Le Jardin du Luxembourg, espace public depuis sa création au XVIIème siècle sous l’impulsion de Marie de Médicis (1573-1642), conserve la trace d’une inspiration florentine qui puise à la source du palais Pitti et son jardin Boboli. Néanmoins sa disposition en deux pans contrastés, jardin à la française aux lignes rigoureuses et jardin à l’anglaise plus luxuriant, date d’un réaménagement initié juste avant la Révolution et achevé sous l’Empire. Depuis la Monarchie de Juillet, cent-six statues disséminées à travers le jardin ponctuent la promenade dans un ensemble réunissant Jules Dalou (1838-1902), Antoine Bourdelle (1861-1929), Auguste Rodin (1840-1917), Ossip Zadkine (1888-1967). Le long des allées arborées, marronniers, tilleuls et platanes dialoguent avec de plus rares essences paulownias, savonniers, gingkos. Les parterres de fleurs évoluent au gré des saisons. Pensées, myosotis, giroflées, pétunias, alternent avec géraniums, dahlias, calcéolaires, ageratum.
Au carrefour des arrondissements et des quartiers, lieu de flânerie, de lecture, le Jardin du Luxembourg voit passer chaque jour les étudiants de la Sorbonne et des nombreux lycées aux alentours aussi bien que les touristes. La fontaine Médicis du XVIIème siècle, célèbre dans le monde entier, côtoie le pavillon Davioud du XIXème où se tiennent des expositions temporaires. La programmation culturelle se complète d’expositions photographiques sur les grilles d’enceinte et de concerts au kiosque à musique. Auprès des ruches, des cours d’apiculture sont dispensés aux amateurs. La botanique est mise à l’honneur au sein de l’Orangerie, des serres et du verger dédié aux pommiers et poiriers de variétés anciennes. Les enfants du quartier se réunissent autour du Grand Bassin et ses petits bateaux, attirés par le théâtre de marionnettes, les promenades à poneys ou bien l’aire récréative. Les sportifs s’y regroupent par spécialité. Les coureurs trottinent sur l’allée périphérique. Les joueurs de tennis rejoignent la partie ouest du parc où se trouvent six cours. Le boulodrome comporte deux terrains. Et des tables sont gravées de plateaux d’échecs.
Le Jardin du Luxembourg, l’un des plus vastes espaces verts publics de Paris, se déploie sur une superficie de vingt-trois hectares. Il a pourtant subi de nombreuses amputations. Le parc originel s’étend dans notre topographie contemporaine vers l’est au-delà de la rue Auguste-Comte jusqu’aux rives de la rue Saint Jacques. A l’ouest, il court parallèlement à la rue Notre-Dame des Champs et s’allonge jusqu’au milieu de la rue Vavin osant une pointe en direction de l’actuel boulevard Raspail. La rue Guynemer est incluse dans son intégralité. Au nord la rue de Vaugirard, le jardin s’ancre dans un ancien espace planté hérité du Moyen-Âge à proximité du plateau des carrières de la Porte d’Enfer. Il a hérité des nombreuses galeries souterraines fruits d’une structure géologique particulière et du creusement des anciennes carrières de gypse.
Jusqu’à la Révolution, le domaine est fermé au sud par le clos des Chartreux, ordre fondé en 1004 par saint Bruno en Dauphiné. L’ensemble limite alors la perspective et contraint de développer le jardin parallèlement au Palais du Luxembourg. La parcelle sud a été offerte en 1257 à l’ordre bénédictin par Saint Louis (1214-1270), terrain alors situé hors de l’enceinte défensive de Philippe Auguste sur lequel se trouvait le château en ruines de Vauvert. L’entrée du monastère se trouvait à la hauteur de l’actuelle rue Auguste Comte, tandis que les bâtiments conventuels étaient développés sur des parcelles le long de l’actuel boulevard Saint Michel.
Edifié entre 1615 et 1630, le Palais du Luxembourg emprunte son nom à l’hôtel particulier voisin, le Petit Luxembourg. Marie de Médicis, régente depuis l’assassinat de son époux Henri IV en 1610, manifeste le désir de bâtir un Palais Médicis, lieu indépendant du Louvre. Dans un courrier daté d’octobre 1611 à sa grand-tante la duchesse de Toscane, la princesse Christine de Lorraine, elle s’enquière des plans du palais Pitti. La reine-mère dépêche même l’architecte Louis Métezeau à Florence pour l’étudier ainsi que le jardin Boboli. L’achat, entrepris en 1611, de l’hôtel particulier de François de Luxembourg situé sur l’actuelle rue Vaugirard, est acté au printemps 1612. Marie de Médicis, enthousiaste, s’offre un ensemble d’ormes à planter dans son futur jardin. L’acquisition de terrains aux alentours se poursuit. Certains propriétaires font grimper les enchères. En 1613, Louis XIII (1601-1643), enfant, pose la première pierre de l’aqueduc d’Arcueil. Le système de captation des eaux de Rungis permette d’alimenter le domaine. Le chantier s’achève en 1623.
Lorsque débute la construction du palais en 1615, Marie de Médicis préfère la proposition de Salomon de Brosse (1565-1626), architecte du château de Montceaux, à celle des frères Métezeau. Secondé par son fils Paul de Brosse, il achève le gros oeuvre corps de logis de l’aile droite sur cour et du corps d’entrée, en 1622. Deux ans plus tard, l’acquisition auprès d’un propriétaire retors d’une dernière parcelle de terrain permet de lancer en avril la construction de l’aile gauche du palais. Marin de la Vallée (circa 1560-1655) prend la suite de Salomon de la Brosse. Les travaux sont finalisés sous la direction de Jacques Lemercier en 1630.
Jacques Boyceau de la Barauderie (1560-1635), intendant des jardins du roi Henri IV, de la reine Marie de Médicis, puis du roi Louis XIII, dirige la plantation du jardin du Luxembourg et dessine les parterres. Alexandre Francine imagine une grotte, future fontaine Médicis, à la façon de celle qui se trouve dans les jardins de Boboli pour fermer la perspective à l’est. Thomas Francine (1571-1651), frère d’Alexandre, ingénieur auprès du grand-duc de Toscane Ferdinand Ier de Médicis, a rejoint la France en 1599 où il travaille auprès de la reine Marie de Médicis. Ils appartiennent à une famille originaire de Florence, qui se transmettra de père en fils la charge d'intendant des eaux et fontaines royales, du roi d’Henri IV jusqu’à Louis XV.
L’agitation politique met un terme aux divers ajouts. A la suite des évènements de la « Journée des dupes » du 10 novembre 1630 au Palais du Luxembourg, Louis XIII renouvelle sa confiance à Richelieu et contrait la reine-mère Marie de Médicis à l’exil. Elle quitte Paris définitivement en février 1631. A son décès en 1642, le domaine revient au fils cadet frère du roi, Gaston d’Orléans (1608-1660). Le Palais devient officiellement Palais d’Orléans, appellation qu’il conserve jusqu’à la Révolution tandis qu’à l’usage il demeure le Palais du Luxembourg. En 1696, il revient au roi Louis XIV. Le palais fermé en 1778 passe dans l’apanage du comte de Provence, frère cadet de Louis XVI, futur Louis XVIII qui compte en faire sa résidence. Il lance un vaste chantier de modernisation et prend ses quartiers au Petit Luxembourg durant cette période. L’étude du projet est confiée à Jacques Germain Soufflot (1713-1780) puis à Jean-François Chalgrin (1739-1811).
Sous la Révolution, le comte de Provence émigre avant la livraison du chantier. Le Palais du Luxembourg, désormais propriété nationale, est transformé en prison en 1791. Georges Danton, Camille Desmoulins, Philippe Fabre d’Eglantine, Jacques-Louis David passent dans ses geôles. En 1795, il accueille les bureaux du Directoire puis est affecté au Sénat en 1799.
Jean-François Chalgrin poursuit les transformations suspendues. Il adapte le Palais aux nouvelles fonctions. Le chantier s’achève en 1804. En parallèle, l’architecte trace l’avenue de l’Observatoire sur une portion des vingt-six hectares annexés du couvent des Chartreux nationalisé. Le clos qui bloque la perspective au Sud est rasé. Ce dégagement permettra la création en 1867 du jardin des Grands-Explorateurs Marco-Polo et Cavelier-de-la-Salle où se trouve la fontaine des Quatre-Parties-du-Monde (1875), œuvre de Gabriel Davioud, Jean-Baptiste Carpeaux et Emmanuel Frémiet.
Sous l’Empire, les aménagements destinent le jardin aux loisirs et plus particulièrement à ceux des enfants avec la création d’espaces ludiques, et bientôt la présence des premières voitures à chèvre. L’architecte Gabriel Davioud (1824-1881) créé kiosques et maisons de jardiniers. Le mur d’enceinte du jardin fait place à des grilles. En 1835, Alphonse de Gisors (1796-1866), architecte de la Monarchie de Juillet (1830-1848), est chargé d’agrandir les espaces intérieurs du palais du Luxembourg. A cette occasion, il intervient sur la façade avancée sur le jardin. Les parterres sont alors remaniés dans leur configuration actuelle.
De 1861 à 1866, les grands travaux d’Haussmann bouleversent l’urbanisme du quartier. De nombreux terrains au nord-est du jardin sont réquisitionnés pour créer le boulevard Saint Michel et la rue de Médicis. Le percement de ces nouvelles voies fait disparaître certains éléments historiques. La pépinière est rasée en 1865 à l’occasion du tracé de la rue Auguste Comte. La grotte Médicis est déplacée. Une nouvelle Orangerie édifiée.
La partie centrale du Jardin du Luxembourg, occupée par le grand bassin, rond à l’origine devenu octogonal sous l’Empire, scinde le parc en deux entités autonomes. Le jardin à la française dessiné au XVIIème siècle par Descamps, Bouttin, Boyceau de la Barauderie remodelé au XIXème siècle par Chalgrin se distingue par la géométrisation des parterres de fleurs et ses allées rectilignes. Un ensemble de sculptures reines, princesses et héroïnes de France, signées Denys Puech, Eugène Leguesne, Jules Dalou, jalonne la terrasse arc de cercle qui surplombe le bassin. Aux abords de la place Edmond Rostand et de la rue Auguste Comte, le Jardin du Luxembourg borné par les bâtiments du grand et du petit hôtel de Vendôme, maisons de rapport édifiées en 1707 par les Chartreux. L’Ecole des Mines s’installe dans les murs du grand hôtel Vendôme à partir de 1812 tandis que le petit Vendôme accueille le Musée de la Minéralogie. Les serres du Luxembourg à l’arrière de cette parcelle sont fameuses pour leurs collections d’orchidées.
Le jardin à l’anglais au sud-ouest du domaine, court le long des rues Auguste-Comte, Assas et Guynemer. Des arbres remarquables, d’essences exotiques, y ont été plantés, tulipier de Virginie, paulownia impérial, hêtre pourpre, savonnier de Chine, arbre de Judée, micocoulier de Provence, séquoia géant. Au sud, se trouve la dernière pépinière de Paris dont la tradition date de 1809. Héritière du verger des Chartreux, elle conserve un millier de variétés, parmi lesquelles six-cents de pommes et de poires anciennes. Le rucher reconstruit en 1991, selon un usage qui remonte à 1856, est animé par la Société centrale d’Apiculture. Chaque année, la récolte vendue à l’occasion de l’exposition d’automne qui se tient à l’Orangerie.
Jardin du Luxembourg - Paris 6
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Saint-Germain des Prés et son faubourg, évolution d’un paysage urbain - Dominique Leborgne - Parigramme
Connaissance du Vieux Paris - Jacques Hillairet - Rivages
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme
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