Théâtre : Mauvaise petite fille blonde, de Pierre Notte - Avec Antonio Interlandi - Studio Hébertot - Jusqu'au 8 avril 2023

 


Trop occupée à regarder les nuages, une petite fille renverse accidentellement la coupelle pleine de piécettes d’une mendiante assise sur le trottoir. Elle se fait gronder. Alors qu’elle ne l’a pas fait exprès. Sa mère accusatrice la prive même de goûter. A la maison, elle voudrait dire sa honte, sa colère à son père. Le soir, le petit frère renverse ses carottes et elle se fait à nouveau réprimander sans raison. Mortifiée, elle ne comprend pas. Les injustices se multiplient. La maîtresse a des chouchous. Ben lui préfère Safira, la petite syrienne. Déroute morale, inquiétude latente. La fillette a de drôles d’idées : couper les cheveux de sa camarade de classe, piquer son petit frère avec sa fourchette parce qu’il fait trop de bruit quand il respire, se noyer dans la baignoire pendant que sa tante la garde. Elle imagine même la mort de ses parents qui ne l’aiment plus selon elle. Puisque le monde est vraiment trop injuste, désillusion précoce, elle qui était sage va devenir méchante pour de bon. 

Moraliste corrosif, observateur du monde tel qu’il va, Pierre Notte signe un monologue bouillonnant à hauteur d’enfant. Les récriminations de la fillette égarée dans sa douleur et sa colère, écriture précise, subtilement acidulée, tendent un miroir à peine déformant à notre société. L’accent porté sur la noirceur, la mauvaise conscience vient éclairer un sous-texte infusé d’actualité au sujet de la montée des extrêmes. Sœur de Titeuf, du petit Nicolas, de Mafalda, la petite fille blonde interprète tout mal, faute d’obtenir les bribes d’explication que lui refusent les adultes. La promesse du chaos naît de l’incompréhension. Le regard est acéré, le propos déroutant, la férocité radicale. Avec poésie et humour, Pierre Notte navigue entre deux eaux, de la tendresse à la violence, cruauté et défiance. Il emprunte la voix de l’enfance, l’emphase des inquiétudes pour dire l’apparition du mal.




Antonio Interlandi, chanteur, danseur, comédien, prête ses traits à cette petite fille blonde accusée à tort, égarée qui se voudrait malveillante pour se venger. Seul en scène, costume décalé converse rouge et tutu rose, la posture est naturelle, quelques pas de danse, une arabesque esquissée. Sans afféterie ni minauderie, l’incarnation de l’enfance est ailleurs. Dans la diction hachée, le débit bousculé, il traduit la volubilité, la fébrilité enfantine. Cette rythmique frappée de justesse exprime la tension mentale, la rage, le désespoir de la terrible fillette qui débite des horreurs avec une innocence glaçante. Rejet de l’autre, racisme, xénophobie, homophobie, le basculement terrifiant advient parce que les adultes ne lui donnent pas les clés de la compréhension. Reflet des déraillements du monde lui-même. Oeuvre percutante, « Mauvaise petite fille blonde » mêle avec intelligence légèreté et gravité, émotion, sourire et trouble. 

Mauvaise petite fille blonde, de Pierre Notte 
Jusqu’au 8 avril 2023

Mise en scène Pierre Notte 
Avec Antonio Interlandi
Costume Alain Blanchot
Lumières Antonio de Carvalho

Studio Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles - Paris 17
Tél : 01 42 93 13 04
Horaires : Jeudi, vendredi, samedi 19h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.