Paris : Hôtel Guimard, 122 avenue Mozart, le manifeste architectural d'Hector Guimard à Auteuil - XVIème

 

L’Hôtel Guimard, au 122 avenue Mozart à Auteuil, témoigne de l’esthétique parvenue à maturité développée par Hector Guimard (1867-1942). A la suite de son mariage en 1909 avec l’artiste-peintre américaine Adeline Oppenheim, fille d’un riche banquier new-yorkais, l’architecte au sommet de sa gloire imagine un hôtel particulier associant domicile et bureaux. La fortune personnelle de l’épouse permet de développer le projet avec faste. Le couple fait l’acquisition d’une parcelle triangulaire de 90m2 sur les rives de la récente avenue Mozart. Les contraintes matérielles du terrain se révèlent source d’inspiration pour l’inventif Guimard. Edifié entre 1909 et 1912, l’immeuble comporte six niveaux scandés par des encorbellement à partir du deuxième étage. L’agence d’architecture se trouve au rez-de-chaussée, les appartements privés au premier et au deuxième étage, l’atelier d’Adeline Oppenheim-Guimard au troisième étage. La façade asymétrique marquée par le recours à la courbe est rythmée d’ouvertures irrégulières, fenêtres et balcons, bow-windows, lucarnes à auvent sous les combles, tous différents. Le programme décoratif, encadrements de pierre et ferronnerie, motifs floraux, végétation luxuriante, souligne la liberté de composition. Le style Guimard dépouillé des extravagances formelles expérimentales aboutit à des volumes unifiés. La polychromie épurée opte pour une association pierre blonde et briques ocres.

L’Hôtel Guimard illustre l’idée d’une démarche esthétique globale, une conception totale de l’architecture aux décors intérieurs, en passant par le mobilier et les divers éléments décoratifs. L’unité stylistique se distingue par la souplesse des lignes inspirées de la nature, le raffinement des matériaux, l’élégance du graphisme général. De nos jours, les intérieurs, divisés en appartements autonomes privés, ont été profondément transformés. L’hôtel est inscrit à l’inventaire complémentaire des Monuments historiques par arrêté de 4 décembre 1964. Il fait l’objet d’un classement partiel ultérieur. Façades et toitures, vestibule d’entrée, escalier et sa rampe, sont classés par arrêté du 17 juillet 1997.







De 1900 à 1910, Hector Guimard vit une période féconde qui voit l’aboutissement du « style Guimard ». Le 17 février 1909, l’architecte, quarante-deux ans, épouse Adeline Oppenheim (1872-1965), trente-sept ans, artiste-peintre américaine. Ce mariage lui apporte une certaine aisance financière. Le couple envisage la construction d’un hôtel particulier, véritable manifeste architectural. 

En mai 1909, ils acquièrent un parcelle exiguë de 90m2 avenue Mozart. La demande de permis de construire est déposée le 14 juin 1909. Le chantier débute en 1910 pour le gros oeuvre et s’achève en 1912 avec la finalisation des aménagements intérieurs. La disposition particulière du terrain, son étroitesse pousse Guimard à établir des murs porteurs limités aux murs extérieurs. Dès lors, il imagine chaque niveau déployé en plan libre autonome différent. L’escalier principal trop encombrant est remplacé par un ascenseur pavé de miroirs aujourd’hui disparu. 

L’agence d’architecture prend place au rez-de-chaussée. Au premier étage, les deux pièces de réception, salle à manger et salon, sont aménagées sur un plan elliptique qui nécessite la création de meubles sur-mesure adaptés à la courbe des murs. Au deuxième étage se trouvent les chambres. Le troisième étage est réservé à l’atelier d’Adeline Oppenheim-Guimard auquel s’ajoute une chambre d’ami. L’ensemble est complété par trois chambres de bonnes sous les combles. 






Chambre de Madame Guimard au Musée des Beaux-Arts de Lyon



Hector Guimard met en scène son idée d’oeuvre totale, d’harmonie esthétique. Il signe l’architecture mais aussi l’architecture d’intérieur, les décors, vitraux, moulures, ferronneries, serrurerie, lambris, les corniches. Il créé le mobilier et les boiseries en bois de poirier, les luminaires, les lustres, les appliques, les carrelages. Il dessine les motifs des moquettes, des tissus d’ameublement, des papiers peints des rideaux, du linge de maison.

Le couple Guimard emménage en 1913. Ils demeurent avenue Mozart jusqu’en 1930. Adeline Oppenheim-Guimard, d’origine juive, s’inquiète de la montée des extrêmes en Europe. Elle souhaite rentrer aux Etats-Unis. A la suite du déménagement, Hector Guimard nourrit l’idée de faire don de l’immeuble à l’Etat afin de créer un musée dédié à l’Art Nouveau, sans retour favorable. Durant la Seconde Guerre Mondiale, le couple vit à New York. Au décès d’Hector Guimard en 1942, sa veuve cherche à faire aboutir le projet. Au lendemain de la guerre, Adeline Oppenheim-Guimard reprend contact avec l’Etat français qui refuse le legs de façon définitive. 








En 1948, les archives Guimard sont détruites et le mobilier dispersé. Certains musées français bénéficient de la générosité de la veuve. » La chambre de Madame Guimard » rejoint le Musée des Beaux-Arts de Lyon. L’ensemble de vingt-huit pièces comprend du mobilier en bois de poirier, plaqué d’érable moucheté pour le lit et la coiffeuse. Le lustre et l’applique en verre proviennent du salon. Une horloge de parquet entre dans les collections du Musée des Arts Décoratifs. 

Boiseries et mobilier de la salle à manger sont offerts à la Ville de Paris. Un argentier et un vaisselier intégrés aux boiseries, une table et six chaises, deux chaises à bras, un lustre, restaurés sont exposés au Petit Palais depuis 2005 dans une salle dédiée du parcours permanent. La Ville de Nancy reçoit des éléments issus du bureau, depuis conservés au Musée de l’Ecole de Nancy. Le salon revient au Cooper Hewitt Smithsonian Design Museum de New York. Le reste part lors de ventes aux enchères qui font le bonheur de collectionneurs américains. L’Hôtel Guimard est divisé en appartements, vendus à l’unité. 








Malgré ses diverses protections, l’immeuble longtemps délaissé, n’est pas entretenu faute d’intérêt pour l’architecte. En mauvais état, l’Hôtel Guimard n’a retrouvé sa superbe que récemment grâce à des campagnes de restauration minutieuses, peut-être liées au retour en grâce de l’Art Nouveau. En 2006, l’encadrement de la porte d’entrée fait l’objet d’une rénovation suivie en 2016 par celle des façades et des toitures.

Hôtel Guimard 
122 avenue Mozart - Paris 16



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Parigramme

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