 ont permis de dater précisément sa période de construction. L’échantillon prélevé sur la charpente de la toiture a déterminé l’année d’abattage du bois utilisé à 1491. Le décor de la tourelle d’angle - l’Arbre de vie entouré des figures d’Adam et Eve ainsi que du serpent, éléments détruits à la Révolution - a donné son nom courant à cette bâtisse emblématique de la ville.

Jusqu’en 1860, Angers compte près de trois-cents maisons à colombages. Aujourd’hui il n’en reste qu’une quarantaine. La Maison d’Adam se distingue par ses dimensions exceptionnelles et l’opulence de son décor sculpté, façade pittoresque à panneaux losangés dans le style prisé des marchands fortunés du XVème siècle. Ce modèle particulièrement riche de l’habitat bourgeois assoit le statut social de son commanditaire, Jean Lefèvre, apothicaire et notable. Construite sur un terrain d’angle de huit mètres sur dix, la Maison d’Adam s’élève sur six niveaux, hauteur exceptionnelle au XVème siècle. Elle comporte un rez-de-chaussée, trois étages, deux étages de combles et en supplément un sous-sol voûté en berceau. En toiture, deux grandes lucarnes s’ouvrent sur la rue Montault. La façade à colombages se caractérise par un nombre important de poteaux massifs taillés dans un seul bloc. Les hourdis du panneautage, couches de remplissages, étaient constituées à l’origine de briques. Le décor sculpté, à la polychromie disparue, est parcouru de motifs décoratifs, telles que des torsades, et ponctué de scènes profanes et sacrées. Les épisodes bibliques, l’Annonciation, saint Michel ou saint Georges combattant le dragon côtoient des séquences symbolistes le pélican offrant son sang à ses petits, qui évoque la Résurrection. Les saynètes truculentes, couple d’amoureux, cortège de musiciens, le célèbre père Tricouillard, plaisantin impudique au pantalon baissé, dialoguent avec des variations autour du bestiaire mythologique, centaures, griffons, chimères.









Les sources fiscales de la Ville d’Angers précisent la chronologie et l’histoire de la Maison d’Adam. En 1415, Pierre Lefèvre, apothicaire, déclare au chapitre de Saint Maurice sa propriété, le logis dit du Minage, à l’angle de la rue Montault et d’une seconde voie étroite, disparue lors du dégagement de la place Sainte Croix. Les archives de la municipalité désignent un second apothicaire appartenant à la même famille, du nom de Jean Lefèvre ou Lebreton, comme commanditaire d’une grande bâtisse sur cette parcelle à la fin du XVème siècle. Les analyses du bois ont permis de dater la construction après 1491.

La Maison d’Adam reflète le statut de son maître d’ouvrage, notamment ses proportions inhabituelles, six niveaux alors que l’usage limite plutôt les constructions à quatre étages. La double façade s’orne de signes de prestige, pignons multiples, panneaux à losanges décoratifs, encorbellements moulurés. La tourelle d’angle en surplomb est ponctuée d’une série de petits cabinets, « écritoires » ou « comptoirs » similaires à ceux des logis aristocratiques. Les annales municipales indiquent Renée Lefèvre, propriétaire en 1526. 

Jacques Richard, marchand prospère, notable d’Angers, futur maire de la ville, acquiert la Maison d’Adam vers 1544. A cette occasion, il fait reconstruire la maison voisine au numéro 17 rue Montault dit hôtel de Thévalle. Une courette et un passage dans les étages relient alors les deux bâtiments. Au XVIème siècle à Angers, charges municipales et judiciaires ont des propriétés anoblissantes. Le marchand devenu maire achète un domaine de rapport, patrimoine rural qui lui permet de revendiquer une particule. Jacques Richard accole le nom de cette terre à son patronyme, et se titre sieur de Bois-Travers. La Maison d’Adam sera par la suite résidence de deux juges consuls de juridiction des marchands. Un document daté de 1686, indique comme propriétaire Jean Jolivet marchand de drap de laine puis en 1714, la maison revient à son gendre Michel Adam marchand de drap de soie. 

A la Révolution, les figures d’Adam et Eve, ainsi que le serpent, sont martelés par des vandales. Seul l’Arbre de vie nous est parvenu. En 1814, des remaniements drastiques transforment la bâtisse et font notamment disparaître définitivement la polychromie des éléments sculptés. Le grand pignon sur la place Sainte Croix est modifié en demi croupe. Les fermes de tête des lucarnes à pignon sur la rue Montault disparaissent, les hourdis de brique sont plâtrés. Façades et bâtiment sont classés à l’inventaire des Monuments historiques par arrêté du 28 septembre 1922. 









Une campagne de restauration respectueuse du patrimoine historique est orchestrée au début des années 1950. L’objectif est de rétablir l’édifice dans son état originel, de faire disparaître les altérations de 1814. La première étape, de 1951 à 1954, sous la direction de Bernard Vitry, architecte des Monuments historiques et son correspondant local Henri Enguehard, rétablit le grand pignon dans son intégrité. Les poteaux sculptés sont rénovés à partir du troisième étage, par le sculpteur Marcel Mainponte, de Bagnolet. Le seconde cycle, de 1964 à 1967, restaure la façade sur la rue Montault.

Le rez-de-chaussée de la Maison d’Adam est affecté en 1992 à un usage commercial et devient la Maison des artisans. En 1994, un bail emphytéotique est concédé à Soclova, spécialiste du logement social sur Angers. A cette occasion, une nouvelle rénovation est menée sous la direction de Gabor Mester de Paradg architecte des Monuments historiques. Le chantier inclut la maison du 17 rue Montault, rattachée à la Maison d’Adam au XVIème siècle par Jacques Richard et la création de six logements sociaux. 

Fin 2022, une restauration d’envergure en deux étapes, dont la durée est estimée à dix-huit mois, est décidée. Le budget alloué au chantier trois millions d’euros est financé à 80% par la Soclova, le bailleur social, le reste par l’Etat dans le cadre France Relance. La campagne sous la direction de Gabriel Turquet de Beauregard, architecte des Bâtiments de France, travaux conduits par le cabinet Architrav et François Terrien, met à l’oeuvre huit entreprises locales ? 

La première phase entamée en janvier, la première phase comprenant travaux de couverture, enlèvement des remplissages des pans de bois, décapage des peintures et diagnostic sanitaire des bois, se poursuivra jusqu’à la fin de l’été 2023. La seconde étape prévoit la restauration des bois en croisillons, le remplissage des hourdis avec un mélange chaux et chanvre, remplacement des menuiseries et peintures. La phase finale des opérations prévoit la rénovation des six logements HLM gérés par la Soclova. 

Maison d’Adam
1 place Sainte Croix - 49100 Angers



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.